Il faut le dire d’emblée : la loi du 16 décembre 2010 doit être abrogée car son objectif affiché, l’optimisation de l’organisation territoriale, ne correspond en rien à ce qu’elle est réellement : un relais de la loi des marchés financiers, transmettant à tous les échelons du pays une logique de démantèlement des services et de destruction progressive de la vie locale. Cette loi, dans son texte comme dans son esprit, vise à réduire tous les points de résistance existants ou éventuels en imposant plus ou moins autoritairement des regroupements et en transférant aux collectivités territoriales des attributions toujours plus nombreuses, tout en réduisant leurs dotations et sans leur accorder l’autonomie fiscale qui leur permettrait de se financer correctement.
Comme Edouard Balladur l’a reconnu dans son rapport préalable, « l’objectif dans la durée, c’est l’évaporation des communes et des départements » . La loi vise en effet à supprimer l’identité même de chacun d’entre nous, définie par une triple appartenance à la commune, au département et à la patrie, en lui substituant un triptyque intercommunalités/régions et métropoles/Union européenne. Dans ce triptyque dévoyé, les schémas d’intercommunalité sont élaborés d’en haut par les préfets, sans simulations financières leur permettant de valider le fait que ces schémas amélioreront ou pas les solidarités économiques et humaines. Les régions restent à 80 % dépendantes de l’État pour leurs ressources et les métropoles, elles, deviendront dans ce contexte un « trou noir ». D’une part, fortes de leurs ressources, elles empêcheront les départements de jouer leur rôle de redistribution en faveur des territoires ruraux et, d’autre part, elles empiéteront progressivement sur les souverainetés nationales dans une réorganisation des espaces publics en « taches de léopard », autour de nouveaux barons étendant leurs activités à l’international. L’absence de coordination institutionnelle entre métropoles, départements et régions incite d’ailleurs à se demander si cette usine à gaz a été créée pour ne pas fonctionner. L’Union européenne, enfin, dans son état actuel, jouera le rôle de l’Empire non impérial évoqué par José Manuel Barroso, coiffant le tout et basé sur la servitude volontaire des élites politiques.
Cela ne signifie pas que les intercommunalités, les régions, les métropoles et l’Europe soient en elles-mêmes à rejeter mais que, dans la logique financière dominante, ces quatre échelons sont utilisés pour étrangler les existants. Je dénonce cet étranglement voulu des lieux de base de l’exercice de la démocratie de proximité et de la citoyenneté nationale. Non par chauvinisme, mais parce que dans cette configuration, les peuples sont congédiés et incités à rentrer en concurrence les uns avec les autres. Non par localisme, mais parce que cet étranglement est voulu par les marchés financiers, en application de la règle du jeu imposée par la City et Wall Street, dont le gouvernement Sarkozy-Fillon s’est fait la courroie de transmission. En fait, le gouvernement a ajouté une crise territoriale à la crise mondiale.
Je partage la colère et le désarroi de ceux qui subissent ce traitement. Je crains aussi son effet sur l’ensemble de notre économie : plus de 70 % des investissements publics de notre pays sont réalisés par les collectivités locales, et l’affaiblissement de leurs marges de manœuvre nous condamnerait tous.
Les raisons d’abroger la loi de 2010 méritent cependant plus de précisions, pour en souligner tous les dangers.
I - Le contexte
1) Un État qui se déshonore
Le contexte dans lequel intervient le « big bang » des collectivités territoriales est révélateur de l’état d’esprit de ceux qui en ont élaboré les dispositions.
Aujourd’hui, l’État ne verse pas aux départements les quelque 5 milliards d’euros de compensation au titre des dépenses sociales qu’ils ont encourues en raison des transferts de compétences. Il s’était engagé à le faire et ne l’a pas fait, ni pour l’aide personnalisée à l’autonomie (APA), ni pour le revenu de solidarité active (RSA), ni pour la prestation de compensation du handicap (PCH). François Fillon a certes proposé en faveur des départements les plus menacés une mission d’appui qui accordera 150 millions d’euros sur un fonds d’urgence. Le caractère dérisoire de cette somme apparaît lorsqu’on la compare aux 5 milliards dus. Si le gouvernement reste sourd, une cessation de paiements menace les trois quarts des départements dans les deux prochaines années. Qu’a-t-on donc prévu pour le RSA dans les départements urbains et pour l’APA dans les départements ruraux ? Pour l’instant, rien, car on reste dans le déni de réalité.
Pour 20 000 communes, le gel des dotations de l’État se traduit en 2011 par une baisse d’au moins un milliard d’euros de ses concours. Le Comité des finances locales (CFL) n’a plus aucune marge de manœuvre, si ce n’est de répartir la pénurie.
De plus, les collectivités territoriales trompées par les banques, et notamment par Dexia aujourd’hui en voie de démantèlement pour cause de spéculations insensées, ont contracté des « emprunts structurés » qui se sont avérés toxiques. Selon la Cour des comptes, 30 à 35 milliards d’emprunts de cette nature ont ainsi été contractés, dont environ 12 à 15 milliards présenteraient aujourd’hui un risque élevé. Il est clair que l’État s’est montré défaillant dans l’encadrement de pratiques bancaires inadmissibles, relevant à la limite du droit pénal.
Le résultat de cette situation d’ensemble est que de très nombreuses collectivités locales en difficulté abandonnent au privé le financement et l’exploitation de leurs équipements et de leurs services. Les recours à des partenariats public/privé se multiplient, même sur de petits chantiers comme pour l’éclairage public ou un collège. Les villes et les communes sont souvent contraintes de brader leurs avoirs.
En même temps, la diminution devenue systématique des agences d’État remet en cause le maillage des territoires. A ceux qui se plaignent de voir les bureaux de poste et les écoles fermer, les contrats locaux de sécurité aboutir à une baisse des effectifs de police et de gendarmerie et l’Office national des forêts amputé d’une partie de ses effectifs, le gouvernement répond que c’est une problème de rentabilité. Avoir des classes uniques dans tous les villages de France, leur dit-on, ne serait ni efficace ni responsable du point de vue des finances publiques, de même que le maintien des bureaux de poste. Le gouvernement affirme qu’il préfère mettre 2 milliards disponibles dans l’équipement à très haut débit du territoire plutôt que de « maintenir du service public dans des endroits où l’on n’a plus les moyens de le faire ». Évidemment, s’il faut renflouer les banques en prétendant aider la Grèce et ne pas inquiéter les multinationales, il n’y a pas d’argent disponible pour le service public ! Autrement dit, la toile virtuelle du web pourra couvrir tout, sauf que la substance économique réelle des territoires sera en voie de disparition. Une vision comptable de l’aménagement du territoire l’emporte ainsi sur la mission d’un État stratège assurant un développement harmonieux.
Le gouvernement s’efforce de convaincre que la « réforme territoriale » est une chose en soi, sur un terrain déterminé par des préjugés idéologiques libéraux, dans un univers en contraction financière, sans la situer sur le plan d’ensemble d’une économie physique se développant au service de l’homme. Dans ce contexte, même si l’on parle d’« intercommunalité d’adhésion », la réalité est que l’on impose l’intercommunalité à ceux qui ne veulent pas se laisser dépouiller. Je dis non à cette façon de procéder.
2) Non à une intercommunalité imposée
L’objectif de la loi est « l’achèvement et la rationalisation de la carte de l’intercommunalité » , avec « une couverture intégrale du territoire » par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, regroupant au moins 5000 habitants. Ce sont les préfets qui sont chargés de faire les projets de « schéma départemental de coopération intercommunale », sous leur seule responsabilité. Ils peuvent faire toutes les propositions de fusion, suppressions, inclusions, transferts qu’ils jugeront utiles. Leurs propositions sont transmises pour avis aux conseils municipaux et conseils d’organismes de coopération concernés, puis à la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), toujours, en principe, pour simple avis. Celle-ci ne peut modifier la proposition du préfet qu’à la majorité des deux tiers, ce qui signifie qu’une proposition préfectorale recueillant plus du tiers des voix pourra être réputée favorable. Le schéma devait être arrêté par le préfet et « approuvé au plus tard le 31 décembre 2011 ».
Cependant, la multiplication des protestations et le résultat que l’on sait aux élections cantonales puis sénatoriales ont contraint le gouvernement à biaiser. La CDCI sera libre de travailler sur le schéma proposé par le préfet, les élus pourront compléter le projet en accord avec les réalités sur le terrain et le report de la date limite des schémas sera possible si « une large majorité ne s’est pas dégagée au 31 décembre de cette année » . Les schémas seraient censés correspondre à des bassins de vie, mais il n’empêche que des périmètres d’EPCI ont été décidés d’en haut, sans réflexion ni consultations démocratiques des collectivités territoriales, et que des syndicats de communes ont été de la même façon supprimés.
Ensuite, le préfet arrêtera les EPCI à fiscalité propre entre le 1er janvier et le 31 décembre 2012, et achèvera le travail avant le 31 décembre 2013. Le préfet aura donc, in fine et dans tous les cas, le dernier mot.
Le recul relatif du gouvernement n’aura été effectué que pour faire avaler plus doucement la pilule amère parce qu’il était devenu impossible de passer en force.
3) Non à une intercommunalité antichambre de la disparition des communes
L’objectif poursuivi est de transférer un maximum de ressources et de compétences aux EPCI, dont l’existence aura été imposée directement ou indirectement, pour préparer la disparition des communes, suivant les pressions de l’Union européenne visant à réduire leur nombre à 5000 ou 6000 :
- le nombre de délégués prévus par la loi ne résulte plus de l’accord passé lors de la création de l’EPCI. Un siège est attribué à chaque commune et des sièges complémentaires sont répartis en fonction de la population. Les communes, en cas de modification des périmètres, ne pourront plus se prononcer sur le nombre de délégués. Je dis non à cette rupture avec le principe de coopération volontaire ;
- on aboutira ainsi à une forte réduction du nombre de délégués communautaires, du nombre de vice-présidents et de bureaux. Le pouvoir se trouvera concentré entre les mains du président de l’intercommunalité et d’un nombre limité de vice-présidents, avec leurs proches conseillers. Je dis non à cet abandon du principe d’égalité entre les maires de communes, quelle que soit leur taille ;
- la représentativité des communes dans les CDCI sera réduite des 60 % actuels à 40 %. Les cas où les décisions devront être prises à la majorité qualifiée pour être applicables seront en peau de chagrin. Le verrou protecteur des communes disparaîtra : par exemple, le transfert de compétences ne nécessitera plus que l’accord de la moitié des communes représentant au moins la moitié de la population. Je dis non à cette possibilité offerte à l’intercommunalité de « siphonner » les compétences des communes à la majorité simple.
Les intercommunalités reçoivent les moyens de devenir des « quasi-communes », sur le mode apparent du volontariat mais avec de fortes incitations financières. Ces « communes nouvelles » impliqueront nécessairement soit la disparition des communes existantes, soit leur transformation en communes déléguées, à titre révocable.
En même temps les départements, touchés de plein fouet par la réforme des finances locales, seront menacés, les plus peuplés par la création de métropoles, les plus petits par la substitution de conseillers territoriaux aux conseillers généraux. Tous se trouveront progressivement empêchés de jouer leur rôle de redistribution en faveur des territoires ruraux. Je partage l’anxiété des maires qui redoutent un désengagement massif des conseillers généraux puis demain territoriaux dans le financement des projets municipaux.
4) Non à la création de métropoles contre les communes, les départements et l’État
Le texte de loi prévoit la création d’un EPCI à fiscalité propre de type nouveau, la métropole, constituée d’agglomérations de communautés urbaines de plus de 450 000 habitants. Celle-ci héritera obligatoirement de deux compétences des départements, les transports scolaires et la gestion des routes départementales. De plus, des transferts de compétence et des moyens du département ou de la région vers la métropole seront réalisés « par convention ». Cependant, dans d’autres cas ce ne sera même pas nécessaire. Par exemple, s’agissant de la compétence « développement économique » , des « aides aux entreprises » et de la « promotion à l’étranger du territoire et des activités économiques » , « si la convention n’est pas signée dans les 18 mois à compter de la réception de la demande, les compétences seront transférées de plein droit à la métropole ». Les dépenses transférables représenteront environ 80 % des dépenses actuelles des départements. L’État applique ainsi les critères de « compétitivité urbaine » conformes aux objectifs de Lisbonne : les métropoles se substitueront aux communes, aux départements et aux régions et étendront en même temps leurs activités à l’international. Le risque sera ainsi grand qu’elles constituent de nouvelles féodalités, empiétant à la fois sur les attributions des collectivités territoriales et sur la souveraineté nationale. La gouvernance territoriale des États-nations se trouvera ainsi diluée et les communes privées de leurs compétences et de la plus grande partie des ressources fiscales de leurs territoires. Autant dire que ce ne seront plus de vraies communes. Autant dire que l’Etat sera démembré. Je m’oppose totalement à cette conception administrative féodale qui étayerait le féodalisme financier aujourd’hui dominant.
5) Non à des conseillers territoriaux éloignés des communes et gérant l’usine à gaz financière
Dans sa logique, la loi a créé les conseillers territoriaux, qui remplaceront à la fois les conseillers généraux et les conseillers régionaux actuels. Le prétexte à cette création, évoqué par le président de la République, est de « permettre à moindre coût un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale » . Il s’agit d’un double mensonge : si les futurs 3496 conseillers territoriaux seront deux fois moins nombreux que les anciens conseillers généraux, ils seront environ deux fois plus nombreux que les actuels conseillers régionaux. Avec deux conséquences :
- moins de démocratie, en particulier dans le monde rural, car les maires seront plus éloignés de leurs futurs conseillers territoriaux qu’ils ne le sont aujourd’hui de leurs conseillers généraux, relais de leurs initiatives et « capitaines des équipes locales ». Le mode de représentation deviendra essentiellement démographique, après le découpage de la carte actuelle des cantons en nouvelles circonscriptions de 20 000 habitants, même si depuis l’adoption du principe, des corrections ont été effectuées. Il y aura donc bien une réduction absurde des conseillers dans les départements faiblement peuplés, même si leur surface est relativement étendue. La Lozère sera ainsi réduite à 15 cantons, contre 25 actuellement.
- Dans les départements les plus peuplés, ce système hybride peut aboutir à une « cantonalisation » des régions, chaque département venant y faire son marché sans souci de vision d’ensemble. Les départements les plus petits, eux, pourront au contraire être réduits au rôle de chambres d’enregistrement des décisions régionales. Partout les conflits d’intérêt auront tendance à se multiplier dans ces conditions, fatalement au détriment des plus faibles et des plus pauvres, car la logique du tout est financière.
- le coût réel ne sera même pas moindre, mais paradoxalement plus élevé. En effet, la part des économies effectuées sera faible : les conseillers généraux ne représentent que 0,3% du budget des départements. La part dépenses sera, elle, bien plus élevée : les conseillers territoriaux devant être presque deux fois – et parfois davantage – plus nombreux que les actuels conseillers régionaux, il faudra reconstruire les hémicycles des régions et mettre de nouveaux bureaux à la disposition des élus supplémentaires et de leurs collaborateurs. L’ardoise ne devrait pas être loin du milliard d’euros !
6) Non à l’absence de visibilité sur les ressources fiscales
La réforme des collectivités encadre les cofinancements des projets communaux par les régions et les départements. Or ces deux collectivités ont déjà vu leurs recettes fiscales réduites par la réforme parallèle de la taxe professionnelle.
Il est vrai qu’en 2011, le gouvernement a presque entièrement compensé les effets de cette diminution. Cependant, l’avenir est flou, le montant de la CVAE n’est pas réellement connu et tout repose sur le bon vouloir de l’État, les collectivités ayant perdu une partie de leur autonomie. A cela s’ajoute le gel des dotations et la réticence des banques à prêter, car elles se trouvent occupées ailleurs. Certes, 3 milliards d’euros ont été libérés au niveau de la Caisse des dépôts, mais ce cautère a été partagé pour moitié en faveur des collectivités et pour moitié en faveur des banques, pour élargir leur faculté de prêt. Ici encore, une dépendance sur le bon vouloir.
En matière de péréquation, la péréquation verticale, relevant de la solidarité nationale, reste extrêmement limitée, contrairement à ce qui arrive par exemple en Allemagne, dont on cite par ailleurs l’exemple à tout va. Le gouvernement a mis l’accent sur la seule péréquation horizontale : les prélèvements sont opérés sur les communes les plus riches pour être reversés aux communes les plus pauvres. Environ 6200 communes sont ainsi écrêtées. Avec le Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC), environ 250 millions d’euros ont été réaffectés et on espère un milliard en 2015. C’est évidemment bien peu, par rapport à la masse des besoins et dans le brouillard financier dans lequel avancent actuellement les territoires.
L’impératif est de rétablir la visibilité des élus sur des ressources fiscales claires et pérennes.
Tout est donc à refaire. Le problème n’est pas l’application de la réforme, mais la réforme tout court, car elle se situe dans un contexte financier inacceptable qu’il faut donc changer de fond en comble.
II - De là partent mes propositions, cohérentes avec mon projet d’ensemble.
- Remettre tout à plat en revenant à une concertation véritable entre Etat et collectivités dans le cadre de la séparation des banques de dépôt et de crédit d’une part, et des casinos financiers opérant sur les marchés spéculatifs, d’autre part. Ce n’est que dans ce cadre que l’on pourra mettre en place un système de crédit productif public irriguant les territoires. Sans cela, toute « réforme » est condamnée à se soumettre au monde de l’argent et à gérer la pénurie et le chaos, au profit d’une oligarchie par nature centralisatrice pour préserver son pouvoir.
- Créer tout de suite un point de CSG supplémentaire affecté aux départements pour qu’ils puissent faire face à leurs charges sociales et retrouver de la visibilité (cf. Une révolution fiscale pour financer l’avenir et revaloriser le travail).
- Soutenir toutes les initiatives d’élus territoriaux pour défendre leurs collectivités de la contamination par les effets toxiques bancaires. L’État tel que je le conçois, et qui en a les moyens, doit veiller sur les pratiques des banques. Le contrôle du secteur Crédit local de Dexia par la Caisse des dépôts et La Poste, après les errements passés, doit permettre d’organiser dès maintenant un bon outil de financement des collectivités, qui sera ensuite intégré dans le pôle ou la banque d’investissement public que je conçois, comme le font également d’autres candidats.
- Mettre sérieusement à l’étude le remplacement des impôts locaux existants par des impôts correspondant mieux aux conditions de notre époque, plus pérennes et mieux corrélés aux revenus des ménages. Je ferai en sorte que l’État, qui a transféré aux collectivités territoriales des attributions toujours plus nombreuses, leur accorde l’autonomie fiscale et les transferts de ressources propres à les financer correctement. La situation actuelle, qui combine dépendance et recours constant à des expédients, conduit à une crise territoriale très grave s’ajoutant à la crise mondiale actuelle.
- Ma démarche anti-crise se résume à introduire, à chaque niveau de responsabilité territoriale et sans dilution excessive dans des entités nouvelles, une spécialité, un financement et une direction. Il s’agit d’organiser un enchaînement clair de responsabilités :
- spécialité : les services de proximité pour la commune, le social pour le département, l’économique pour la région. Le principe est que chacun puisse agir en évitant le plus possible que ses compétences se croisent avec celles de tous les autres, et que les administrés sachent qui est responsable de quoi. C’est dans ce contexte clarifié que les éventuels abus de l’intercommunalité pourront être le mieux évités ;
- financement : une même ressource par type de collectivité, afin que soit clarifié le rôle de chacun dans la pression fiscale. Les contribuables sauront mieux ainsi qui leur fait payer quoi ;
- direction : un élu doit détenir un seul mandat, sous réserve de son éventuel ancrage au Sénat renouvelé. La conduite de la collectivité doit en effet pouvoir être identifiée à une personne et à une équipe que les électeurs pourront confirmer ou remplacer en y voyant plus clair.
- spécialité : les services de proximité pour la commune, le social pour le département, l’économique pour la région. Le principe est que chacun puisse agir en évitant le plus possible que ses compétences se croisent avec celles de tous les autres, et que les administrés sachent qui est responsable de quoi. C’est dans ce contexte clarifié que les éventuels abus de l’intercommunalité pourront être le mieux évités ;
- Mettre en place un solide dispositif de péréquation combinant le vertical (attribution de plus de moyens financiers aux collectivités les plus pauvres, en application du principe de solidarité) et l’horizontal (accroître le reversement des ressources des collectivités les plus riches aux plus pauvres). Actuellement, les deux péréquations existent mais les deux sont insuffisantes et une réflexion d’ensemble n’a jamais été réellement faite.
- Mon but est de réduire la dépendance vis-à-vis de l’État, qui aujourd’hui légitime le cumul des mandats : les élus justifient en effet le cumul d’un mandat national et d’un mandat local en invoquant la nécessité de devoir défendre à Paris les intérêts de leur ville, de leur département ou de leur canton, ce qui engendre fatalement un climat de compromissions. C’est donc de système de financement que l’on doit changer, en autonomisant et responsabilisant les collectivités territoriales, si l’on veut assainir le climat et rendre possible l’interdiction du cumul des mandats.
- Il est nécessaire de se donner les moyens de faire si l’on veut réduire la dépendance paralysante vis-à-vis de l’État. Un statut de l’élu doit être enfin mis en place (cf. Exécutif - Législatif : combattre la mondialisation financière par une participation citoyenne). En tous cas, le maire d’une commune de 10 000 habitants, mandat qui devrait nécessiter réellement un temps plein, perçoit une indemnité nette d’environ 1 900 euros. Ce n’est pas assez pour un homme actif. L’on comprend donc que les retraités et les fonctionnaires comptent parmi les catégories fortement surreprésentées au sein des élus locaux. Le coût de l’harmonisation du statut des élus locaux à un niveau leur permettant d’exercer leur mandat à temps plein, à partir d’une commune de plus de 3500 habitants, puis de bénéficier d’une retraite décente, a été évalué à un peu plus d’un milliard d’euros. Je m’efforcerai que cette dépense soit effectuée, car ce qu’on y gagnera en mobilisation des compétences et gain de temps de travail compensera largement la dépense elle-même.
Interdiction de cumul des mandats et statut de l’élu pourront être présentés dans un texte commun, par voie référendaire, pour mettre chacun devant ses responsabilités et échapper aux blocages plus ou moins corporatistes. - Je m’engage à réduire le poids des administrations centrales, freinant l’approfondissement de la déconcentration, qui doit aller de pair avec la décentralisation. L’abondance de circulaires reçues dans chaque préfecture, dont un bon tiers de « très signalées » par les ministères, fait que non seulement les préfets, mais leurs chefs de service, sont dans l’impossibilité de tout lire ! De plus, la complexité, la longueur et la lourdeur administrative des textes rendent plus difficile l’accès des citoyens à leurs droits, au lieu de le faciliter. J’ai vu beaucoup de maires et de secrétaires de mairie perdre une partie de leur temps à traduire un jargon. Si les circulaires étaient réservées à des matières essentielles et signées personnellement par les ministres, sans délégation de signature possible, la clarté des textes et la capacité d’interprétation locale, en fonction des situations de terrain, y gagneraient, et les responsabilités ne pourraient être diluées.
- Dans ces conditions, l’intercommunalité devrait se développer en respectant les intérêts et l’autonomie des communes participantes sans constituer un autre échelon de baronnie. Si un abus se trouve commis, toute commune doit pouvoir se retirer, de même que si un État membre de l’Union européenne voit son intérêt national et celui de son peuple bafoués au sein de celle-ci, il doit pouvoir exercer un droit légitime de rupture.
On ne peut en effet livrer la « décentralisation » à l’usage massif de la colle, des ciseaux et d’une éternelle présence obligatoire. Une méthode trop autoritaire s’est avérée facteur d’inquiétude et de suspicion. Ce qu’il faut donc à l’avenir, c’est permettre aux collectivités d’aller elles-mêmes vers des découpages et une organisation mieux adaptés. Il en résultera des collectivités qui, progressivement, seront mieux soudées, plus logiques et plus performantes. Le principe est ici que rien ne puisse être imparti d’en haut.
En cas d’abus de certaines communes au détriment d’autres, la libre administration des communes doit être le principe absolu face à la pression éventuelle des préfets ou des barons locaux. La défense des services publics (poste, hôpitaux, équipement, perceptions...) et des écoles publiques, avec le maximum possible de proximité, doit être le corollaire de cette libre administration. Le service public, qui exprime l’engagement à long terme de la société, doit toujours avoir priorité sur la rentabilité financière à court terme.
La politique de « compétitivité urbaine », qui est actuellement poursuivie par l’État à sens unique, en faveur de la constitution de grandes métropoles susceptibles de rivaliser avec les autres métropoles européennes ou mondiales, doit être remplacée par une politique de développement harmonieux des territoires. J’y veillerai, car la métropolisation va de pair avec une mondialisation financière aux antipodes d’un ordre mondial fondé sur le développement mutuel. - La juste contrepartie de la déconcentration et de la décentralisation devra être une transparence accrue des budgets permettant leur discussion citoyenne. Je souhaite qu’ils soient, avec l’aide de techniciens, affichés sur internet afin de pouvoir être consultés et éventuellement critiqués par les populations intéressées. Ainsi s’ouvrirait progressivement une voie vers de réels budgets participatifs.
Adaptation au cadre du libéralisme financier autodestructeur, démoralisation ou colère des responsables, désintégration des territoires, facteur d’aggravation de la méfiance entre les maires et l’État : la réforme actuelle doit être arrêtée, et nous devons refonder une réelle politique d’aménagement et de développement harmonieux des territoires. C’est mon engagement ; il suppose à la fois beaucoup de caractère et plus encore de concertation.
En ce moment de crise profonde, internationale et nationale, il est pour moi évident qu’il faut d’abord ne pas déstabiliser ce qui marche. Il est évident que je n’admettrai pas ces dérives inspirées par un critère de rentabilité financière à court terme, ayant pour effet de démanteler nos services publics de proximité et de remettre en cause nos mesures de protection sociale en ôtant tout pouvoir à leurs défenseurs.