- L’objectif : susciter l’engagement citoyen
- I - Un exécutif fort pour combattre la mondialisation financière
- II - Un Parlement relevé pour légiférer et contrôler
- III - Sénat : vers une fusion avec le Conseil économique et social
- IV - Conseil constitutionnel : vers une Cour suprême de la nation
- V - Démocratie participative, droit de vote des résidents étrangers : une ouverture (...)
- VI - Encadrement des sondages
- VII - Vote électronique
- Conclusion
« élever à la dignité d’hommes tous les individus de l’espèce humaine »
Lazare Carnot
Mon projet est d’abord un appel à l’engagement citoyen au sein d’une des plus dangereuses tempêtes de l’histoire. L’administration Obama, poursuivant la dérive de George W. Bush et de Dick Cheney, se donne le droit de tuer à distance avec ses drones, partout dans le monde et sans même déclarer la guerre. L’Union européenne lui emboîte le pas, bafoue la démocratie dans ses initiatives et livre son économie à la dictature de la City de Londres. L’économie transatlantique se désintègre et les libertés publiques sont remises en cause. En France même, dans ce contexte, notre peuple oscille entre colère impuissante et démoralisation. Le danger est immédiat. Aussi, ce que je présente ici, dans la logique d’ensemble de mon intervention politique, est davantage un exemple pour susciter une mobilisation immédiate des énergies en traçant la voie qu’une simple énumération de mesures souhaitables à prendre. Ce qui sera possible demain doit inciter à intervenir tout de suite pour faire face à la menace qui détruirait la raison d’être de nos institutions républicaines si par malheur elle se matérialisait.
Ces institutions d’une République ont pour objet de la porter constamment au-delà d’elle-même : plus de justice, plus de respect de tous, plus de dignité sociale, plus de vouloir vivre en commun. Il est cependant clair qu’il ne peut y avoir de martingale institutionnelle idéale ; c’est l’absence d’hommes de caractère qui est aujourd’hui le vice principal du système. Ce que je propose ici vise à créer l’environnement dans lequel ils soient en mesure de réapparaître et de se multiplier, mais ne peut en aucune manière les engendrer mécaniquement.
L’objectif : susciter l’engagement citoyen
Les institutions ne trouvent leur plein sens républicain que lorsqu’elles font monter le peuple-citoyen sur la scène politique pour servir l’intérêt général.
La France, chaque fois qu’elle est elle-même, a cela de particulier qu’elle s’efforce alors d’œuvrer dans l’intérêt de tous, c’est-à-dire de tous les Français, vivants et à naître, en même temps que de l’Europe et de l’humanité. Ses institutions doivent être fortes pour défendre la cause de la justice, en ayant toujours à l’esprit qu’elle a été première pour l’État-nation servant l’intérêt général et le bien public, pour la cause de l’indépendance américaine, pour l’abolition de l’esclavage et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nos institutions n’ont de sens que si elles portent cette mémoire projetée vers l’avenir et que chacun d’entre nous la partage. Ici et maintenant.
La question institutionnelle commence donc nécessairement par le rétablissement de la volonté politique, au sommet comme à la base de l’État. Elle se noue dans ce défi. Les corrections nécessaires à apporter au fonctionnement des pouvoirs publics ne visent donc pas à établir un ordre idéal ou même objectivement meilleur, ce qui serait utopique, mais à permettre le retour subjectif de cette volonté politique.
La crise mondiale actuelle, portée par l’effondrement financier, monétaire, économique et culturel dans le monde, est paradoxalement le meilleur allié sur lequel nous puissions compter. Car c’est à la fois en vue d’y faire face et en l’utilisant comme levier que nous devons définir la refondation de nos institutions. Dans d’autres conditions, la tâche serait sans doute impossible.
Entre exécutif, législatif et judiciaire, il faut mettre en œuvre le principe de « l’accord des discords », comme le définissait Jean Bodin dans ses Six livres de la République , c’est-à-dire mettre en œuvre une dynamique définie par l’hypothèse supérieure d’un État-nation dont la légitimité découle de son respect du bien public.
Aujourd’hui, dans l’urgence, la Constitution de la Ve République ne peut et ne doit pas être bouleversée comme le voudraient certains rêvant d’une VIe, mais sérieusement amendée et bonifiée au fur et mesure que les circonstances le permettront.
I - Un exécutif fort pour combattre la mondialisation financière
Il faut, en cette époque tumultueuse, maintenir un exécutif fort, capable de faire valoir la justice et le droit au développement face aux dérives mondialistes et à l’impéritie européenne actuelle. Cet exécutif doit être le garant de l’intérêt national contre la mondialisation financière, c’est-à-dire d’une économie fondée sur le crédit productif public et non sur un monétarisme qui se prétend tour à tour libéral ou national. Seule une présidence audacieuse, s’appuyant sur le sentiment populaire et s’adressant à lui en adulte et non en attisant ses passions, permettra à la France de relever la tête.
C’est pourquoi je suis partisan de maintenir l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Cependant, s’il perd l’assentiment du peuple il ne peut gouverner. Il doit donc se retirer si lui-même (ou sa majorité) se trouve désavoué. La cohabitation devenue habituelle (presque dix ans sur seize entre 1986 et 2002) est une perversion absolue de l’esprit de la Constitution actuelle. Elle crée une dyarchie qui revient à une poursuite de la lutte électorale par d’autres moyens et paralyse l’esprit de décision face aux périls. On a espéré en guérir par le quinquennat et le calendrier électoral, mais c’est une illusion. Le président tire sa force de son caractère rencontrant la volonté du peuple ; s’il perd cet assentiment, il doit partir.
L’article 16 lui-même est nécessaire face au péril extrême de notre époque. J’ai souligné la nécessité éventuelle d’y avoir recours face à la désintégration de l’économie transatlantique et du système de l’euro (cf. ma section L’euro est mort, vive l’Europe des patries et des projets). Il ne doit cependant être appliqué que lorsque l’intérêt suprême de la nation se trouve menacé, pour assurer le respect du Préambule de notre Constitution face à la loi de la jungle de la mondialisation financière.
De même, le recours au référendum est un instrument essentiel du Président.
Toutefois, son domaine d’application me paraît à la fois trop restreint et trop large dans les cas retenus par l’article 11 de la Constitution et la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Je préconise plutôt de retenir, comme le voulait au départ Michel Debré, « toute question fondamentale pour la vie de la Nation » , mais là aussi en prenant pour référence le préambule de notre Constitution.
Dans l’éventualité où le recours à l’article 16 aurait été nécessaire, le Président devra ensuite, lorsque la situation deviendra moins dramatique, soumettre les décisions prises dans ce contexte à une confirmation par référendum ou par approbation du parlement.
Certes, l’on pourrait supprimer les excès de l’article 49-3 et le recours abusif aux ordonnances en matière de droits fondamentaux. Une réflexion devrait être engagée à cet effet, visant à limiter le recours au 49-3 non en nombre, comme c’est le cas actuellement (« un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » et « une fois par session pour un autre projet ou proposition de loi ») mais en substance, aux questions fondamentales pour la vie de la nation, comme pour le référendum. Le caractère exceptionnel du recours au référendum comme à l’article 49-3 ne doit pas être autorisé selon le sujet, mais en raison de la portée des décisions pour l’existence même de la nation.
Pour faire disparaître les recours abusifs au 49-3, je fais aussi confiance à la fin du cumul des mandats (cf. plus loin) qui permettrait aux bancs de l’Assemblée d’être plus densément garnis et rendrait, en conséquence, le contrôle parlementaire plus réel.
Reste le rôle du Premier ministre au sein de l’exécutif. Ici, les choses devraient être clarifiées. Il devrait être établi dans la Constitution que le Président « détermine la politique de la nation », en fixe les grands principes et en anime les orientations. Pour mettre en œuvre cette politique, il nomme le Premier ministre et met éventuellement fin à ses fonctions.
Ainsi, le Président, avec son Premier ministre, et l’Assemblée se trouveraient face à face. Dans la logique d’un nécessaire dialogue entre les pouvoirs, aujourd’hui inexistant, l’Assemblée ne pourrait censurer le gouvernement du Président, et le Président ne pourrait pas dissoudre l’Assemblée. Autrement dit, une entente dans l’intérêt supérieur de la nation devrait s’établir, la possibilité restant, en cas de conflit insoluble, à l’Assemblée de se dissoudre elle-même ou au Président de démissionner. En cas de conflit plus limité, le Président devrait pouvoir exceptionnellement opposer son veto à un texte de loi, l’Assemblée ayant la faculté de le rétablir à une majorité des deux tiers. Ce serait plus clair et la cohabitation deviendrait ainsi pratiquement impossible, le Président devant nécessairement se trouver en première ligne et non se contenter d’être éventuellement un « roi fainéant » ou un monarque agité et protégé.
Dans le contexte de responsabilisation mutuelle ainsi défini, les actes liés à la fonction présidentielle doivent toujours faire l’objet d’un traitement particulier et bénéficier d’un privilège de juridiction alors que les actes extérieurs ou antérieurs à cette fonction doivent, eux, relever de juridictions ordinaires, en étant filtrés par la future Cour suprême de la nation pour protéger le chef de l’État de plaintes abusives.
Restent deux initiatives à prendre pour clarifier la fonction présidentielle :
- prévoir que le chef de l’État prononce un discours sur l’état de la nation devant le Parlement chaque fois que survient un événement important pour l’existence de notre pays. Tout engagement de nos forces en dehors du territoire national, en particulier, doit être l’occasion d’un vrai débat suivi d’un vote.
- créer un véritable pouvoir judiciaire (cf. ma section Pour un pouvoir judiciaire citoyen) pour que l’on ne puisse plus soupçonner la justice de complaisance vis-à-vis de l’exécutif, d’une part, et que lui soient donnés d’autre part les moyens financiers et humains de faire son métier.
J’ajoute que l’élection présidentielle elle-même doit se dérouler en éliminant les fantaisistes et sans l’hypocrisie d’une prétendue campagne officielle bouclée en trois semaines. Le système des 500 parrainages d’élus me paraît justifié au regard de cette double exigence mais certainement pas la manière dont ces parrainages sont recueillis. Le Conseil constitutionnel ne commence en effet à distribuer les formulaires officiels qu’environ sept semaines avant la date de l’élection et ne confirme la liste officielle des candidats qu’à peine trois semaines avant. Les électeurs ne connaissent donc les prétendants définitifs qu’au moment de la dernière ligne droite, l’évaluation antérieure du sérieux des uns et des autres se trouvant livrée aux rumeurs et à l’arbitraire de médias plus ou moins sous l’influence de préjugés. Si les documents officiels étaient distribués cinq mois avant le vote, si la collecte était close quatre mois avant et si le Conseil présentait les candidats cent jours avant, les vrais concurrents, leurs idées et leurs programmes seraient connus et la campagne pourrait commencer sans être déjà presque finie.
II - Un Parlement relevé pour légiférer et contrôler
Le Parlement, de son côté, doit être relevé. C’est l’indispensable contrepartie d’un exécutif fort. Ses missions doivent être rétablies et resserrées. Il doit retrouver l’initiative de la loi et ses fonctions de contrôle effectif.
Le gouvernement doit présenter les grandes orientations de sa politique au Parlement, lors de débats sanctionnés par des votes. Il nous faut en effet un Parlement qui soit réellement un haut lieu du débat public. Lorsque survient un événement important, l’on doit se tourner spontanément vers le Parlement, et non vers la bureaucratie opaque des cabinets ministériels, qui sert l’exécutif tout en le manipulant.
Dans ce contexte, il faut que le Parlement pense en termes de grands débats et de lois de programmation et d’orientation, à un horizon long. Il faut donner aux Français une vision plus enthousiasmante de leur Parlement !
- Il faut mettre les parlementaires en état de travailler correctement, face à leurs responsabilités. Pour cela, on doit prévoir l’interdiction absolue de cumul des mandats avec d’autres postes de responsabilité publique et, en principe, avec l’exercice de toute activité professionnelle rémunérée. Ce mandat parlementaire unique permettra aux parlementaires de se concentrer réellement sur leur travail. Ils pourront alors exercer leurs pouvoirs de contrôle de l’administration et du gouvernement. Par exemple, ils disposent aujourd’hui d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place intéressant, mais qu’ils exercent peu parce qu’ils sont surchargés et rendus indisponibles par le cumul des mandats et les obligations de toutes sortes qui y sont attachées. Ce qui manque aujourd’hui à l’Assemblée, ce ne sont pas des pouvoirs, mais des parlementaires pour les exercer. Je me propose de créer les conditions de leur existence. J’ajoute que, malheureusement, ceux qui aujourd’hui bénéficient du cumul des mandats s’opposent à toute réforme en profondeur du système financier et monétaire tant leurs liens avec les banques et les sociétés d’assurance se sont noués et resserrés dans la durée.
- Il faut bien entendu organiser un statut de l’élu qui permette de mettre réellement en place ce principe. Il faut d’abord indemniser bien davantage les élus locaux pour leurs fonctions et fournir aux parlementaires des moyens de travail et de séjour à Paris constamment améliorés. Ceux-ci, lorsqu’ils perdront leur mandat unique, doivent disposer de garanties de retour dans leur corps d’origine de la fonction publique et de retrouver leur activité dans le privé. Si ce n’est pas possible, des formules de compensation doivent être trouvées, comme l’assurance de recevoir deux ans de rémunération correspondant à celle dont ils bénéficiaient antérieurement à leur élection, plafonnée à trois fois le SMIC.
- Dans le contexte précédemment défini, le nombre de députés devrait être réduit à 400, car la suppression du cumul des mandats leur permettra de passer plus de temps à Paris, dans leur bureau et dans l’hémicycle, à exercer leur double fonction de législation et de contrôle.
- Cette présence, avec l’extension du travail en commissions, permettra d’approfondir le travail du Parlement en termes de missions. Un parlement de missions se substituera ainsi à un parlement d’amendements.
- Depuis 2009, le travail des commissions parlementaires a été amélioré. Celles-ci, lorsqu’elles sont constituées, disposent de pouvoirs étendus : elles peuvent procéder à des auditions publiques, à des enquêtes sur pièces et sur place, en France ou à l’étranger, et sont habilitées à se faire communiquer tous les documents de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la Défense nationale, les Affaires étrangères, la Sécurité intérieure et extérieure de l’État et sous réserve de respect du principe de séparation entre l’autorité judiciaire et les autres pouvoirs. De plus, le nouveau règlement adopté par l’Assemblée nationale en 2009 offre à l’opposition un « droit de tirage » d’une commission d’enquête par an.
- Cependant, pour qu’un vrai Parlement qui légifère et contrôle puisse mieux fonctionner, je préconise des améliorations indispensables :
- pour accéder dans de meilleures conditions aux informations qui leur sont nécessaires, les commissions devraient toujours pouvoir convoquer les agents de l’État sans autorisation du gouvernement et recruter des chercheurs sur contrat pour étudier tel ou tel aspect particulier de la politique gouvernementale ou de la législation ;
- doter l’opposition de la possibilité de constituer non pas une mais trois commissions d’enquête par an sans qu’un vote négatif des trois cinquièmes des votants de l’Assemblée puisse l’empêcher, comme c’est aujourd’hui le cas ;
- l’incompatibilité entre la création d’une commission d’enquête parlementaire et l’existence d’une enquête judiciaire sur des faits donnant lieu à des poursuites, pour aussi longtemps que ses poursuites sont en cours, est légitime. Cependant, sous prétexte d’une séparation des pouvoirs que les gouvernements invoquent lorsque ça les arrange, cette disposition permet aujourd’hui au garde des Sceaux de bloquer la constitution d’une commission d’enquête en ordonnant au parquet d’ouvrir une information judiciaire. Avec la vraie séparation des pouvoirs que je préconise, le garde des Sceaux ne pourra plus donner de tels ordres au parquet et l’abus de procédure disparaîtra en conséquence ;
- le nombre de commissions permanentes, aujourd’hui au nombre de huit, devra être augmenté au fur et à mesure de la montée en puissance du travail parlementaire : elles travaillent mieux à effectif réduit et avec un domaine de compétence plus précis.
- pour accéder dans de meilleures conditions aux informations qui leur sont nécessaires, les commissions devraient toujours pouvoir convoquer les agents de l’État sans autorisation du gouvernement et recruter des chercheurs sur contrat pour étudier tel ou tel aspect particulier de la politique gouvernementale ou de la législation ;
- Enfin, les parlementaires ainsi motivés seront plus enclins à utiliser leurs pouvoirs, dont ils font aujourd’hui un usage modéré, comparé à ceux d’autres pays.
- Il faut également modifier l’article 40 de notre Constitution, qui corsète les parlementaires : si le principe d’irrecevabilité financière (pas d’aggravation des charges, pas de diminution des recettes) doit être admis, il est excessif que lorsqu’ils décident de réduire une charge publique, ils ne puissent compenser cette réduction par une autre sorte de dépense. Que, selon une pratique constante et commune à nos deux Assemblées, ils puissent compenser une proposition constituant ou aggravant une charge publique par une nouvelle source de recettes ne leur assure pas un pouvoir d’initiative suffisant.
- La Constitution pose un principe d’égalité entre le droit d’initiative gouvernemental (projet) et le droit d’initiative parlementaire (proposition). A l’origine cependant, la maîtrise absolue de l’ordre du jour par le gouvernement, selon la rédaction initiale de la Constitution de 1958, privait le Parlement de son pouvoir législatif et même de sa capacité de contrôle et d’évaluation de l’action du gouvernement. Certes, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a amélioré les choses en instituant un partage de l’ordre du jour entre Parlement et gouvernement, et en réservant une séance par mois à un ordre du jour arrêté par chaque Assemblée, à l’initiative des groupes d’opposition de celle-ci, ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. Cependant, dans la pratique, les projets de loi du gouvernement l’emportent toujours sur les propositions de loi des parlementaires et le contrôle des élus reste insuffisant. L’ordre du jour demeure en fait toujours donné par les projets de loi du gouvernement et les quelques propositions de lois de la majorité que le gouvernement retient.
- Pour améliorer la situation, quatre changements s’imposent :
- tout d’abord, fournir aux députés, aux groupes de députés et aux groupes parlementaires les moyens techniques pour rédiger une proposition de loi importante. C’est une question « d’ingénierie administrative », c’est-à-dire de moyens à fournir aux élus ;
- ensuite, développer le travail des commissions permanentes, qui doivent tirer profit du fait que l’examen des projets de loi en séance publique ne porte plus sur le texte tel que le gouvernement l’a déposé, mais tel qu’il a été adopté en commission. On parvient ainsi progressivement à une sorte de mixité ;
- limiter la capacité dont dispose le gouvernement d’empiéter sur les deux séances sur quatre consacrées à l’ordre du jour revenant au Parlement. En effet, outre les deux semaines qui lui reviennent de droit, le gouvernement dispose d’une « super-priorité » lui permettant d’inscrire des textes à l’ordre du jour et ce, même en dehors des deux semaines qui lui sont réservées. Ces textes, dont le caractère prioritaire dans le domaine financier ne peut être contesté, prennent la plus grande partie du temps de discussion d’octobre à novembre. De plus, le gouvernement peut inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée les textes soumis par l’autre depuis six semaines au moins. Cette dernière disposition, qui n’est pas par nature légitime, devra être purement et simplement supprimée ;
- enfin, prévoir deux séances au lieu d’une dont l’ordre du jour sera fixé par l’opposition, en prévoyant qu’elles se déroulent à un moment où le jeu des votes ne sera pas encore fait.
- tout d’abord, fournir aux députés, aux groupes de députés et aux groupes parlementaires les moyens techniques pour rédiger une proposition de loi importante. C’est une question « d’ingénierie administrative », c’est-à-dire de moyens à fournir aux élus ;
- Les présidents des deux assemblées devraient également pouvoir convoquer la commission mixte paritaire afin que les assemblées soient en mesure de faire aboutir les propositions de loi qu’elles estiment prioritaires.
- Enfin, je demanderai qu’une dose de représentativité en faveur des formations minoritaires soit assurée au sein de l’Assemblée nationale. A cet effet, l’élection à la proportionnelle sur une liste nationale devra être prévue pour une minorité de députés (20 à 25 % des sièges, soit, dans notre projet, 80 à 100 députés sur 400). Il s’agit d’éviter l’étouffement causé par un suffrage majoritaire à deux tours sans contrepoids, aggravé par notre système de financement de la vie politique (cf. sur cette question essentielle, Mettre fin au scandale français du financement de la vie politique).
III - Sénat : vers une fusion avec le Conseil économique et social
Le Sénat ne doit pas être le frein à main de la République mais un vecteur de progrès économique et social sur tout le territoire national.
Une réforme ne peut être mise en place que progressivement, mais elle est indispensable. La nouvelle institution devrait être constituée en partie par le Conseil économique et social, pour mieux éclairer l’action de l’État en matière d’économie et de progrès social. A la lumière de ses délibérations, le gouvernement devra prendre ses décisions en ce domaine, l’Assemblée voter ses lois, le ministre délégué au Plan fixer ses plans indicatifs. Ce Sénat renouvelé serait pour moitié élu par le collège actuel et pour moitié composé de membres de droit : présidents des régions, maires des grandes villes et communautés de communes, représentants élus de la vie économique et sociale, etc. Ainsi une nouvelle instance, définie à partir de l’héritage de ces deux institutions, serait en même temps fer de lance économique et social et fondement de l’aménagement du territoire. Elle pourra fédérer les aspirations des régions et de l’ensemble de nos collectivités dans un grand dessein définissant un horizon national. Elle imposera enfin les nécessaires péréquations horizontales, fondées sur l’impératif de solidarité nationale, et réintroduira les forces vives de la nation dans les prises de décision.
Sans précipitation, je ferai en sorte que la création de cette seconde Chambre moderne, assemblée de la décentralisation et de la participation du XXIe siècle, soit l’objet d’un grand débat national.
IV - Conseil constitutionnel : vers une Cour suprême de la nation
Aujourd’hui, les instances suprêmes de la justice, dans notre pays, sont partagées entre trois cours, le Conseil constitutionnel, la Cour de Cassation et le Conseil d’État. L’idéal, sur le papier, serait de fusionner ces trois instances en une unique Cour suprême de la nation. La Cour de Justice européenne fonctionnerait éventuellement comme une instance d’appel de ce tribunal national divisé en chambres. La jurisprudence y gagnerait en unité, le système judiciaire en cohérence et le justiciable en équité, le pays faisant en même temps d’appréciables économies.
Cependant, comme une telle réforme paraît difficile à faire passer à court terme face au poids des corporatismes, des habitudes acquises et des compétences accumulées, il faudra au moins réformer en profondeur le Conseil constitutionnel.
Tout d’abord, changer le mode de nomination de ses membres, beaucoup trop politique. Ma préférence va à des nominations sur des listes présentées par le Conseil supérieur de la magistrature au Parlement, sur lesquelles celui-ci devrait choisir 9 noms à la majorité des 3/5èmes. Les anciens présidents de la République ne devront plus en être membres de plein droit.
Ensuite, il faudra dissiper l’opacité des procédures. Comme dans la plupart des cours constitutionnelles européennes, le nom du rapporteur d’une décision, les travaux préparatoires, les délibérations du Conseil, les résultats des votes devront être publics. La création d’une fonction de commissaire du gouvernement me paraît souhaitable. Les décisions elles-mêmes seront soigneusement argumentées et non lapidaires comme c’est le cas actuellement, en laissant s’exprimer les opinions divergentes. Le principe du contradictoire devra y être sans exception respecté.
Afin d’éviter de trop fréquentes annulations de textes législatifs ou la tentation de se montrer trop complaisant, le Conseil devra être consulté par le gouvernement et le Parlement avant le vote des projets de loi et non seulement après, comme le Conseil d’État le fait pour les sujets de sa compétence.
Enfin, l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devra se dérouler dans de réelles conditions d’impartialité, ce qui n’est pas actuellement le cas. Le règlement intérieur du Conseil dispose en effet que « le seul fait qu’un membre du Conseil constitutionnel participe à l’élaboration de la disposition législative faisant l’objet de la question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation ». Une telle impertinence juridique justifie à elle seule la nécessité de modifier la composition du Conseil, de dépolitiser sa procédure de désignation et de professionnaliser son mode de recrutement.
V - Démocratie participative, droit de vote des résidents étrangers : une ouverture républicaine
1) Démocratie participative
Un référendum « d’initiative populaire » a été prévu par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il n’a pas été validé depuis par une loi organique. De toutes façons, ce projet de référendum est en réalité d’initiative parlementaire et de fait inapplicable.
Il n’y aurait en effet possibilité de référendum qu’à partir d’une proposition de loi soutenue par un cinquième du Parlement (soit 184 députés), qui, si elle est jugée conforme par le Conseil constitutionnel, devra alors recueillir la signature d’un dixième des citoyens français (soit environ 4,5 millions d’électeurs). Le peuple n’aurait donc pas la possibilité de prendre seul l’initiative, il devrait la quémander et le nombre de signatures exigées serait quasiment impossible à réunir. En outre, même si les signatures étaient recueillies, l’initiative ne serait soumise à référendum que si « la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux Assemblées dans un délai fixé par la loi organique ». De fait, les parlementaires pourraient donc se contenter d’examiner la proposition, pour éventuellement la rejeter intégralement.
En bref, on s’est moqué du monde, c’est-à-dire de nous autres électeurs et citoyens.
Je suis, à l’opposé de ce cirque législatif, favorable à l’instauration de référendums réellement participatifs. L’une des faiblesses de notre système est, en effet, que les Français ne peuvent être interrogés sur une simple question, mais doivent être saisis d’un texte législatif, qui peut en confondre plusieurs ou être abusivement long et compliqué, sans que quiconque puisse l’amender. Au contraire, avec le référendum participatif, pratiqué avec succès dans les démocraties scandinaves, à chacun son travail : aux citoyens de faire connaître leurs choix, aux parlementaires d’élaborer la loi qui s’en déduit. Et si ces derniers manquent à faire leur travail, les citoyens pourront les sanctionner dès les élections suivantes.
Je soutiens donc, dans un premier temps, le droit direct de présenter au Parlement, sur la base d’une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures, validées par une commission ad hoc, l’examen d’une proposition de loi. Pour les mêmes raisons, je suis favorable à la possibilité pour les citoyens de présenter par internet des suggestions aux commissions parlementaires, en vue de donner un sens plus interactif au mandat représentatif qui est le fondement de notre système républicain.
Ensuite, dans un second temps, je suis favorable à étendre la démarche en introduisant un vrai référendum d’initiative populaire. Une initiative populaire pourra, après avoir réuni au moins 500 000 signatures validées, être directement présentée à l’électorat, sous réserve que le Conseil constitutionnel ou la nouvelle Cour suprême l’ait agréée après en avoir vérifié la conformité à la Constitution (si le Conseil ou la Cour n’a pas donné son avis dans les trois mois, il ou elle sera supposé l’avoir approuvée). Le Parlement pourra, après un vote majoritaire, attacher un contre-projet à l’initiative présentée. Dans ce cas, au lieu de voter par « oui » ou par « non », l’électorat aura le choix entre l’initiative populaire et le contre-projet parlementaire. Dans le document présenté à l’électorat, comme c’est le cas dans la Confédération helvétique, chacune des parties pourra exposer son argumentation de façon succincte.
Le rapport entre le citoyen et la loi deviendra ainsi plus direct et plus actif, sans que le principe du mandat représentatif soit remis en cause. Les citoyens devront descendre pacifiquement dans la rue ou faire du porte-à-porte pour obtenir les signatures en faveur de leur projet, comme ils devront le faire pour multiplier le nombre d’adhérents à leurs partis politiques respectifs (cf. Mettre fin au scandale français du financement de la vie politique) en vue d’obtenir, à partir de ce critère et après vérification des contributeurs par la commission de validation ad hoc, le financement public de leurs activités.
Cette extension du champ d’activité républicaine est essentielle pour revitaliser notre vie publique.
2) Droit de vote des résidents étrangers
Je suis à la fois pour un assouplissement des conditions d’accès à la nationalité française (cinq ans de résidence, exercice d’un travail ou volonté manifeste d’en trouver un, situation fiscale régulière, pratique satisfaisante de notre langue) et pour le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, après une certaine période de résidence (cinq ans me paraissent suffisants). Cela rentre dans ma conception d’une démocratie participative. Après leur première participation, les étrangers ne pourront le faire une seconde fois que s’ils ont entre-temps acquis la nationalité française. Cependant, si cela apporterait peut-être un souffle d’air frais dans notre univers politique, je ne crois en rien qu’il s’agisse d’une recette miracle, à un moment où les Français eux-mêmes se désintéressent des échéances électorales.
Ainsi, logiquement, la démocratie participative s’étendrait jusqu’au droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, et ce droit donnerait une allonge à la démocratie participative.
VI - Encadrement des sondages
Enfin, l’abus des sondages, effectués sur des échantillons insuffisants et dans des conditions scientifiquement contestables, constitue l’un des éléments de manipulation d’électeurs maintenus dans la passivité par les médias dépendant de l’oligarchie financière.
Le seul moyen d’enrayer cette dérive anti-républicaine des sondeurs-commentateurs-manipulateurs est de confier à un organisme d’État indépendant, contrôlé par des représentants de syndicats, de partis, d’experts et de statisticiens, la charge d’effectuer les sondages politiques majeurs. L’INSEE serait l’institution la plus appropriée pour assurer ce contrôle.
VII - Vote électronique
Opaque et invérifiable, l’extension du vote électronique est un danger pour notre démocratie. Dans les conditions actuelles :
- à aucun moment l’électeur ne peut vérifier que son vote a bien été pris en compte ;
- le citoyen ne peut pas participer au dépouillement ;
- les erreurs de l’ordinateur, même involontaires, sont toujours possibles, et il est impossible de vérifier si l’ordinateur a bien fonctionné ;
- aucun recours n’est possible du fait qu’il n’y a pas de trace.
Je suis donc favorable au « gel » du vote électronique (d’autant plus que le fournisseur de machines à voter se trouve dans une situation de quasi monopole).
Il est en tout état de cause indispensable, au minimum, que l’ordinateur garde une trace physique des votes, permettant de détecter d’éventuels dysfonctionnements. Cette trace doit faire foi en cas de désaccord entre le dépouillement manuel et le dépouillement informatique.
Conclusion
L’on ne peut en aucun cas espérer que ces réformes refondatrices de l’esprit public prospèrent en même temps. Elles devraient cependant constituer des sources d’inspiration en vue du combat républicain à mener ici et maintenant contre le fascisme financier auquel un libéralisme dévoyé donne aujourd’hui naissance. Un pays meurt toujours de l’endogamie de ses élites et de sa soumission à une gouvernance d’empire extérieure à lui-même. Mon projet est un pari sur l’éducation politique de notre peuple à un moment du combat décisif.