Ce numéro de Nouvelle Solidarité [1] pose la question de ce qu’il adviendra au monde après l’inflation destructrice déclenchée par les opérations du capital financier. Par delà la destruction de l’économie physique, celle qui engendre les ressources nécessaires au bien commun et aux générations futures, ce système enfante le sommeil de la raison. En son sein, une écologie dévoyée, dépourvue du fondement scientifique de toute écologie véritable, réduit l’être humain à un prédateur et un pollueur. Double avantage pour le capital financier : il lui permet de définir un nouveau champ d’exploitation, « l’économie verte », et de rejeter sur la nature humaine en général la culpabilité idéologique de ce qu’il détruit lui-même. Sous son emprise, la décarbonation deviendrait à court terme l’instrument de la mort de millions de femmes et d’hommes, privés de l’énergie nécessaire à leur existence.
C’est la réalité dans laquelle nous vivons. L’ensemble de notre planète a aujourd’hui un taux de natalité d’environ 1,5 enfant par femme. C’est une condamnation à la dépopulation. Dans un article paru dans Les Échos du 1er juillet 2021, Adair Turner, président de l’Energy Transitions Commission, s’en félicite ouvertement au nom de « la lutte contre le dérèglement climatique ». « Sans compter qu’une population stabilisée puis déclinante faciliterait la diminution des émissions de gaz à effet de serre, ralentissant ainsi le changement climatique et allégeant la pression d’une population qui augmente exerce inévitablement sur la biodiversité et des écosystèmes fragiles. » Le « climat » a ainsi bon dos pour justifier un monde détruisant sa jeunesse, c’est-à-dire sa capacité créatrice, et se condamnant à une guerre géopolitique pour le contrôle des ressources existantes. Le comble est d’entraîner une partie de cette jeunesse à courir à sa propre perte. Les « Vendredis pour le futur » sont ainsi la nouvelle version du Joueur de flûte de Hamelin, à cela près qu’il ne s’agit plus de rats qu’on noie mais d’adolescents idéalistes piégés dans une servitude volontaire.
Alors, quel rapport entre l’hyperinflation qui nous menace et le climat ? L’inflation est le produit d’une émission monétaire sans création de valeur physique ou humaine réelle. Le résultat est qu’il faut de plus en plus de monnaie pour acquérir les mêmes choses. L’inflation, d’abord contenue dans les secteurs spéculatifs des actions et de l’immobilier, a maintenant provoqué un véritable raz-de-marée dans les prix des matières premières. Car la transition écologique vers des formes moins denses de production, avec une productivité déclinante par être humain, par unité de surface et par kilo de matière utilisée, conduit à dépenser davantage de fausse monnaie (sans contrepartie physique ou humaine) ruisselant par le haut vers les plus fortunés. Aux États-Unis et ailleurs, on a faussé les statistiques pour masquer cette inflation : en appliquant les critères statistiques de 1989, les prix usuels auraient déjà augmenté de plus de 10 % au cours des deux dernières années ! Cela entraîne la ruine des travailleurs et des petits et moyens épargnants, « en même temps » que l’enrichissement des premiers de cordée financiers.
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La suite serait fatalement un « ordre nouveau » à l’intérieur, pour imposer cette austérité, associé à une croisade à l’extérieur contre les résistants, tels qu’une Chine développant son économie physique. Ce qui rend la situation si grave est le triple effondrement des valeurs socialistes, chrétiennes et républicaines dans les pays occidentaux, avec le refuge dans un monde imaginaire (jeux vidéo, réseaux sociaux, mangas…), hors de la réalité et de la présence d’autrui.
Nous inscrivons notre projet politique face à ce défi, pour rétablir une espérance commune par un dessein supérieur, imposant au monde de l’argent le service du bien commun et des générations à naître. Cela signifie la fin de l’inflation prédatrice. Cela s’appelle la République.