Un écart qui se creuse entre riches et pauvres et, à la fin, un pays qui en prend pleinement conscience et se révolte, mené par une bourgeoisie de plus en plus nombreuse et de plus en plus influente revendiquant l’accès au pouvoir, à la culture et aux fonctions. La Révolution française a bien été ainsi, sur fond de banqueroute financière, à la fois une révolution de pauvres, affamés par la hausse du prix des grains, et une revendication du pouvoir par ceux qui créaient la richesse et en étaient écartés.
L’histoire aujourd’hui bégaye. La banqueroute est devant nous, comme alors. Depuis trente ans, la disparité des revenus est redevenue intolérable. Les pauvres et les classes moyennes ne sont pas encore affamés, mais leur niveau de vie baisse : 58 % des Français se préparent à consommer moins, économisant sur l’eau, l’électricité, l’habillement, les soins de santé, les loisirs et l’alimentation. Près de 30 % des jeunes sont au chômage, formant aux Minguettes, au Mirail ou dans les quartiers nord de Marseille des réservoirs de délinquance et de désespoir.
L’opinion publique, qui à travers la prolifération des journaleux, des libellistes et des écrivains, s’arrogeait le droit de discuter de tout en 1789, se répand aujourd’hui à une échelle bien plus vaste sur internet, ses blogs et ses tweets. La politisation à travers les questions religieuses, c’était hier le jansénisme et c’est aujourd’hui l’islam. La place grandissante alors justement revendiquée par les femmes, exprimée par Olympe de Gouges dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, c’est aujourd’hui la revendication d’ « à compétence égale, salaire égal » .
Ceux d’en haut vivent comme alors dans l’ignorance du quotidien des autres. Leur corruption et leur vanité de caste se sont partout répandues. Ceux d’en bas ont été mis en état de servitude volontaire par le piège du crédit à la consommation et l’exploitation des ouvriers du tiers monde, leur permettant d’acheter bon marché sans percevoir la misère de leurs semblables. La Cour a été remplacée par une oligarchie incestueuse sans cœur ni compassion.
C’est dans ces conditions que la pression est mise de partout sur notre gouvernement « socialiste » pour qu’il fasse des « réformes » à la Necker, pour faire payer au peuple des dettes contractées par les financiers, les Fermiers généraux d’alors étant devenus nos banquiers « universels ». Un sursis a été consenti par Bruxelles à la France pour qu’elle ramène son déficit public en deçà de 3 % de son produit national brut, mais à condition de réduire ses dépenses publiques, comme le chancelier Brüning ou Pierre Laval dans les années trente du XXe siècle, et de « modérer » les salaires. Le Monde est plus spécifique. Dans son éditorial du 7 mai, il adjure François Hollande d’assumer « des choix difficiles inédits pour un président de gauche » , « le tour de vis fiscal plutôt que les largesses de la dépense publique, le compromis avec les marchés, la discipline européenne, l’adaptation de la compétitivité nationale aux contraintes mondiales, bref l’effort avant le réconfort » . Et d’ajouter : « Dans un pays qui s‘est habitué, depuis des décennies, à vivre au-dessus de ses moyens » . Hier c’était : « Qu’on leur donne de la brioche » . Françoise Fressoz, toujours dans Le Monde , Alain Duhamel et les éditoriaux du Figaro sonnent l’hallali. François Hollande doit pour eux devenir un nouveau Louis XVI, il en a d’ailleurs le caractère débonnaire. Un peu, beaucoup, énormément de bashing l’accommodera.
Ici, nous nous battons pour qu’enfin on change de cap, sans repli national à la Le Pen ni écologie inflationniste au sein d’un euro mélenchonisé. Le tocsin sonne, en France et dans le monde – le vrai. Le sursaut est urgent.