Paris, le 25 novembre 2011 - Après avoir mis la Libye à feu et à sang voici que « l’élite » française qui aurait eu quelques pudeurs il n’y a pas si longtemps à se lancer dans de telles entreprises néocoloniales, s’y livre aujourd’hui avec hypocrisie.
Selon le Canard Enchaîné du 23 novembre, au Quai d’Orsay, c’est sous une grossière feuille de vigne humanitaire qu’on présente la guerre en préparation contre la Syrie : « la Turquie pourrait être la base arrière d’une intervention limitée, prudente et humanitaire de l’Otan, sans action offensive », prétendent des diplomates qui se sont exprimés sous le couvert de l’anonymat.
Et alors que le Canard révèle, à partir de sources informées, que la France participe depuis déjà un certain temps, avec l’Angleterre et la Turquie, à la déstabilisation du régime de Bachar el-Assad, Alain Juppé prétend que c’est pour « alléger les souffrances » de la population syrienne, qu’il a demandé à l’Union européenne d’envisager des « opérations humanitaires », telles que la création des « zones » ou des « corridors » humanitaires à l’intérieur de la Syrie !
La réalité est que, selon le Canard, « au nord du Liban et en Turquie, où se réfugient nombre de déserteurs syriens, des officiers français de la DGSE et britanniques du MI6 ont pour mission de constituer les premiers contingents de l’armée syrienne libre, encore embryonnaires ». Ils n’atteindraient même que le feu vert de l’ONU pour passer à la formation d’une guérilla urbaine. De même source, on note aussi que « les trafics d’armes aux frontières de la Syrie sont tolérés, voire même favorisés par les Français et les Turcs ».
Tout en jurant sur leurs grands dieux qu’une intervention militaire en Syrie n’est pas à l’ordre du jour, selon des sources concordantes, la France, la Grande Bretagne et la Turquie préparent, avec les Etats-Unis, la création d’une zone d’exclusion à l’intérieur de la Syrie où seraient regroupés tous les opposants, l’établissement d’une zone d’interdiction de vols comme en Libye, ainsi qu’une éventuelle fermeture des frontières entre la Syrie et la Turquie afin d’appliquer un embargo. Seul obstacle au lancement de ce énième scénario de guerre, l’opposition résolue de la Russie, liée à la Syrie par un traité militaire, et de la Chine, toutes deux déterminées à opposer leur véto au sein du Conseil de sécurité à toute opération militaire contre la Syrie.
Les conséquences d’une telle guerre seraient bien pires qu’un simple conflit régional. Les bruits de bottes contre la Syrie, allant de pair avec l’annonce de frappes imminentes contre les installations nucléaires iraniennes, font partie, comme l’ont bien comprises la Russie et la Chine, d’un scénario pour une troisième guerre mondiale, à partir de cette nouvelle « poudrière des Balkans » que constitue la région allant du Proche-Orient à l’Asie centrale.
De plus, Russie et Chine savent que c’est elles qui sont visées par cette nouvelle offensive guerrière. Évoquant l’émergence de centres puissants de croissance en Asie, tels que la Chine et l’Inde, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré en Moldavie le 22 novembre, « qu’il se peut que cette tendance paraisse négative aux Occidentaux, qui s’affaiblissent financièrement, et il n’est pas non plus à exclure que les événements en cours au Proche-Orient témoignent de la volonté de compenser par des aventures et des provocations la perte d’influence dans l’économie et les finances mondiales ». L’éditorialiste William Pfaff de l’International Herald Tribune ne dit pas autre chose le 23 novembre, lorsqu’il avertit que la nouvelle Pax americana annoncée par Barack Obama lors de sa récente tournée en Asie et dont l’objectif est la Chine est le « genre de choses qui provoquent des guerres mondiales ».
C’est pourquoi, nous exigeons l’arrêt immédiat de toutes les opérations militaires contre la Syrie et l’Iran, et la convocation immédiate d’une conférence régionale avec participation de la France, la Russie, la Chine et les Etats Unis, destinée à établir les conditions d’une paix par le développement mutuel dans toute cette région. Que Nicolas Sarkozy et Barack Obama doivent avoir quitté le pouvoir pour que cela puisse avoir lieu, paraît une question tout à fait préalable. Plutôt que de chercher des boucs émissaires extérieurs, la France doit renouer avec son audace gaulliste : exiger une remise à plat du système financier occidental actuel, basé à la City de Londres et à Wall Street, qui la conduit à sa perte et rétablir un ordre de croissance physique tiré par un vecteur scientifique et technologique qui doit fonder la coopération entre les peuples.