La France avec les yeux du futur

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par Jacques Cheminade

« Nous devons renouer avec l’héroïsme politique », nous dit Emmanuel Macron dans son entretien fleuve accordé au Point. Dans son discours non moins consistant adressé à la Conférence des ambassadeurs, il nous affirme qu’il « a choisi la voie d’une France reprenant son rang parmi les Nations en Europe », une Europe désormais « tournée vers l’avenir et vers les peuples ». Nous ne saurions être plus d’accord.

Cependant, ce qui manque dans ces deux textes entraîne notre désaccord non moins absolu. En n’affrontant pas les forces financières qui occupent la France, le président de la République se condamne en effet à l’impuissance.

On ne peut mener de politique contre l’austérité sociale destructrice ni de réelle stratégie d’indépendance nationale qu’en rompant avec ses chaînes. Emmanuel Macron, malgré ses belles paroles, et Edouard Philippe, malgré ses gants de boxe, ne le font hélas pas. Abdiquant la souveraineté de notre pays, ils ne peuvent dès lors en mobiliser les forces vives.

La réforme du droit du travail, malgré la complaisance de Jean-Claude Mailly, n’est pas même parvenue à entraîner l’adhésion de Force ouvrière. Nous avons montré ailleurs comment ce texte entame le démantèlement du programme du Conseil national de la Résistance et de la politique sociale de Pierre Laroque et d’Ambroise Croizat.

« Une alliance pour le progrès avec les peuples du monde. »

Nous pourrions ajouter les « détails » qui en aggravent encore l’effet . Les entreprises pourront changer de motif de licenciement pour en trouver un qui ne l’était pas au départ. Elles n’auront plus besoin d’être en difficulté financière pour procéder à des « ruptures conventionnelles collectives ». Les primes pourront être remises en cause, les accords de compétitivité seront « aménagés » (lire facilités) et pour justifier les licenciements, non seulement la situation de la filiale française pourra être seule considérée, mais plus encore, ce sera uniquement par rapport au secteur d’activité concerné par la restructuration.

L’augmentation de 1,7% de la CSG frappera les retraités tandis que la réduction des allocations logement vise les jeunes. L’armée, la gendarmerie et la police subissent des coupes claires. Pour les collectivités territoriales, ce sera une baisse de 300 millions de dotations de l’Etat, à laquelle s’ajoutent une réduction brutale de l’enveloppe des contrats aidés, avec des conséquences humaines désastreuses, et la suppression non moins brutale de la réserve parlementaire.

Les sourires de MM. Darmanin et Le Maire, ce dernier en quête permanente de l’approbation des banquiers de Wall Street, témoignent de la direction peu héroïque que prennent les choses.

Cependant, l’on nous répondra qu’il ne serait pas raisonnable de défier les géants financiers. Sigmar Gabriel, qui était aux côtés de M. Macron à la Conférence des ambassadeurs, nous disait pourtant en 2012 que la question fondamentale était de savoir qui allait mener les choses, les peuples européens ou bien la City et Wall Street.

J’avais moi-même présenté, en 2013, à François Hollande et Emmanuel Macron une stratégie « fixant un nouveau cap pour éviter le naufrage ». J’y disais, comme Michel Rocard le répétait dès 2010, qu’il fallait « réadopter le Glass-Steagall Act », une vraie loi de séparation bancaire nous libérant de l’oppression financière. Je soulignais que c’est par « une dissuasion du faible au fort », appliquée dans le domaine économique, comme De Gaulle l’avait fait dans le domaine militaire, qu’il fallait mener le combat.

Ce combat ne fut pas mené. Aujourd’hui, le nouveau gouvernement a, si possible, encore moins d’excuses. Le Président chinois appelle à la stratégie d’« Une ceinture, une route, qui n’est pas l’outil d’un agenda géopolitique mais une plateforme de coopération concrète entre tous les pays ».

Le levier se trouve là. Le vrai gaullisme est une alliance pour le progrès avec les peuples du monde, non une adaptation plus ou moins souriante à l’ordre prédateur dominant en Occident.


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L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.