Bref entretien avec Jacques Cheminade
Q : Alors, M. Cheminade, vous pensez que tout le mal du monde vient d’Angleterre ?
R : Non, c’est l’Empire britannique qui est en cause, héritier des Empires hollandais, vénitien et romain, avec son organisation oligarchique et sa stratégie de diviser pour régner. Un Empire n’a rien à voir avec un Etat-nation, il n’est pas un Etat-nation démesurément gonflé. Il a sa nature propre : l’attachement de groupes familiaux à l’exercice du pouvoir par tous les moyens, en considérant les autres êtres humains comme des animaux taillables, corvéables et manipulables à merci. La série Games of Throne donne une bonne idée de ce dont il s’agit, à l’opposé même d’une République, pour qui il n’est richesse que d’hommes. Quant à l’Angleterre, elle fut cet Etat-nation célébré dans le Richard II de Shakespeare (acte 2, scène 1). C’est ce sens du beau et du vrai que l’on doit faire revivre outre-Manche.
Q : Mais comment pouvez-vous dire que l’Empire britannique existe encore ?
R : L’Empire britannique en tant que colonialisme direct est mort après l’expédition de Suez, en 1953. Depuis, il s’est reconverti, à partir de la City de Londres et des paradis fiscaux, en centre de contrôle des flux financiers et en émetteur de l’idéologie ultra-libérale qui masque sa nature dictatoriale. Nicolas Shaxson en donne une bonne description dans Les paradis fiscaux, enquête sur les ravages du système néolibéral. Il montre bien comment l’Empire a survécu en mutant. Lyndon LaRouche l’a constamment dénoncé, s’attirant ainsi sa persécution systématique.
Ajoutons que beaucoup de Français, qui dénoncent la « perfide Albion » comme s’il s’agissait d’un territoire peuplé d’êtres humains, se trompent de cible. Il s’agit d’une idéologie qui entend réduire tous les êtres humains à l’état de sous-hommes. Même erreur lorsqu’on blâme « les Américains » : il s’agit de l’Empire britannique qui s’est étendu en Amérique et l’a contaminée. On peut en ce sens parler d’Empire anglo-américain, mais il s’agit plus exactement de l’Empire de la City et de Wall Street, opposé par sa nature même à tout Etat-nation, y compris aux Etats-Unis des pères fondateurs et à l’Angleterre de Shakespeare et des peuples anglais et américain.
Q : Comment des gens apparemment si civilisés peuvent-ils fomenter les actes barbares de terroristes ?
R : Quiconque considère les autres êtres humains comme des êtres différents, que l’on n’est pas tenu d’aimer, d’émanciper et de respecter, est condamné à pratiquer des rapports de force conduisant à la barbarie. L’Athènes que décrit Thucydide, cet « impérialisme démocratique » qui pille, exploite et massacre ses adversaires, en est un exemple.