Big data, dématérialisation des services, robotique, numérique, tous les candidats en parlent. Seulement, la majorité d’entre eux oublient un petit détail qui peut s’avérer décisif : sans un accès universel au numérique digne de ce nom et sur l’ensemble du territoire, cette économie du futur n’aura jamais lieu. Voici une proposition de la campagne Cheminade2017 sur comment faire du « numérique pour tous » une réalité.
Alors qu’en Chine, une centaine de villes expérimentent déjà la téléphonie de cinquième génération (la 5G, environ 100 fois plus puissante que la 4G), en France, plus de trois cent communes restent des « zones blanches » et ne disposent toujours pas de la téléphonie mobile la plus élémentaire (2G) !
(Lien vers une carte interactive.)
En clair, alors qu’on nous fait miroiter les progrès fantastiques du tout numérique, qu’on nous rassure en disant qu’on peut remplacer les médecins généralistes par des centres de télémédecine et qu’on préconise la dématérialisation d’à peu près tous les services et toutes les formalités administratives, dans la pratique, on ne peut même pas téléphoner depuis un mobile ou passer des SMS depuis le bourg de 309 de nos communes ! Pour se dédouaner, on nous précise que les 3800 plus petites communes de notre pays accueillent à peine 1 % de la population, alors qu’il s’agit tout de même 666 000 citoyens qui se battent pour faire exister ces territoires.
Bien que cette situation soit totalement inacceptable, les opérateurs privés qui se concentrent avant tout sur les zones que leurs actionnaires estiment « rentables » (grandes agglomérations densément peuplées), se moquent de l’aménagement numérique du territoire.
Alors qu’on compte toujours d’innombrables « zones blanches » (0 opérateur) et un plus grand nombre encore de « zones grises » (1 seul opérateur), les opérateurs ont freiné des quatre fers pour qu’avant fin 2016 soient couverts en 2G, non pas l’ensemble des communes, mais l’ensemble des centres bourgs (périmètre de 500 mètres autour de l’église…) – ce que la loi le leur impose.
« Le mobile n’est pas un service public », a asséné Stéphane Richard, le PDG d’Orange. « Les zones blanches marquent les limites de l’économie de marché… » En attendant, ce sont les contribuables, via l’Etat et les collectivités territoriales, qui se font plumer car appelés à mettre la main à la poche.
Le 25 novembre, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a sommé les opérateurs de respecter leurs obligations de déploiement mobile en zones peu denses. « La connectivité de tous les territoires, en particulier en mobile dans les zones les moins denses », reste une priorité, martèle le régulateur.
Haut débit
S’agissant du haut débit (3G et 4G, requis pour Internet), la situation est bien pire. L’Arcep précise :
« les autorisations d’utilisation de fréquences contiennent des obligations spécifiques de couverture de la zone peu dense, constituée de plus de 22.500 communes rurales, représentant 18 % de la population mais 63 % du territoire. Les opérateurs titulaires de fréquences 4G en bande 800 MHz (Bouygues Telecom, Orange et SFR) sont tenus de couvrir, d’ici le 17 janvier 2017, avec la bande 800 MHz, 40 % de la population de cette zone peu dense ».
Vous avez bien lu : 40 % avant le 17 janvier 2017. Quant aux 60 % restant (c’est-à-dire environ 13 500 communes), ils le seront, à 90 % d’ici 5 ans, et, à 97,7 %, d’ici… le 17 janvier 2027 !
Rappelons que pour un nombre grandissant de nos PME et de nos agriculteurs, qui se couvrent sur les marchés, se servent des images satellitaires et déploient leurs drones pour assurer les meilleurs récoltes possibles, l’accès au numérique est déjà un enjeu tout aussi existentiel que l’accès à l’électricité, au gaz ou à l’eau potable.
Et on ne parle même pas du « très haut débit » qu’apporte la fibre optique et qui devient incontournable pour la révolution numérique de demain.
Service public
Le moment est donc venu pour que l’Etat français reprenne les choses en main en créant sans attendre un grand service public du numérique. Rappelons qu’en France, par service public, on entend une « activité d’intérêt général prise en charge par une personne publique ou par une personne privée mais sous le contrôle d’une personne publique ».
Cette nouvelle institution fournira, à des tarifs réglementés, un accès universel au numérique haut de gamme sur l’ensemble du territoire. Comme pour la fourniture d’électricité, l’accès au numérique concourt à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation nationale des tarifs.
Ainsi, s’inspirant de ce qui fut fait pour l’électricité depuis 1946, la loi créant ce service pourrait s’écrire ainsi : « Matérialisant le droit de tous au numérique haut de gamme, un service de première nécessité, le service public du numérique est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique et sociale ».
Il ne s’agit pas d’imposer à partir du haut des solutions toutes faites mais de travailler avec les collectivités territoriales pour mettre au point, en fonction des besoins et des territoires, les meilleures solutions techniques (ADSL, fibre optique, satellite, etc.) capables de garantir cette offre au plus vite. Si les abus des opérateurs privés sont sévèrement sanctionnés, elles resteront évidemment des partenaires majeurs de l’Etat.
Il y a déjà quelques années que le Japon et la Corée, où plus de 90 % de la population profite d’un accès à un numérique de bonne qualité, ont réussi à éradiquer les « zones blanches ». Rien n’empêche la France d’en faire autant.
La « montée en gamme » de nos infrastructures de communication, voilà un défi qu’un Etat stratège doit être capable de relever si nous souhaitons réellement faire entrer tous les territoires de notre pays dans le XXIe siècle, celui de la révolution 3.0 (Internet) et de l’industrie 4.0 (Objets connectés, imprimantes 3D, senseurs intelligents pour les machines, exploitation des données issues du big data). Le candidat Jacques Cheminade sera en première ligne pour défendre cette approche.