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Ce sont nos vies

mardi 11 décembre 2018

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Ecoutons les Gilets jaunes.

Ecoutons ces hommes et ces femmes qui, dans leur majorité, ne sortaient jamais de chez eux pour manifester et qui tiennent les ronds-points, les routes et les rues depuis bientôt un mois. Ils parlent vrai, sans précautions, sans « éléments de langage », sans langue de bois, avec une colère qui heurte les plateaux télés et les salons bien pensants. Ils nous disent :

On aligne des CDD renouvelables à l’infini... On doit calculer son budget à l’euro près, avec la peur au ventre d’une panne de voiture, de chaudière ou de lave-linge... Le 15 ou le 20 du mois, je suis dans le rouge, et je ne peux pas aider mon fils, ou ma mère, en lui donnant de l’argent... On n’est que deux ou trois filles en maison de retraite pour veiller la nuit sur 70 pensionnaires... Nous ne partons pas en vacances... On ne m’a jamais donné ma chance... J’ai jamais fait de manif et je commence par la révolution !

Leur exigence de justice sociale et de dignité humaine met en cause la politique pratiquée depuis des décennies par des gouvernements qui ont servi la dictature financière d’un monde sans cœur. Ils sortent des tranchées financières où ils sont brutalisés et on voudrait qu’ils soient polis, qu’ils parlent comme dans un salon ou un cabinet ministériel ? Parqués par les déploiements de la police, entourés de provocateurs identitaires, d’extrême-droite et de black blocs, on voudrait qu’ils soient sages comme des images ? Tout gouvernement a la violence qu’il mérite. Celui-ci, comme ses prédécesseurs depuis 1983, a imposé la rigueur aux démunis, travailleurs pauvres ou chômeurs, sous couvert d’intégration européenne et de mondialisation financière.

« On leur a répété qu'il n'y a pas d'alternative à leur exploitation. Ils se sont révoltés. »

C’est simple à comprendre. Sauf peut-être pour ces Inspecteurs des finances qui entourent Macron et qui sont une fois de plus aveugles, comme en 1936 ou en 1940, car ils ont un bilan à la place du cœur. Ils multiplient donc les mesurettes sorties de leurs livres administratifs et comptables, toujours avec du retard à l’allumage.

Nous accueillons ici au contraire avec joie un ferment de grève de masse. Des femmes et des hommes qui participent à quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes, se rencontrent, apprennent à connaître leurs voisins, les trouvent plus sympas qu’ils ne le pensaient, vivent. Des voisins parfois lointains, rencontrés grâce aux réseaux sociaux et au bouche à oreille. Oui, la participation à une lame de fond sociale transforme ceux qui y participent, élève leur conscience. Ils comprennent aussi que policiers et gendarmes viennent du même milieu qu’eux et sont exploités comme eux.

En lisant aujourd’hui le Journal du Dimanche, je trouve une raison de plus de me sentir avec eux. Son rédacteur en chef, Hervé Gattegno, considère qu’« avec les Gilets jaunes (...) la France se nuit ». Or c’est ce même Hervé Gattegno qui clamait en 2012 que j’étais « le candidat le plus dangereux à l’élection présidentielle ». Ma vie politique, comme la vie des Gilets jaunes, a été verrouillée par un système injuste qui a tenté de me ridiculiser, de me ruiner et de me rejeter comme un intrus. Comme eux, je suis fier de m’être battu et de me battre aujourd’hui encore davantage, encouragé par leur combat.

Que puis-je apporter à ce combat ? C’est le combat de nos vies. Et ce combat doit être un combat de fond pour être digne de la lame de fond qui le porte et réussir. En visant l’adversaire à sa tête financière sans être détourné par d’autres fausses urgences. Sans installer l’immigration ou une bizarre « justice climatique » au cœur du combat, mais en se battant pour un autre monde que celui de la City, de Wall Street et de leurs collabos en France. Priorité aux peuples et à ce qui leur permet de vivre, la création et le travail humains.

Hier soir, Emmanuel Macron n’a rien dit qui me fasse changer ce texte.

A lire : Ce qu’un gouvernement digne de ce nom doit faire


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L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.