« Les faits l’ont aujourd’hui prouvé : l’indépendance nationale à l’égard de l’étranger et la liberté intérieure sont indissociablement liées, elles sont l’effet d’un seul et même mouvement. »
Marc Bloch
Cahiers politiques , « Pourquoi je suis républicain »
Il est évident que la France ne peut engager seule le changement pour lequel je me bats et qui est indispensable pour nous donner un avenir. Une politique étrangère cohérente avec mon engagement doit être mise en place. Or l’on a pu constater que Nicolas Sarkozy s’est beaucoup agité et a prononcé un bon discours à Toulon, le 25 septembre 2008, mais que son agitation et ses paroles n’ont pas été suivies d’effets faute de volonté politique. Au contraire, il s’est engagé dans un accord militaire de cinquante ans avec les Britanniques, a réintégré la France dans le commandement de l’OTAN, accru le nombre de nos soldats en Afghanistan, fait adopter le traité de Lisbonne par le Parlement, à la hâte et contre la volonté du peuple, et s’est montré timide au G20, étant sous l’emprise de ce capitalisme financier que pourtant il dénonçait à Toulon. Quant aux candidats du Parti socialiste, aucun n’a parlé de politique étrangère pendant leurs trois débats, comme si la France était une sorte de Marseille prétendument isolée du monde extérieur. Ce n’est vraiment pas sérieux.
Je propose au contraire une stratégie d’ensemble.
1) Un principe : orienter notre politique étrangère en fonction du grand chantier de demain.
Il s’agit de se joindre aux forces suffisamment puissantes dans le monde pour s’opposer à l’empire de la City et de Wall Street, le renverser et lui substituer un système international de développement mutuel : le Glass-Steagall global, un Nouveau Bretton Woods et des grands projets incarnant les objectifs communs de l’humanité.
Cela suppose d’abord que l’on ne se trompe pas d’ennemi. Le principal est un empire monétariste et sa logique prédatrice. Il ne s’agit pas de nations défendant des territoires ou des peuples, mais d’un empire imposant la politique de l’oligarchie : contrôle financier direct et indirect, volonté de puissance, blocage de toute politique de développement scientifique sauf à des fins militaires à court terme, imposition d’une contre-culture excluant la créativité humaine et effort constant de diviser pour régner, afin que ses adversaires éventuels ne s’unissent pas contre elle mais s’entredétruisent. Aujourd’hui cet empire est britannique, si l’on désigne ainsi sa source, anglo-américain si l’on met l’accent sur ses composantes financières. A surtout ne pas confondre avec les États-Unis en tant que nation ou avec les peuples américain et britannique, qui en sont également les victimes, consentantes ou pas.
Les forces suffisamment puissantes pour s’opposer à cet empire de la City et de Wall Street se trouvent aujourd’hui dans la région Pacifique, autour de la Chine et de la Russie, et au sein du peuple américain s’il se ressaisit en chassant le président Obama de la Maison Blanche et en retrouvant l’impulsion politique rooseveltienne contre toutes les formes de néo-libéralisme ou d’ultralibéralisme existantes. Cette question est particulièrement déterminante car il règne encore dans notre pays une extrême confusion sur le Président Obama. Les Martine Aubry, Arnaud Montebourg ou Ségolène Royal voient en lui un démocrate progressiste cherchant à faire appliquer une séparation des métiers de banque. C’est l’opposé qui est vrai : il sert les intérêts prédateurs de la City et de Wall Street.
L’alliance à établir aux États-Unis est avec mes amis politiques qui, autour de Lyndon LaRouche, se battent réellement pour faire appliquer de nouveau le principe de la loi Glass-Steagall, et avec les congressistes qui, à la Chambre des représentants, soutiennent la proposition de loi HR 1489 de Marcy Kaptur visant le même objectif. Car les États-Unis sont actuellement l’enjeu d’une bataille interne déterminante, et non une entité finie, bonne ou mauvaise. Je suis le mieux placé pour comprendre cette question et la nécessité pour notre pays de se joindre à la nouvelle alliance du Pacifique dont je souhaite l’essor.
C’est pourquoi je me bats pour un Pont terrestre eurasiatique, créant une zone de développement mutuel entre l’Europe et l’Eurasie, et permettant aux pays d’Europe occidentale de jouer un rôle dans cette nouvelle zone de développement du Pacifique en se libérant de l’emprise financière britannique.
La France doit agir en ce sens avec l’Allemagne pour réunir les forces politiques et économiques suffisantes sur notre continent.
C’est en appliquant ce principe, avec toutes ses conséquences, que nous pourrons faire le poids et jouer un rôle de catalyseur.
Un monde sans la City et sans Wall Street pourra alors être notre grand chantier pour demain.
2) La dimension eurasiatique
Cette dimension géographique eurasiatique est indispensable pour redonner sens et portée à la France, à l’Allemagne et aux nations d’Europe occidentale. Ce que de Gaulle voulait accomplir « de l’Atlantique à l’Oural », il nous faut aujourd’hui l’entreprendre à une échelle élargie, de l’Atlantique à la mer de Chine, de Lisbonne à Los Angeles en passant par Moscou, Pékin et Vladivostok, jusqu’à l’Amérique par le détroit de Béring que Russes et Chinois prévoient de franchir par un pont ou un tunnel.
Notre nouvelle route eurasiatique de la soie doit permettre de désenclaver les territoires compris entre l’Europe et la Chine, tout particulièrement la Sibérie et l’Asie centrale. Des « corridors de développement », essaimant des idées, des hommes, des matériaux, de l’énergie et des moyens de transport à grande vitesse créeront les conditions d’un développement intérieur du continent dans l’intérêt mutuel. C’est l’avantage d’un transport terrestre sur un transport maritime : il engendre du développement tout au long de son parcours.
Ce développement mutuel ainsi lancé permettra de créer le tremplin pour une grande politique spatiale autrement impossible car condamnée à être trop restreinte. Cet « impératif extraterrestre » n’est aucunement ce que la science-fiction d’un Michel Pébereau nous dépeint, mais l’équivalent au XXIe siècle de ce que représentait la découverte de l’Amérique au XVe : une nouvelle dimension nécessaire pour voir le monde de plus haut et se condamner à créer pour pouvoir s’aventurer dans l’inconnu (cf. ma section sur L’espace, un engagement politique fondamental).
3) La dimension africaine
Nous avons le devoir de développer l’Afrique pour la libérer du néo-colonialisme financier qui l’opprime aujourd’hui plus indirectement mais aussi férocement que le colonialisme d’hier. Dans les deux cas, il s’agit d’une matrice impériale sous des formes différentes dont nous avons été le partenaire « junior » avec la Grande-Bretagne. Je prends l’engagement de changer cette règle du jeu inacceptable.
Nous devons enterrer pour toujours la Françafrique avec ses jeux de valises et de mallettes et construire un espace de développement mutuel qui sera une des branches spirales du Pont terrestre eurasiatique, en créant des transports à grande vitesse intérieur-intérieur fondés sur les échanges entre pays africains et pas seulement intérieur-côte, construits pour permettre le pillage des matières premières. Nous devons aider à la production de cultures vivrières, pour nourrir les Africains, et non promouvoir des monocultures pour l’exportation et/ou la production d’agrocarburants, économiquement désastreuse et moralement inacceptable quand des êtres humains vivant au voisinage souffrent de faim et de malnutrition. Nous devons arrêter les soi-disant partenariats économiques qui consisteraient à livrer l’agriculture et les modestes industries africaines existantes au désarmement tarifaire voulu par l’Organisation mondiale du commerce.
Nous fournirons la preuve que nous avons changé en promouvant les grands projets nécessaires à la réintégration de l’Afrique et de ses peuples dans une économie mondiale mise au service de l’homme :
- remise en eau du lac Tchad, pour créer un poumon d’eau au centre du continent et sauver plus de cent millions d’hommes, en suscitant autour du bassin et le long du canal qui l’alimentera un espace agro-industriel de développement centré sur les besoins des populations locales ;
- reconstruction du canal de Jonglei, au Soudan, pour créer un espace irrigué et stabilisé constituant un grenier à céréales pour l’Afrique de l’Est et l’Asie du Sud-Ouest ;
- irrigation en eau douce des chotts tunisiens et algériens à partir du golfe de Gabès, en reprenant avec les moyens de notre temps, y compris le dessalement de l’eau de mer grâce à l’énergie fournie par une centrale nucléaire à haute température de quatrième génération, les plans que l’ingénieur François-Elie Roudaire avait conçus au XIXe siècle ;
- construction d’axes de transport rapides transversaux en Afrique, reprenant par exemple le projet de chemin de fer transsaharien d’Adolphe Duponchel, également conçu au XIXe siècle.
Tous ces projets sont restés trop longtemps dans les cartons. Non pas parce qu’ils étaient « utopistes », mais parce qu’ils ne présentaient pas d’intérêt financier immédiat pour le colonisateur. Il faut les reprendre non comme des propositions d’experts tombées du ciel, mais comme sujets de discussion avec les gouvernements et les populations.
Je défendrai en particulier l’affectation de 1000 soldats français et d’ingénieurs militaires et civils pour participer à ces projets. Il est temps que nous soyons en Afrique pour construire ce qui est dans l’intérêt des peuples, et non pour protéger les intérêts financiers de ceux qui les exploitent. Nous avons aujourd’hui moins d’excuses qu’au XIXe siècle, car nous disposons de moyens de transmission, de communication, d’excavation et de construction sans commune mesure avec ceux d’alors.
Cette politique doit être mise en place avec les hommes qui en seront naturellement et moralement les soutiens. L’on ne peut faire une Union méditerranéenne avec les Ben Ali ou les Moubarak, pas plus qu’une grande politique africaine avec les Wade ou les Biya. Une réflexion devra être engagée à ce sujet avec les autorités chinoises, afin d’éviter autant que possible un clientélisme désastreux.
4) Les conséquences dans le domaine militaire
C’est en 1966, la même année où il imposait le droit de veto à toute dérive supranationale de la construction européenne, que Charles de Gaulle fit sortir la France du commandement militaire de l’Alliance de l’Atlantique Nord (OTAN). Depuis, un changement complet de notre politique s’est mis progressivement en place :
- l’article 42 du Traité sur l’Union européenne (TUE) ne remet pas en cause les engagements souscrits au sein de l’OTAN pour certains États membres « qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN ». Cette clause soumet de fait toute défense européenne à celle de l’OTAN, puisque ce sont les États européens les plus puissants militairement, économiquement et politiquement qui ont la double appartenance. Cet assujettissement est d’autant plus grave que la France s’associe à des commandements intégrés de l’OTAN et de l’UE pour des interventions sur des « théâtres extérieurs » et que peuvent être ainsi menées des opérations engagées sans autorisation formelle des Nations unies ou en violant ses dispositions, comme en Libye ;
- la France a réintégré le commandement militaire de l’OTAN ;
- elle s’est engagée avec des États membres de l’OTAN dans une guerre au sol en Asie, en Afghanistan, qui ne pourra jamais être gagnée et dans laquelle nous sacrifions absurdement les vies de nos meilleurs soldats ;
- la France a passé des accords militaires avec la Grande-Bretagne sur une durée de cinquante ans, ce rapprochement se trouvant consacré par l’intervention commune en Libye, avec le soutien de transports militaires, bombes guidées par laser, moyens de communication et drones étrangers, en particulier américains.
Pour mettre en œuvre l’ensemble de ma politique, respectueuse des principes de développement mutuel et d’autodétermination des peuples, j’imposerai le retour aux orientations de la politique extérieure du général de Gaulle. En particulier :
- que la France dénonce l’article 42 du TUE ;
- que la France non seulement se retire à nouveau du commandement militaire de l’OTAN si sa voix n’est pas entendue, mais exige que les interventions de l’OTAN se limitent à la stricte défense du territoire des pays membres sans déploiement hors zone, sauf sur autorisation expresse des Nations unies et en mettant ses effectifs à leur disposition ;
- que la France se retire de tout accord militaire avec la Grande-Bretagne tant qu’elle sera soumise à la domination de l’Empire financier britannique ;
- que la France retire dans les quatre mois qui suivent ses troupes d’Afghanistan et les réintègre dans la participation à nos grands travaux à réaliser en Afrique et leur protection.
C’est sur la base de ces quatre points que notre politique étrangère sera à nouveau inspirée par une stratégie indépendante et cohérente avec mon engagement global visant à ouvrir le grand chantier pour demain.