Voici la contribution de Jacques Cheminade au débat sur les parachutes dorés lancé sur le site Newsring.fr
Il est choquant que les conservateurs suisses fassent preuve de plus de bon sens et de hardiesse que les socialistes français
L’initiative suisse est une initiative globale contre les rémunérations abusives, votée par 67,9 % des votants. Les Suisses ont en effet voté non seulement l’interdiction des parachutes dorés mais également des primes de bienvenue. Par ailleurs l’Assemblée générale doit voter chaque année la somme globale des rémunérations.
Tous les cantons suisses ont voté en faveur de cette interdiction. Même le canton de Zoug, refuge financier du monde, a voté pour. Pourquoi ce vote a-t-il eu lieu ? Parce que quand Daniel Vasella, le président sortant de Novartis, est parti avec 72 millions de francs, cela a donné lieu à un scandale énorme dans le pays. Il a renoncé par la suite à son indemnité de départ, mais le mal était fait. On a donc un mécontentement qui réunit la gauche jusqu’à la droite en Suisse.
Cela me fait penser à ce que Jacques Attali avait dit à l’occasion du G20 de Londres : « C’est la City et Wall Street qui veulent étouffer la Suisse, qui est leur rivale ». La Suisse est traditionnellement le pays qui gère les grandes fortunes. Mais auparavant, il fallait avoir bénéficié d’une formation relativement éthique pour pouvoir contrôler cette gestion de fortune. De nos jours, l’esprit de milice suisse disparaît, car on cherche à faire de la Suisse une place financière branchée sur les places financières mondiales. C’est pour défendre cette tradition d’une Suisse républicaine que les citoyens se sont mobilisés en nombre. C’est cela que l’initiative de Thomas Minder exprime.
Car ce qui est intéressant en Suisse, c’est le projet mené par Thomas Minder, cet homme qui a été trompé par la faillite de Swissair et par l’Union des banques suisses. Cet industriel plutôt conservateur s’est rebellé, et il a proposé une politique qui va au-delà des lignes politiques habituelles et qui s’oppose à cette tutelle financière de l’économie, en France, en Suisse et ailleurs.
Il faut combattre ce qui a transformé la France en place financière
La France doit suivre l’inspiration suisse car la « réforme bancaire » du Parti socialiste français ne change rien de fondamental.
C’est toute l’économie dite parallèle, la banque de l’ombre et cette espèce de fraude organisée, que Jean de Maillard a dénoncée dans « La grande arnaque », qu’il faut toucher. Il faut interdire aux gens de détourner de l’économie réelle de l’argent qui devrait bénéficier à la population. Il faut, comme en Suisse, interdire juridiquement les parachutes dorés, cet incroyable détournement de l’esprit même de la vie d’entreprise. Car cela va beaucoup plus loin que le capitalisme.
On assiste à l’émergence d’une nouvelle espèce de managers qui ne sont même pas responsables sur leurs propres deniers, du sort de l’entreprise qu’ils dirigent. C’est là très différent de l’entrepreneur traditionnel. Ce sont des managers qui sont promus pour extraire le plus de substance possible de l’économie réelle et le donner à un système financier et bancaire qui tourne en rond.
Mais ces mesures doivent être votées par le peuple au moyen d’un référendum. Cela ne peut pas tomber d‘en haut comme un oukase. Or, en France, on a rendu inaccessible toute initiative populaire. Il faut donc trouver la base pour faire de même qu’en Suisse. Cette interdiction ne peut en effet être mise en place que s’il y a un accord qui va au-delà des partis politiques habituels. Il faut combattre ce qui a transformé la France en place financière et la politique des banques branchées sur les marchés internationaux. Il est tout de même choquant que des conservateurs suisses fassent preuve de plus de bon sens et de hardiesse pour combattre la tutelle financière que des socialistes français.
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