La France avec les yeux du futur

Les piliers de mon projet économique

« Chacun reconnaît aujourd’hui que l’État est responsable de l’évolution économique, qu’il lui appartient de lutter contre les crises et le sous-emploi, d’orienter, de stimuler et de coordonner les efforts en vue de l’expansion et du progrès communs. Personne ne peut plus défendre sincèrement le libéralisme du dernier siècle, personne ne croit plus à la valeur de la vieille formule :« Laissez faire, laissez passer. »

Pierre Mendès-France
La République moderne,
chap. VI, « l’État et la planification économique »

Sortir de l’économie casino et arrêter la dégradation de notre vie publique sont les deux premières conditions nécessaires à la refondation de nos repères.

Je veux ainsi redonner à la politique le temps long des projets mobilisateurs car sans lui, l’on ne peut rompre avec la règle du jeu de la cupidité destructrice qui règne depuis plus de quarante ans. C’est un pari sur l’avenir pour retrouver l’estime de soi et nous réapproprier notre pays.

Pour ne pas promettre de tenir ce qui ne peut être tenu, je commencerai par les initiatives à prendre pour faire sauter les verrous financiers qui, aux niveaux international, européen et national, empêchent le progrès économique, la solidarité et la sécurité sociales et la paix par le développement mutuel.

Puisque nous sommes en guerre et qu’il faut arrêter la machine infernale qui nous dégrade et nous détruit, nous devons définir une stratégie de combat et de victoire, libérer d’abord pour construire ensuite.

Le temps des guerres n’est pas le temps des colmatages.

Sauvegarder notre système de santé, promouvoir la qualité et l’égalité des chances dans notre éducation, lutter contre le chômage en créant des emplois réellement qualifiés, relever les salaires et le pouvoir d’achat, maintenir un système de retraites juste, combattre réellement la délinquance et assurer la sécurité, tous ces objectifs légitimes d’une société digne de ce nom ne peuvent être atteints que si l’on s’en donne les moyens, par une mutation révolutionnaire de notre système financier.

Passer de l’ordre actuel de domination monétaire et financière, qui fait toujours prévaloir le profit à court terme d’une minorité au détriment du bien commun et des générations à naître, à une dynamique de crédit public productif est la seule manière d’ouvrir les portes du futur sur autre chose qu’une destruction mutuelle assurée.

La séparation des banques d’affaires et des sociétés d’assurance d’une part, qui agissent sur les marchés financiers, des banques de dépôt et de crédit aux particuliers et aux entreprises, d’autre part, est la clef permettant d’ouvrir la porte à ce système de crédit public et de fermer celle de l’économie casino dominante, qui nous conduit à l’émission d’une orgie de capital fictif associé au jeu, et non à l’indispensable équipement de l’homme et de la nature et à la production. Que ceux qui veulent faire des paris très risqués le fassent avec leur propre épargne, au risque de faire faillite sans l’assurance de pouvoir soumettre l’État à un chantage au renflouement, et pas avec du crédit bancaire ou en mobilisant les fonds venant des dépôts.

Prétendre continuer à aller avec le système actuel ou tout bouleverser sans projet positif aboutirait à lancer le Titanic contre l’iceberg. Il faut revenir au Glass Stegall Act de Franklin Roosevelt et au système que nous avions chez nous à la Libération, conformément aux repères de fond qui étaient alors les nôtres et sont aujourd’hui les miens. Tout le reste revient à imprimer de la monnaie de singe pour sauver les spéculateurs, en détruisant l’économie physique et créant les conditions d’une hyperinflation financière après la déflation actuelle du secteur productif, ou bien à détruire pour le plaisir de détruire.

Je mets en garde contre toute poursuite de la politique actuelle. Les États, qui se sont pratiquement ruinés pour sauver une première fois le système financier, ne peuvent plus avoir recours qu’à une monnaie de singe électronique. C’est un gouffre dans lequel l’économie mondiale tombe en chute libre. Il faut en finir avec cette dynamique perverse entre États et marchés et avec ce système financier parasite.

Aujourd’hui, les solutions proposées à l’échelle européenne ne font qu’aggraver le mal faute de remettre en cause sa source. Le rachat massif de titres souverains (c’est-à-dire d’obligations émises par les Etats) des pays européens les plus fragiles par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne fait que sauver provisoirement les banques. C’est en effet à elles qu’on achète ces obligations, tout en imposant l’austérité aux peuples. De même pour les nouvelles liquidités mises à la disposition des établissements financiers par la Banque centrale européenne (BCE). Pire encore, comme il y a urgence et que les 440 milliards du FESF ne suffiront pas à renflouer les joueurs, on prévoit des systèmes par lesquels le FESF, les banques et la BCE s’arrangeraient entre eux pour plus que quintupler cette somme, dans une sorte d’orgie financière organisée par les « experts » de la City de Londres. Notons que le FESF est une société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, qui aura pour principaux conseillers, dans les nouvelles émissions d’obligations, des experts du Magic circle de la City. Le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES), prévu par l’accord Sarkozy-Merkel du 5 décembre 2011, ne pourra entrer en vigueur qu’en 2012, soit aux calendes grecques selon le jugement des marchés, que par ailleurs on laisse opérer sans réelles contraintes. Quant à l’éventuelle émission d’obligations européennes, ou eurobonds, elle ne ferait que créer à son tour un réseau encore plus vaste de contamination monétariste, une pompe à finances toujours branchée sur le jeu financier faute de séparation des banques (Glass-Steagall) et de système de crédit productif public, les deux piliers d’une autre orientation d’ensemble.

Aujourd’hui, à Bruxelles, il n’existe pas de pouvoir face aux très grandes banques : le projet européen de « régulation » de la finance est un sujet en cogestion entre les banques et l’administration de la Commission, sous la tutelle, ou si l’on préfère, le protectorat, des hommes de Londres, c’est-à-dire les experts financiers de la City.En ce sens, l’euro est devenu la « bad bank » de la City, le réservoir à effets toxiques de la grande lessiveuse financière mondiale.

Dans ce système, de proche en proche tous les États européens seront touchés, et si le vent du boulet n’est pas loin de la France, même l’Allemagne ne pourra être épargnée. Bill Clinton gagna sa première campagne présidentielle contre Georges Bush sur le thème de l’économie. C’est alors que son principal conseiller, James Carville, inventa le slogan : « C’est l’économie, imbécile ! » L’on pourrait dire aujourd’hui en Europe : « C’est la gouvernance, imbécile » ou bien : « C’est la City, c’est pas du belge ! » Sauf que nous sommes au bord du gouffre bien plus qu’il y a vingt ans.

C’est donc de système qu’il faut changer, de toute urgence, ce qu’aucun des autres candidats à la présidentielle ne propose de manière cohérente. Pour construire, il faut d’abord nettoyer les écuries d’Augias.

Voici donc les initiatives de principe et les étapes pour les mettre en œuvre, constituant une stratégie de combat et non une somme de mesures tactiques.

 I. L’assainissement : glass-steagall et ses corollaires

  1. Une loi Glass-Steagall pour faire sauter le verrou financier qui bloque les grands projets économiques, en détournant l’argent vers les spéculations et les investissements à court terme. Pour cela, je ferai voter par l’Assemblée nationale la séparation entre les banques opérant sur les marchés financiers, d’une part, et les banques de dépôt et de crédit, d’autre part. Il doit bien s’agir de séparer les banques et non simplement leurs activités, car si on séparait les activités sous un même toit, une muraille de feu théorique ne pourrait empêcher les relations incestueuses. C’est donc une mesure politique fondamentale, permettant de sortir du système actuel, et non un aménagement technique au sein du système. Les sociétés d’assurance devraient également être séparées des banques.
  2. Une commission parlementaire d’enquête dotée de pouvoirs d’instruction et de réquisition pour séparer, au sein de nos « banques universelles », les secteurs d’investissement ou de spéculation sur les marchés de ceux de dépôt et de crédit. Cette commission ne doit pas être l’occasion de discussions courtoises entre gens du même monde, mais avoir pour objet de repérer les établissements ou les secteurs d’établissements qui se sont livrés à des activités spéculatives en mobilisant, avec des effets de levier leur permettant de jouer plusieurs fois leur mise, des montants ayant une relation comptable anormale avec ceux de leurs capitaux propres, et se trouvant de fait dans une situation de défaut.
  3. Une procédure de faillite ordonnée doit dans ce cas être prévue en fonction des conclusions de la commission, cet engagement constituant le corollaire à un retour à une loi de type Glass-Steagall. L’État protégera les fonctions nécessaires des banques de dépôt et de crédit, qui sont de servir les déposants et d’alimenter l’économie productive, afin qu’elles puissent continuer et s’étendre sans être stérilisées ou dévoyées par des activités spéculatives sur les marchés. Le principe est que l’État cesse de renflouer les joueurs de l’économie virtuelle parasite et soutienne les participants à l’économie réelle. L’État ne doit pas faire payer les citoyens en absorbant les créances douteuses de ceux qui se sont égarés, mais en faire constater l’absence de valeur et en laisser aux banques de marché la responsabilité. Si elles parviennent à contrôler la situation, tant mieux pour elles, sinon elles doivent comme tout le monde payer le prix de leurs erreurs.
  4. La commission d’enquête devra fonctionner « toutes portes ouvertes », avec un relais permanent dans notre télévision nationale, afin que les Français soient informés des causes de la crise financière et des responsabilités de chacun. Le précédent est la Commission Pecora, la commission bancaire et monétaire du Sénat des États-Unis dans les années 1933-1934, qui créa la base politique pour les mesures de redressement et de relance de l’administration Roosevelt en faisant connaître au peuple américain les pratiques de ses banquiers et l’étendue de leurs pouvoirs. Cette pédagogie de la crise est un élément fondamental du respect dû au peuple, en démystifiant et discréditant les manœuvres des délinquants en costume de ville. Il faut ainsi créer une base populaire de soutien à un changement politique.
  5. Des mesures complémentaires devront être simultanément prises :
    • l’interdiction d’acheter et de vendre tous produits dérivés « virtuels », n’ayant pas pour objet la livraison réelle de biens. Ceux-ci seront d’ailleurs destinés à disparaître dans la logique d’une politique substituant à l’achat/vente à tout moment, un ordre reposant sur des contrats à long terme sur le prix et les conditions de livraison de matières premières entre États, ainsi que d’une politique de stockage, notamment pour les matières premières agricoles, à la fois dans les pays exportateurs et dans les pays importateurs. Il faut arrêter de jouer avec ce qu’on mange, ce que l’on respire (les droits à polluer) et avec la vie elle-même (la titrisation de contrats d’assurance-vie comme de vulgaires subprimes).
    • l’interdiction d’émettre des produits d’assurance sur les dettes souveraines des États (CDS) ou du moins de les négocier sur les marchés.
    • l’interdiction de la cotation en continu sur les marchés financiers et le retour à une cotation journalière, pour éviter les spéculations incessantes, en particulier en fin de marché ou avant son ouverture. C’est ainsi qu’on pourra combattre, en combinant cette mesure avec le Glass-Steagall, la prolifération de « produits financiers exotiques », comme les ETF (exchange traded funds), qui contribuent fortement à alimenter les bulles spéculatives. Depuis quelques années, les marchés financiers sous influence ne jouent plus du tout leur rôle principal de collecte de l’épargne et sont devenus des tables de jeu. Le principe de cotation journalière devra donc s’insérer dans une réorganisation de la Bourse pour la faire retrouver un rôle utile à l’économie et si cela s’avère impossible, en fermer les portes électroniques.
  6. Sans doute le combat à la fois le plus déterminant et le plus difficile devra être mené contre les opérations opaques et les marchés de l’ombre. Actuellement, si seulement 8 % des transactions en Europe et 15 % aux États-Unis sont menées sur ces marchés entièrement déréglementés, en valeur c’est 40 % des opérations en Europe et environ 70 % aux États-Unis qui sont ainsi effectuées, intéressant la quasi totalité des transactions importantes.
    • Les opérations sont aujourd’hui organisées de gré à gré, directement entre les banques et leurs clients, par des établissements opérant dans l’ombre (shadow banking), sur des plateformes alternatives (dark pools) avec des chambres de compensation entièrement déréglementées et des réseaux électroniques de négociations (crossing networks). Les opérations en Bourse et hors Bourse sont faites à la microseconde par les ordinateurs les plus puissants : c’est le high-frequency ou flash trading. Là, les délits d’initiés deviennent indétectables et sont donc la loi du milieu, puisqu’on peut y opérer de façon anonyme et en gardant le secret. Les manipulations des cours et le blanchiment d’argent y deviennent également très faciles.
    • Il est clair qu’un seul pays ne peut faire face à l’assaut de cette pyramide spéculative, mais du moins il ne doit pas se montrer complaisant. Or en Europe, un texte a été adopté en 2004, la directive MIF (marché d’instruments financiers), et appliqué en France en novembre 2007, après validation par le Conseil des ministres le 11 avril 2007, dix jours avant l’élection présidentielle. Cette directive, au nom de la libre concurrence, a permis de créer chez nous des places boursières privées, sans régulation, sans contrôle et absolument opaques, ce qui a donné lieu, comme partout ailleurs, à tous les excès. A ce niveau, c’est un Glass-Steagall global, partant des États-Unis, où une proposition de loi dans ce sens a été déposée à la Chambre des représentants, qu’il faudrait voir adopter. La France ne pourra pas agir seule, mais doit jouer un rôle de catalyseur, du moins au niveau européen, en exigeant, malgré le lobby des grandes banques, l’abrogation de la directive MIF et en cas de refus de nos partenaires, annuler chez nous sa validation au nom de la souveraineté nationale.
    • Il n’en reste pas moins qu’agir au cas par cas est très difficile et que la vraie solution est un Glass-Steagall mondial, ôtant toute base d’opérations aux délinquants. On ne peut bâtir en effet un système financier sain sans résorber les poches d’opacité, car tous les produits toxiques s’y concentrent.
  7. S’attaquer aux paradis fiscaux. Le G 20, là comme ailleurs, s’est contenté d’une mesure symbolique, en prévoyant une autorégulation qui n’en est pas une du tout. Ainsi, la City, qui opère avec un réseau particulièrement dense à l’échelle du monde, a non seulement gardé mais étendu ses privilèges avec les banques de l’ombre installées dans des adresses pratiquement invisibles. L’on peut cependant prendre immédiatement un certain nombre de mesures simples pour réduire la part des zones de non droit et de non coopération. Tout d’abord, fermer l’accès aux plans de sauvetage et de garantie aux banques domiciliées dans des paradis fiscaux et exiger des banques cotées une information sur leurs filiales basées dans les paradis fiscaux. Enfin et surtout, pour étayer le Glass-Steagall global, il faudra instaurer une liste noire des États non coopératifs en matière fiscale et judiciaire, sans complaisances ni exceptions.
  8. Prendre des mesures significatives contre l’opacité financière :
    • exiger que les multinationales tiennent des comptes transparents pays par pays, pour rétablir la vérité comptable de leurs activités et lutter contre l’évasion fiscale ;
    • exiger de même la tenue de registres publics pour identifier les bénéficiaires réels des trusts ;
    • organiser une coopération fiscale et judiciaire effective entre les États, notamment avec les pays du Sud.

Ce sont là les initiatives indispensables pour lancer la nécessaire révolution. Rappelons que dans son Livre de ma mémoire, Danielle Mitterrand mentionnait une conversation très révélatrice avec son mari. « Je disais à François, puisque tu as le pouvoir, pourquoi tu ne t’en sers pas pour changer le pays. Il répondit : "Je n’ai pas le pouvoir, la France comme le reste du monde est assujettie à une dictature financière qui gère tout". » La démarche que je viens ici d’élaborer est une réponse au cynisme désabusé de François Mitterrand et de tous les présidents de la République à partir de Georges Pompidou. Elle demande, il est vrai, une autre qualité de courage.

 II. La mutation : un système de crédit productif public

L’État doit alors pouvoir lancer de grands projets d’équipement, créant l’environnement propice à l’essor d’entreprises ayant recours à des technologies de production avancées. C’est la solution pour éliminer le chômage en suscitant la création d’emplois qualifiés dans la recherche, le développement et la production. Cet enchaînement vertueux est indispensable à une véritable reprise économique.

Cependant, l’État ne peut lancer ces grands projets dans le cadre du système européen actuel, qui est une camisole de force, et il ne pourra pas non plus le faire après l’application de la nouvelle loi Glass-Steagall, si l’on en reste là. En effet, après l’application du principe, il ne restera pas suffisamment d’institutions bancaires solvables ni de liquidités disponibles pour enclencher cette autre politique. La mise hors jeu des spéculateurs ne sera pas mécaniquement remplacée par des producteurs.

Il est donc nécessaire de mettre en place un autre système, fondé sur le crédit productif public.

La forme en est simple : la Banque de France doit renouer avec la possibilité de faire des avances au Trésor public pour financer de grands projets sur le long terme, à un horizon de dix à cinquante ans.

Ainsi, avant 1973, la Banque de France créait de l’argent à partir de rien et sans intérêt, pour permettre à l’État d’investir dans des infrastructures d’intérêt général (écoles, hôpitaux, transports publics…). L’argent était remboursé par l’État au fur et à mesure de la réalisation du projet, et détruit alors par la Banque : il ne circulait que pendant le temps de l’avance ou de l’emprunt. L’État pouvait ainsi anticiper les besoins futurs d’équipement du pays sans augmenter les taxes ou les emprunts. A condition que l’argent ne dérive pas vers des dépenses de fonctionnement, ce système est par nature anti-inflationniste, car il est anticipateur de production de richesse physique accrue par tête, par unité de surface et par ménage.

La réalité est, elle, beaucoup moins simple.

  1. Tout d’abord, le système de crédit productif public exige un changement de manière de penser. Il ne peut être compris dans la matrice monétariste libérale actuelle. Celle-ci suppose en effet un être humain défini par sa possession d’objets, l’accumulation de données et de statistiques dans un univers linéaire, établi dans le présent, sans mutations culturelles ou technologiques, à l’exception du secteur manipulateur de la communication. Un tel univers, celui dans lequel nous sommes, se condamne lui-même à l’attrition faute de découvrir de nouveaux principes et de les appliquer sous forme de technologies plus productives par unité de surface et par individu. Il parie sur le présent et consume.
    • Le système de crédit productif public est au contraire un pari sur l’avenir, c’est-à-dire sur le propre de l’homme, qui est de créer. Il est intrinsèquement anti-oligarchique et anti-impérial car il respecte la personne humaine. En mettant un vecteur scientifique au poste de commande, il parie que l’homme découvrira des principes universels nouveaux qui, appliqués sous forme de technologies, permettront de peupler davantage l’univers d’êtres plus créateurs et participant tous à sa transformation pour le bien commun. Création et justice sociale sont ici les deux faces d’une même chose.
    • Il s’agit donc d’une conception à l’opposé du monétaire et du financier, car le crédit s’insère par nature dans un processus de développement portant sur plusieurs générations. Il protège, en l’étendant, une capacité créatrice qui nous a été donnée. Il est le garant du développement humain.
    • La culture du crédit public est ainsi à l’opposé de celle de la possession arbitraire de l’argent. Il est l’arme du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », qui sans lui n’est qu’une formule vide.
  2. Ensuite, ce crédit doit servir à transformer et améliorer activement l’environnement humain. La création n’a pas d’issue qui ramène au passé. Ce sont donc des formes d’intervention de l’homme sur l’univers de plus en plus denses, de plus en plus efficientes qu’il doit nourrir. Ce sont elles qui permettent de peupler davantage l’univers et de protéger l’humanité contre des risques futurs, qu’ils soient de nature humaine ou relevant de la situation de la Terre dans le système solaire et galactique. L’alternative, c’est-à-dire l’investissement dans des énergies ou des technologies douces ou vertes, n’est que l’organisation d’un dépérissement anti-égalitaire, anti-démocratique et, en fin de comptes, destructeur de l’homme.
    • La notion de densité est ici essentielle : une technologie et une forme d’énergie plus denses, plus productives par unité de surface et par tête, correspondent à une densité de travail mental plus élevé mis au service des générations futures. Au contraire, des formes moins denses ne seront pas capables d’assurer des conditions de vie dignes à plus d’êtres humains ou même au nombre d’êtres humains vivant actuellement sur terre, en raison de l’usure des ressources correspondant à tout mode technologique donné et à toute paresse mentale. C’est pourquoi l’oligarchie financière promeut une idéologie « verte », associée à un pessimisme culturel et considérant l’homme comme un animal domestiqué qui doit s’adapter à son environnement et non en devenir le créateur responsable. La conséquence qu’elle en tire est la promotion de la dépopulation, car pour tout mode technologique et mental donné, les ressources deviennent fatalement insuffisantes.
    • Le crédit doit donc servir la création scientifique permettant de créer des ressources nouvelles ou même de transformer des déchets des technologies passées en ressources nouvelles. S’il sert la cause contraire, il se rend complice de criminels dont le projet avoué par certains d’entre eux est de réduire la population mondiale à moins de 2 milliards d’êtres humains. Ceux qui croient que sortir du nucléaire constitue un acte moral devraient réfléchir à deux fois sur ce qu’est la morale et sur les conséquences qu’aurait leur décision.
  3. Enfin, nous devons sortir des textes qui nous contraignent, bloquant tout recours à l’initiative de l’État et au crédit productif public. Il s’en trouve trois fondamentaux, deux au niveau français, l’autre au niveau de l’Union européenne, mais tous trois inspirés par le même esprit de libéralisme financier et d’opposition aux souverainetés nationales. Il faut tous trois les abroger.
    • Le premier est la loi n° 93-980 du 4 août 1993, qui abroge la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 en aggravant ses effets. Déjà, par son article 25, la loi Pompidou-Messmer-Giscard d’Estaing du 3 janvier 1973 contraignait le Trésor public à ne plus être « présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France », le condamnant ainsi à emprunter sur les marchés auprès d’établissements financiers privés moyennant le versement d’intérêts, alors qu’auparavant la Banque de France ne lui en faisait pas payer car elle appartenait à l’État. L’État s’est ainsi privé du droit de créer de la monnaie, le transférant aux banques privées qui se sont enrichies à ses dépens car, dans les faits, les banques empruntaient de l’argent à des taux d’intérêt inférieurs à ceux auxquels elles prêtaient à l’État ! L’accroissement de notre dette publique vient de là, en raison de ces intérêts que nous avons dû payer, et non d’un supposé gaspillage de fonds, qui n’a joué qu’un rôle secondaire. De plus, des banques de plus en plus grandes se sont constituées (par ses actifs, la BNP-Paribas est la première banque du monde) et leurs dirigeants ont exercé une véritable tutelle sur les gouvernements successifs, de droite ou de gauche. L’aboutissement de ce système est précisément la loi no 93-980 du 4 août 1993, relative au statut de la Banque de France, qui lui interdit « d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor Public ou tout autre organisme ou entreprise publics. L’acquisition directe par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite ». L’on mesure l’effet scandaleux de ce texte, qui justifie son abrogation.
    • Le second texte est la loi du 12 mai 1998, qui intègre la Banque de France au Système européen de banques centrales (SEBC), institué par le Traité de Maastricht, et garantit son indépendance. Tout le texte doit être abrogé en raison de sa logique d’ensemble, qu’exprime l’alinéa 3 de son article 1e faisant interdiction « au Gouverneur et aux membres du Conseil de solliciter ou d’accepter des instructions du gouvernement ou de toute autre personne ». Ainsi la Banque de France est devenue un organisme indépendant qui, dans le cadre de la priorité définie pour le SEBC, doit assurer la stabilité monétaire et non le développement économique et la justice sociale. Je me battrai pour rétablir le contrôle démocratique de l’État, représentant les citoyens, sur une institution vitale, qui devra devenir une vraie Banque nationale émettant du crédit productif public pour l’équipement de l’homme et de la nature, et non une institution nominalement indépendante mais pratiquement au service du monétarisme, comme elle l’est aujourd’hui. Au niveau européen, une association de banques nationales devra financer les grands projets à l’échelle européenne et eurasiatique incompatibles avec le système actuel, qui les a étouffés.
    • Le troisième texte est l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui lui aussi interdit aux Banques centrales de prêter de l’argent aux États sans intérêt, ce qui les contraint à emprunter cet argent, avec intérêts, aux acteurs privés ayant de l’argent à placer. La dette publique, gonflée artificiellement par les intérêts rendus pratiquement obligatoires au nom de la concurrence libre, verrouille ainsi au plus haut niveau du droit l’impuissance de nos représentants politiques. De plus, la priorité à la lutte contre l’inflation assignée à une Banque centrale européenne (BCE) sans contrôle des représentants du peuple (articles 119, 130 et 282 du TFUE), a conduit dans ces conditions à faire des salaires une « variable d’ajustement » et à répandre un chômage de masse en Europe.

Il est évident que ces trois textes relevant d’une même idéologie, tant au niveau français qu’au niveau européen, doivent être abrogés pour pouvoir rétablir un système de crédit productif public. C’est ainsi et ainsi seulement que pourront être financés les grands projets donnant une autre dimension à l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, jusqu’à une étendue eurasiatique, de l’Atlantique à la mer de Chine.

 III. L’horizon : une planification participative

La suppression du Commissariat du Plan et de la Mission ministérielle sur les mutations économiques (MIME) est allée à l’inverse des nécessités d’un État soucieux d’éclairer son avenir et d’y faire participer les Français et les Françaises. Il s’est agi d’une double soumission à une idéologie libérale : le Plan visait à élaborer un projet avec les forces vives de la nation et à se donner les moyens de le mettre en œuvre, la MIME réfléchissait au moyen de passer des emplois d’aujourd’hui à ceux de demain. Le gouvernement Villepin a donné le coup de pied de l’âne à ces dispositifs publics, montrant bien dans quelle tradition de démantèlement lui aussi se situait.

Élu, je redonnerai à l’État des yeux pour voir et des oreilles pour entendre en créant un ministre délégué au Plan, soit auprès du ministre de l’Économie, soit préférablement auprès du Premier ministre. Ce ministre sera l’inspirateur et le soutien des grands projets d’équipement financés par le crédit productif public, et disposera d’une équipe indépendante d’une centaine de hauts fonctionnaires et représentants des divers courants économiques de la nation, qui aura un pouvoir permanent d’enquête et dont il choisira lui-même les titulaires. Il sera assisté par un Conseil national du crédit reconstitué.

Le Plan, comme les précédents, se fixera des clignotants en cas d’écarts par rapport aux objectifs fixés en commun entre forces vives de la nation. Il sera désormais débattu au sein du Sénat renouvelé et économiquement renforcé que je conçois.

Cependant, il prendra en compte en cours de route les mutations politiques ou technologiques justifiant un éventuel changement de direction. C’est en ce sens qu’il sera participatif. Les écarts constatés ne conduiront plus nécessairement à rétablir de façon linéaire la trajectoire fixée à l’avance, mais à réorienter l’économie vers des objectifs plus ambitieux apparus en cours de route, en recueillant l’avis et l’accord des représentants des forces vives de la nation.

Indicatif, flexible mais éclaireur, il fixera les emplois qualifiés de l’avenir correspondant aux grands projets auxquels participera la France, sur son territoire ou au-delà, et prévoira les moyens de les former et d’en fixer la répartition dans les entreprises intéressées.

Une des principales conséquences d’une administration du Plan forte et souple sera de permettre le retour à un aménagement du territoire et en particulier à l’accompagnement et à l’aide des territoires en difficulté ou en détresse. Ainsi, le principe de péréquation, qui repose sur la solidarité nationale, pourra être rétabli. Il est, au même titre que le service public, essentiel pour exprimer concrètement l’égalité entre citoyens, avec un effet intégrateur concret qui est la meilleure arme pour éviter les communautarismes.

Au niveau européen et mondial, le Pont terrestre eurasiatique et les grands projets Nord-Sud et Est-Ouest, et au niveau national, le Plan de développement : ces deux ambitions à long terme seront naturellement complémentaires en se fondant toutes deux sur l’essor des pouvoirs créateurs de l’être humain et la transformation volontaire de la nature et de la biosphère, en rejetant le profit à court terme, le pillage financier et l’économie casino.

 IV. L’arme : la nationalisation des établissements financiers

La santé de nos banques pose très vite le double problème de leur solvabilité et de leur liquidité. Selon la Banque des règlements internationaux, leurs prêts aux cinq pays européens les plus fragiles représentent trois fois leur capitalisation boursière. Les engagements de nos quatre principaux établissements bancaires atteignent plus de 2,5 fois notre Produit intérieur brut, alors que leurs fonds propres sont faibles. En tous cas, il est clair que le mode de fonctionnement de nos grandes banques, qui ont fait beaucoup de profits dans les métiers de spéculation pour compte propre et sur l’achat de dettes publiques d’États fragiles à taux d’intérêt très élevés, n’est plus durable.

  1. Le principe d’une nationalisation est applicable.
    Même dans le cadre d’une application de la procédure Glass-Steagall, la décision de leur nationalisation éventuelle se posera donc très vite.
    Je n’en suis a priori pas un partisan déterminé, car je suis convaincu que c’est plus l’intention guidant l’activité des banquiers que le statut sous lequel ils opèrent qui est décisif. Ainsi, les banques nationalisées en 1981-1982 ont continué, avec les mêmes dirigeants ou des dirigeants issus du même milieu, à pratiquer une certaine continuité politique. On vit même certains de ces dirigeants participer à la nationalisation socialiste, puis organiser les noyaux durs de M. Balladur pour enfin tirer les marrons du feu de la grande privatisation. De même, les banques britanniques nationalisées ne l’ont pas été pour pratiquer des politiques différentes, mais pour sauvegarder les existantes.
    Les nationalisations me paraissent cependant inéluctables dans l’après Glass-Steagall pour des raisons défensives, à condition qu’elles soient guidées par un autre état d’esprit, qui est celui du système de crédit productif public. Les faillites ordonnées du secteur d’affaires des banques universelles devront en effet sauvegarder les intérêts de l’épargne populaire et permettre de continuer à alimenter l’économie. Or, dans un premier temps, les activités de marché ont été tellement imbriquées avec celles de dépôt et de crédit qu’il faudra nationaliser ces dernières pour les préserver de l’inéluctable effondrement des premières au cours de l’explosion systémique à venir
    Cette nationalisation est non seulement légitime mais légalement possible, contrairement à l’avis de ceux qui évoquent le droit de propriété pour s’y opposer. Le précédent est constitué par les décisions du Conseil constitutionnel du 16 janvier et du 11 février 1982.
    Trois conditions majeures y sont cependant mises : le constat légal d’une nécessité publique justifiant la nationalisation, le respect du principe d’égalité imposant que la non identité de traitement éventuel soit compatible avec la finalité de la loi et l’application d’une indemnité juste et préalable en faveur des expropriés. Sur ce dernier point, il est clair que la nationalisation devrait se faire aux cours de bourse constatés dans les séances qui la précèdent, car la chute des cours est imputable à la loi du marché, et rien ne justifierait donc que l’État paie une indemnité couvrant ce risque de marché. Il ne saurait être davantage question d’un éventuel préjudice moral ; le Conseil constitutionnel en a d’ailleurs décidé ainsi dans la réponse à une question prioritaire de constitutionnalité du 21 janvier 2011 en matière d’expropriation de biens.
    Je considère enfin qu’une nationalisation, temporaire ou définitive, est une meilleure solution que de mobiliser notre Fonds de garantie et de dépôt, qui est doté d’une trésorerie de seulement 2 milliards d’euros pour couvrir chaque compte à hauteur de 100 000 euros, ce qui le rend incapable de faire face à la faillite éventuelle d’une banque française. Dans un cas on continue avec la garantie d’une responsabilité publique, dans l’autre on couvre, le fonds devant fatalement contracter un prêt pour remplir sa mission, ce qui revient à ajouter de la dette à la dette.
  2. L’organisation d’une banque publique d’investissement ou d’un pôle financier public doit soutenir la politique du Plan et orienter avec lui le crédit productif public. Il regroupera les moyens de la Caisse des dépôts, du Fonds stratégique d’investissement, de la Banque postale, d’Oséo, de la BPCE, du Crédit foncier et de représentants des banques éventuellement nationalisées, en y incluant ceux de l’Agence des participations de l’Etat.
    Pour éviter l’effet d’usine à gaz, l’on procédera, en éliminant systématiquement les doublons, à la constitution de pôles par branches économiques, avec un secteur spécialisé dans les PME innovantes. L’idée est d’organiser une mobilisation générale pour une stratégie industrielle nationale liée à une mobilisation européenne et eurasiatique. A la base, et suivant le principe de subsidiarité, des fonds régionaux organiseront la montée en puissance des PME de 50 à 300 salariés dont nous avons besoin – des mittelstand à la française – pour redonner vigueur à notre politique d’innovation, soutenue en même temps par une fiscalité active (cf. ma section Une révolution fiscale pour financer l’avenir et revaloriser le travail).
  3. Les banques doivent cesser d’imposer aux citoyens une dictature financière et de tenter de compenser à leurs dépens leurs pertes de jeu sur les marchés. Aujourd’hui, en effet, elles taxent leur clientèle par tous les moyens et, comme l’a montré l’affaire Dexia, leurs chargés de clientèle vendent à leurs clients des produits qui pour eux s’avéreront inutiles mais coûteux, ou bien placent des produits dérivés sophistiqués aux conséquences incalculables sur les taux d’intérêt à verser, tant pour des particuliers victimes de ces prêts toxiques que pour des collectivités publiques. Les employés des banques doivent eux-mêmes faire du chiffre en plaçant ces produits, sous peine de s’attirer des ennuis professionnels. Aujourd’hui, 36 % des employés de banques françaises se disent « stressés » et 13 % en situation d’« hyperstress », selon une étude menée en février 2010 par la Société générale.
    Plus banalement, les banques opèrent des prélèvements sur les comptes de leurs clients, pour frais d’intervention, commissions de mouvement ou frais de refus, sans leur autorisation expresse ni l’autorité d’une décision de justice, c’est-à-dire de manière illégale. Ces prélèvements illégaux se font surtout au détriment de petits comptes, dont les titulaires ont des difficultés, sont peu informés et disposent de faibles moyens pour se défendre.
    Je propose :
    • que les collectivités et particuliers victimes de prêts toxiques refusent de payer des intérêts extravagants et ne règlent que des intérêts raisonnables. Certains ou certaines ont d’ores et déjà poursuivi les établissements financiers pour escroquerie en bande organisée ou tromperie sur la nature de l’objet vendu. Je soutiens ces actions et ferai établir un projet de loi pour interdire à l’avenir ces montages abusifs qui relèvent du jeu et non du commerce normal de biens.
    • que l’on applique aux banques l’article 544 du Code civil sur le droit à la propriété et les articles 311-7 et 313-1 du Code de la consommation, qui interdisent de prélever des sommes sur les comptes de leurs clients sans disposer de leur accord formel ou d’une injonction de justice. Les banques sont les seules entreprises qui se permettent de le faire. Elles disposent de la possibilité d’inscrire les résistants sur le fichier FICP (Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) de la Banque de France, en détournant en arme de chantage ce qui était à l’origine un mécanisme de prévention et d’aide au client. Elles ne devraient pouvoir le faire contre qui elles veulent et quand elles le veulent, et être au moins soumises à un contrôle automatique des services juridiques du Trésor public. Il est trop grave qu’une telle décision, qui autorise tous les établissements de crédit à exiger la totalité des prêts en cours, soit banalisée et livrée à l’arbitraire.
      Quoi qu’il en soit, les nationalisations devront être l’occasion de changer ces comportements. Il ne s’agit pas ici de changer la loi, mais de la faire appliquer en arrêtant les abus de position dominante.

 V. L’objectif : de grands travaux a l’échelle de l’Europe, de l’Eurasie et du monde

La priorité absolue, les moyens en étant réunis, est de remettre l’économie physique au service de l’homme en reprenant l’initiative en matière de progrès technique et d’innovation. Les transports terrestres à grande vitesse, le nucléaire de la quatrième génération (réacteurs à neutrons rapides et à haute température à sécurité intrinsèque), la fusion nucléaire et l’exploration spatiale doivent être le fondement de cette politique. La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne peut pas passer sa vie entière dans un berceau. Le feu de bois a été une source d’énergie fondamentale, mais toutes les forêts du monde ne pourront jamais alimenter le feu capable de faire cuire la nourriture et fonctionner les industries de milliards d’êtres humains.

La densité de flux d’énergie et la densité de production seront les paramètres du vecteur scientifique. Il ne s’agit pas en effet d’appliquer les technologies et les savoir-faire existants pour équiper l’homme et la nature tels qu’ils sont, mais de les porter vers de nouvelles frontières en les dotant de capacités plus grandes. L’on jettera ainsi les bases d’une renaissance culturelle à partir de plate-formes de développement transformant les relations entre l’homme et la nature, en rendant l’homme plus responsable de ses actes car il en maîtrisera et mesurera mieux les conséquences. La réalisation des objectifs communs de l’humanité redonnera sens à notre aventure collective. Le pari est de mobiliser pour cette paix par le développement mutuel les ressources qui au XXe siècle ont été rassemblées pour la guerre et maintenant, dans notre XXIe siècle, ne sont plus rassemblées du tout. La décroissance et la croissance verte sont des illusions destructrices ; la seule décroissance qui vaille est celle des intérêts financiers, et la seule croissance verte, celle du cycle chlorophyllien des plantes. L’homme doit être l’organisateur des deux, car il n’y a pas d’issue qui ramène au passé, si ce n’est pour en répéter les erreurs.

Concrètement, il s’agira de mettre en place, à l’échelle européenne, eurasiatique et internationale, les mécanismes publics de financement à long terme et faible taux d’intérêt que je défends pour ouvrir ce grand chantier, ce qui implique l’abandon du système monétariste actuel et l’adoption d’un système de crédit productif public. C’est là toute la cohérence de mon projet.

A l’échelle de chaque pays, les Trésors publics pourront ainsi utiliser, pour équiper l’homme et la nature dans les cadres nationaux, européens, eurasiatiques et internationaux, des avances ou crédits des Banques de la nation et des pôles financiers publics à des taux préférentiels, en coordonnant les efforts entre partenaires selon les besoins.

Alors on pourra reconsidérer chez nous l’aérotrain de Bertin, les voitures à hydrogène, la reconversion des machines outils et des travailleurs de l’automobile vers le spatial, la fusion thermonucléaire par laser, sans placer tous les œufs dans le même panier du confinement magnétique. Les découvertes pourront alors ressortir des cartons, des tiroirs et des ordinateurs de nos chercheurs et de nos ingénieurs, en pensant et agissant avec les yeux du futur et non avec les délectations morbides d’un pessimisme plat.

Alors, à l’échelle de la planète, on pourra en Afrique lancer la remise en eau du lac Tchad, le canal de Jonglei au Soudan et la conversion des chotts tunisiens et algériens en espaces verts pour l’agriculture, aux États-Unis entamer l’immense projet NAWAPA pour recréer la plate-forme de développement dont ce pays a besoin pour sauver son agriculture et redevenir une société industrielle, en Eurasie voir la Chine et la Russie lancer le développement agricole et minier de la Sibérie et de la Mongolie sans arrière-pensées de domination, remettre en eau la mer d’Aral et restaurer une écologie détruite par des priorités de gain immédiat. En Europe occidentale, nous devons nous concevoir comme le trait d’union entre le monde Pacifique du futur et le monde transatlantique aujourd’hui livré à la « gouvernance » de l’Empire monétariste et financier britannique. Nous pouvons être à la fois la première station d’un Pont terrestre eurasiatique et l’esprit d’un monde transatlantique renaissant, et nous accepterions plutôt de demeurer sous la gouvernance d’une Europe qui a vendu son âme à la City et qui se dissout dans la bureaucratie à Bruxelles ? Nous agissons depuis plus de quarante ans comme des imbéciles heureux qui tressent la corde pour se faire pendre, et nous continuerions à attendre l’ordre du bourreau ?

Ainsi, ces grands travaux, ce grand chantier ne seront pas seulement un projet économique, mais la plate-forme pour nous libérer de l’impérialisme et de l’oligarchie afin de gagner le futur ensemble, en tant que patriotes de nos pays européens et citoyens du monde.

 VI. Le vivre ensemble : un nouveau bretton woods

Ma démarche aboutit ainsi à la nécessité de redéfinir un vouloir vivre en commun à l’échelle de notre planète : c’est le Nouveau Bretton Woods pour lequel Lyndon LaRouche et moi-même, avec tous nos amis dans le monde, nous battons depuis si longtemps. Dans la tempête, une chance s’offre à nous aujourd’hui. A en mesurer les conséquences, il devient plus facile de voir que le découplage entre l’or et le dollar, effectué le 15 août 1971, et les Accords de la Jamaïque, qui ont instauré des taux de change flottants entre monnaies, ont ouvert la voie à toutes les dérégulations et toutes les spéculations, et que pour lancer un grand chantier mondial, il est nécessaire de rétablir des règles.

A un moment où toutes les grandes banques du monde sont pratiquement en faillite et où toutes les monnaies s’effondrent par rapport à l’or, les uns et les autres sont mieux à même de comprendre l’urgence de la situation, à condition de ne pas vouloir mourir idiots ou de prétendre survivre comme ces fantômes qui hantent les vielles demeures britanniques ou celles de patriciens de la côte Est américaine, ou encore de nos vieilles demeures seigneuriales appréciées des romantiques.

Un Nouveau Bretton Woods signifie ainsi redonner à la communauté économique internationale un fondement et à l’humanité des objectifs communs.

Il s’agit de passer ensemble d’un système monétariste destructeur à un système de crédit public productif, dans lequel les États émettent du crédit-monnaie pour l’équipement de l’homme et de la nature. Ce système de crédit productif public partagé doit être fondé sur des taux de change fixes entre monnaies, même s’il faut prévoir qu’ils pourront être ajustables d’un commun accord en cas de circonstances exceptionnelles. La fixité est ce qui permettra d’éviter les spéculations monétaires à court terme détournant les flux financiers des investissements à moyen et long terme.

Il y a cependant beaucoup plus : donner pour valeur réelle au nouvel accord l’équipement du monde, sur la base du travail humain qualifié.

Bien sûr, les soldes des échanges commerciaux et financiers devront être réglés sur la base d’une valeur de référence au prix convenu entre États, qui soit or ou panier de produits correspondant aux dépenses indispensables aux êtres humains, dites aujourd’hui « contraintes » (alimentation, habillement, logement – celles que déjà évoquait le prophète Isaïe comme les biens que les créanciers ne pouvaient pas saisir).

Il y a encore cependant beaucoup plus : c’est le pari mutuel sur l’avenir, sur les générations à naître, sur ce que l’homme transmet d’humain à l’homme par le crédit productif public.

Pour qu’il puisse le faire, c’est dans ce contexte que l’on devra annuler la dette des États pour sa part illégitime ou ne correspondant pas à la création de valeur économique réelle. Concernant la part de dette légitime, contractée pour financer l’équipement de l’homme et de la nature et l’économie productive, il faudra examiner les possibilités de rééchelonnement au regard et en fonction des bénéfices apportés par les grands projets à venir. Ouvrir la possibilité d’équiper et de produire à l’avenir est le seul fondement possible et juste de cette dette légitime, permettant à la fois d’éviter une déflation prédatrice et une inflation destructrice.

Le Nouveau Bretton Woods n’est donc pas une formule économique ou une affaire de diplomates, mais un enjeu de civilisation.