Paris, le 25 janvier 2013 – Il n’est pas de juste guerre, car toute guerre qui dure tue toujours l’imagination et la générosité de ceux qui la mènent. Il s’agit au Sahel d’une intervention nécessaire pour y éviter le pire, mais elle n’aura de sens que si l’on se fixe tout de suite les objectifs qui permettront de l’arrêter.
Continuer en effet longtemps à se battre contre les bandes armées d’une société qu’on a laissé devenir guerrière, au Sahel comme en Afghanistan ou au Congo, ne peut qu’entretenir une violence endémique.
Il est donc urgent, dès aujourd’hui, de commencer à créer les conditions pour gagner la paix. D’abord en dénonçant clairement qui a intérêt au chaos, à la continuation des trafics d’armes et de drogue, au blanchiment d’argent et à la destruction des peuples. Il suffit de jeter un regard sur les réseaux financiers à l’œuvre pour constater qu’hier, les mafias cherchaient des banques pour traiter leur argent et qu’aujourd’hui, ce sont les banques qui cherchent et promeuvent les mafias. Quelles banques ? Les banques « systémiques », devenues des machines à extraire de la valeur financière de tout, en détruisant la substance des économies et la vie des hommes. Ces banques ont pris la forme de conglomérats opérant au sein des grandes lessiveuses que sont la City de Londres, Wall Street et les paradis fiscaux. Voici donc l’ennemi que l’on doit désigner et combattre pour rétablir les Etats de droit, avec les armes que sont le refus de renflouer les joueurs et le retour à l’émission de crédit public pour de grands projets de développement.
Le terrorisme ne peut être éliminé qu’en tarissant la source qui l’abreuve ; l’affronter avec les seuls moyens militaires ne revient qu’à ajouter de la violence à la violence et, en fin de compte, à entretenir le chaos au sein duquel prospère la piraterie financière et s’étend une culture de la mort, depuis les sables d’Afrique jusqu’aux écrans de nos jeux vidéo.
C’est une culture de la vie qu’il faut offrir, la maîtrise de l’eau, de l’agriculture et de l’élevage, des grands travaux créant l’infrastructure nécessaire au progrès et le démarrage d’industries nationales, un grand dessein pour tous, respectueux des minorités.
Utopie ? Non, il s’agit d’une occasion à saisir. Pour des dirigeants intelligents, passionnés et courageux, lorsque leurs forces font face à l’embourbement et que leurs associés révèlent ce qu’ils sont réellement en les abandonnant, l’heure de la décision sonne. Ou bien ils deviennent collaborateurs de l’ordre dominant, en se laissant enfermer sur son terrain, ou bien ils élèvent le débat et voient avec les yeux du futur, en prenant le risque de donner l’exemple. Ce n’est pas facile ni normal, mais pratiquer le jeu de la lâcheté détruit si l’on en respecte trop longtemps la règle.