Mayotte ne peut plus continuer à vivre dans les conditions actuelles. La surpopulation relative de l’île par rapport à ses ressources propres existantes, une immigration devenue ingérable, la pollution, l’encombrement des routes aux heures de pointe et surtout le comportement d’une petite clique de familles qui règnent sur l’importation et la grande distribution, rendant le coût de la vie bien plus élevé qu’en France métropolitaine, en font une cocotte-minute prête à exploser et entraînent une décomposition de la vie sociale. Aussi, une véritable politique dans l’intérêt mutuel des quelque 230 000 Mahorais recensés, plus les immigrés réguliers et clandestins, doit être mise en œuvre sans tarder.
I — Une stratégie pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire et au développement inclusif
Les productions traditionnelles (coprah, noix de coco, ylang-ylang, tabac, vanille, café, oignons, poivre, girofle, etc.) ont pratiquement disparu, à quelques exceptions près. La déforestation et la mainmise des spéculateurs immobiliers sur les terres de la plaine potentiellement agricoles, ainsi que la présence d’immigrés sans ressources ni terrains pour vivre dignement, ont réduit l’étendue des terres cultivables, alors que la concurrence des produits venus de loin (métropole, Brésil, Nouvelle-Zélande, etc.) ou de près (Madagascar, La Réunion) étrangle les producteurs locaux (actuellement, 80 % des denrées alimentaires sont importées). L’on assiste ainsi, aux portes du marché de Mamoudzou ou des autres marchés de fruits et légumes de l’île, à la vente à la sauvette de produits importés, souvent sous le contrôle de réseaux parallèles, qui font concurrence aux marchands établis à l’intérieur du périmètre du marché et qui souvent doivent se résoudre à vendre à perte. Cette concurrence indue doit aussi être arrêtée, car elle fait partie des trafics qui se développent dans toute l’île et y constituent une atteinte aux droits des vendeurs légaux, créant un irrespect croissant vis-à-vis de la loi.
Un grand plan de redéveloppement de l’agriculture mahoraise est donc une première priorité pour créer de l’emploi et parvenir progressivement à une autosuffisance alimentaire. Il faut prévoir la mise en valeur des quatre zones agricoles de l’île (Nord, Sud, Centre et Petite Terre) et la création de villages agricoles, conformément aux propositions de ceux qui ont réfléchi et travaillé sur ce type de projet. Le sol de Mayotte est riche et se prête en particulier à la production de cultures vivrières (produits maraîchers, manioc, ignames, fruits, piments, pommes de terre, oignons, etc.) et même de riz et de maïs pour la consommation humaine, voire l’élevage au centre de l’île. Il faut encourager ces cultures alimentaires nécessaires pour le futur tout en revenant à certaines productions encore existantes il y a une trentaine d’années. Pour assurer une promotion et une égalité réelle, il est nécessaire de procéder à un bilan de l’attribution et de la répartition des fonds européens et nationaux. Toutes les inégalités qui ne manqueront pas d’apparaître devront être corrigées.
Le premier défi est de former ces agriculteurs du futur pour leur reconnaître un statut et les équiper pour produire. L’île ne compte qu’un lycée agricole, sous-équipé, et un seul lycée technique. Une formation de base est donc à mettre en place, accompagnée d’une aide au démarrage des exploitations et d’un soutien au décollage. Ici le principal problème est le manque de moyens financiers, car l’accompagnement bancaire fait défaut. Les stratégies sont de fait centralisées à La Réunion et les fonds européens ne sont pas réellement utilisés ou sont détournés de leur objet. Un coup de pied dans la fourmilière s’impose. Seule une autorité rétablie de l’Etat français permettra de mettre en œuvre cette politique, pour faire sauter le verrou des familles qui règnent sur les importations et la grande distribution, stimuler l’investissement et réorganiser la distribution de produits alimentaires. Beaucoup de rapports ont été écrits, mais très rarement suivis d’action. C’est cette action que je m’engage à faire démarrer, en m’appuyant sur l’esprit d’entreprise des Mahorais. La séparation entre banques de dépôt et de crédit et banques de marché favorisera ce recentrage bancaire vers la production, appuyé globalement par une politique de crédit public national.
Le second défi est celui de l’environnement. La formation et la reconnaissance du métier d’agriculteur permettront tout d’abord de réguler l’utilisation des engrais, auxquels on recourt trop souvent sans en connaître les effets indésirables. Par ailleurs, il faut lancer une politique volontariste de recyclage des déchets et d’équipement pour l’assainissement et le retraitement, tout en luttant contre le détournement des fonds alloués à cet effet. Il faut aussi valoriser le lagon, qui en subit les conséquences en aval, et favoriser les initiatives en matière de pêche et d’aquaculture.
En même temps, un schéma de développement des transports publics et des routes doit être mis en place, pour soulager les Mahorais des embouteillages quotidiens et assurer l’accès aux productions.
Les infrastructures portuaires et aéroportuaires doivent être modernisées, ainsi que les transports maritimes rapides vers la Petite-Terre, ce qui constituera un pôle d’emploi qualifié, pouvant être progressivement orienté vers des PME dans les secteurs mécanique ou numérique.
Il faut en même temps engager une lutte contre la spéculation immobilière, en imposant des appels d’offre publics dans le BTP et une évolution vers des constructions en hauteur (quelques étages) pour ne plus stériliser des terres qui pourraient être vouées à l’exploitation agricole en plaine.
La politique à mettre en œuvre à Mayotte doit donc former un tout pour tous, et non comme auparavant une dispersion des initiatives sous contrôle de quelques-uns.
II — Une stratégie pour l’éducation et le travail
Le système d’éducation doit être revu de fond en comble. On ne peut prétendre appliquer les principes et le programme national français en sachant bien que pratiquement on n’y parvient pas. L’Etat doit prendre ses responsabilités pour la promotion des jeunes dans les conditions de l’île, en y mettant les moyens nécessaires.
Le défi est double : assurer une formation de qualité dès la maternelle et le primaire, en amont, et créer les conditions pour le retour des émigrés mahorais diplômés, en aval, en abolissant le système clanique et clientéliste.
Le problème dès la maternelle est qu’il n’y a pas assez de classes ni d’enseignants. Problème d’abord physique et quantitatif : pas de toilettes dans les écoles, pas de climatisation, pas de restauration pour les enfants, absence d’infirmiers et parfois, même pas de salles de classe. Un bilan chiffré des établissements est nécessaire pour l’ensemble des communes de l’île afin d’établir un plan d’action immédiat. Les établissements doivent être systématiquement remis aux normes. Les enseignants doivent être mieux payés, astreints à une présence pour organiser des heures d’étude et de rattrapage, et laissés libres dans chaque commune d’établir un plan de formation en fonction des possibilités. Il est nécessaire de nommer, à cet effet, un responsable mahorais de l’éducation, connaissant directement les conditions nécessaires pour relever le niveau.
Un problème majeur est, bien entendu, la présence, due à l’immigration, de jusqu’à 80 % d’étrangers dans les classes, avec des élèves parlant le dialecte comorien (le shimaoré), et incapables de suivre réellement les cours en français. C’est pourquoi il faut désormais arrêter les flux migratoires aberrants, tout en créant pour les élèves étrangers déjà présents des centres d’accueil, d’intégration et d’apprentissage de notre langue. Le coût sera à court terme élevé, mais c’est la condition pour intégrer et assimiler toute une jeunesse actuellement perdue ou du moins égarée, et qui bascule dans la délinquance.
Quant au droit du travail, si Mayotte est un département français, il faut y transposer le Code du travail théoriquement applicable partout sur notre territoire. Les prestations de santé et vieillesse et les minima sociaux doivent être appliqués, tout en traquant bien entendu les abus. La transposition des 70 % du Code du travail non encore appliqués, dans les conditions de Mayotte, doit aller de pair avec le contrôle de l’immigration. Actuellement, les natifs se plaignent souvent de disposer de revenus trop élevés pour accéder aux minimas sociaux, alors que les étrangers en remplissent les conditions. Un examen rigoureux de cette situation est nécessaire, pour aboutir à un bilan chiffré réaliste permettant un ajustement justifié.
C’est cet effort d’ensemble, correspondant à la politique que je défends, qui permettra de créer les conditions pour un retour des émigrés diplômés, sans lesquels le nécessaire essor de Mayotte ne sera pas possible. Le retour des émigrés mahorais est la condition de la croissance dans l’autonomie, avec la protection de l’Etat français. Le secteur de la santé publique est, avec celui de l’éducation, exemplaire de l’effort à accomplir.
De manière générale, c’est la mise en place d’un environnement sans violence ni passe-droits, permettant aux diplômés d’exercer réellement leurs compétences à Mayotte, qui les incitera à revenir. Le Conseil départemental de l’île a mis en place une Direction des affaires scolaires et universitaires (DASU) et un Service accompagnement scolaire et partenariat éducatif (SASPE), chargés d’aider les jeunes Mahorais à poursuivre leurs études dans un territoire français ou de l’Union européenne. Le service assuré est bon et nécessaire, cependant il faudrait assurer que les bourses et les aides arrivent en temps voulu et utile aux bénéficiaires et qu’un tuteur soit affecté à chaque étudiant, dont on peut concevoir les difficultés du parcours en Europe s’il vient d’une famille modeste. Surtout, je me battrai pour que les pays européens en général et la France en particulier assurent, en coordination avec le Conseil départemental mahorais, une aide au retour et à la réinstallation à Mayotte des étudiants. Seule, évidemment, une stratégie générale de développement de l’île peut créer le cadre de cette réintégration.
III — Sauver des vies : une politique de santé publique pour demain
C’est, à la base de mon projet pour Mayotte, la volonté de sauver les vies humaines qui lui donnera sa crédibilité. Sauver les vies humaines apparaît bien sûr comme quelque chose d’évident, politiquement et moralement. Eh bien, aujourd’hui, dans l’île, malgré le dévouement de beaucoup, ce n’est pas vraiment la priorité. Les Comoriennes viennent faire naître leurs enfants à Mayotte, et s’ils reçoivent la nationalité française, ce n’est pas avec les droits sociaux et culturels qui lui sont attachés. En même temps, les natifs de Mayotte se sentent trahis car si leur situation s’est améliorée jusqu’en 1995 ou même 2003, maintenant ils se sentent noyés dans la masse et victimes d’un « retour en arrière ». C’est ce que j’entends changer, en traitant la santé publique comme la référence exemplaire.
L’on forme environ 25 infirmiers, aides-soignants et auxiliaires de puériculture par an, ce qui est déjà dérisoire, mais au moins la moitié partent ou veulent partir. Il y a environ 80 médecins titulaires, soit 14 pour 100 000 habitants, et, en tout, seulement 2000 agents travaillent dans le domaine de la santé. Un médecin peut voir entre 80 et 150 patients par jour ! Pour compléter les déficiences, on embauche des médecins « sac à dos », qui viennent pour trois ou six mois. Il n’y a pratiquement pas de référent par maladie, très peu de spécialistes (si ce n’est quelques-uns en ORL, ophtalmologie ou chirurgie viscérale). Les chambres, minuscules, contiennent jusqu’à 4 lits, accroissant le risque de contagion par maladie nosocomiale. Le centre pour prématurés n’est prévu que pour accueillir 30 nouveau-nés et il y a en tout et pour tout 12 lits disponibles en psychiatrie. Dans ces conditions, les soignants sont menacés de burn-out et les malades atteints de pathologies graves sont trop souvent condamnés, faute de diagnostic et de soins adéquats (quand ils n’ont pas les moyens d’aller accoucher ou se faire opérer en métropole ou à La Réunion), Dans une île où la situation sociale est dramatique, une telle politique de santé publique est moralement et politiquement inacceptable.
Je m’engage à faire en sorte que soient rapidement formés sur place au moins 60 infirmiers par an et que 60 locaux mahorais soient formés en France pour devenir médecins, sages-femmes, kinésithérapeutes et spécialistes, hors de la masse du numerus clausus français. Cela suppose, en amont, une sélection rigoureuse, un accueil immédiat et un tutorat systématique en France, avec une organisation du retour en aval, y compris des aides à la réinstallation, comme pour les enseignants. Evidemment, l’hôpital doit être à la hauteur, et une somme plus importante, de l’ordre de 10 millions d’euros par an, doit être affectée aux soins hospitaliers pour les non assurés sociaux.
Cette politique d’ensemble est le prix à payer pour que les Mahorais aient vraiment le sentiment qu’on les respecte et qu’on s’occupe d’eux. Même financièrement, elle comporte le bénéfice d’une vie sociale plus juste et mieux intégrée, qui entraînera une baisse du coût aujourd’hui engendré par la criminalité, les trafics, les « arrangements » et un certain laisser-aller faute de projet pour l’avenir.
IV — Une stratégie vis-à-vis de l’immigration
Il y a actuellement à Mayotte autant d’immigrés que de natifs de l’île et parmi eux, environ 40 % sont des irréguliers. C’est un lieu commun de constater que des femmes viennent accoucher dans l’île pour que leurs enfants obtiennent la nationalité française, de telle sorte que, lorsque les adultes sont expulsés, leurs enfants ne peuvent l’être. Des milliers d’adolescents restent ainsi livrés à eux-mêmes et tombent dans le désœuvrement chronique et la délinquance. Ils seraient 6000 selon la Préfecture, mais le chiffre réel atteindrait le triple. La situation est ingérable, tout le monde le sait, mais aucune initiative à la mesure du danger n’est adoptée.
Ce que je propose est d’abord de rétablir un contrôle réel de l’immigration, comme ce fut le cas entre 1975 et 1986, en procédant en particulier à la vérification des fausses résidences. Mayotte ne peut plus accueillir d’immigrés dans les conditions actuelles, dans une société où s’étendent la pénurie alimentaire pour les dépourvus, le vol, la petite délinquance et le trafic de drogue. Les bateaux des passeurs venus d’Anjouan ne peuvent bien évidemment pas être attaqués ou détruits lorsqu’ils ont des immigrés à bord, mais ils doivent être systématiquement arraisonnés et détruits lorsqu’ils repartent vers Anjouan. Je suis également favorable, dans ces conditions exceptionnelles d’urgence, à une suspension du droit du sol à Mayotte, car on ne mesure pas, depuis la métropole, combien croît le ressentiment des natifs de l’île vis-à-vis d’immigrés « opportunistes », de plus en plus perçus comme des adversaires dans une lutte pour la survie.
Bien évidemment, une politique répressive, bien qu’absolument nécessaire, ne peut suffire. D’une part, le développement rapide des productions alimentaires doit permettre d’accroître la capacité d’accueil, empêchant que la situation actuelle dégénère. D’autre part, la France doit effectuer à la fois des pressions diplomatiques sur les dirigeants des Comores pour qu’ils contrôlent l’émigration et, surtout, établir un cahier de charges sur l’aide fournie à leurs territoires. L’on sait l’ampleur des détournements, et l’on doit arrêter de fermer les yeux. A plus large échelle, le gouvernement français devra réorienter sa politique internationale en faveur des BRICS et du projet chinois gagnant-gagnant des Nouvelles routes de la soie, qui sont une opportunité historique d’industrialiser l’Afrique et de recréer un environnement de développement autour de Mayotte et La Réunion. Une politique audacieuse, généreuse mais aussi sans faiblesse doit ainsi être adoptée à la dimension de l’archipel.
Conclusion : faire sauter le verrouillage politique
Le projet que je présente resterait un ensemble de belles paroles venues de métropole s’il ne rencontrait des responsables mahorais pour prendre à cœur leur futur. C’est à eux de décider, dans le cadre d’une autonomie à mettre en place, l’indépendance et la « départementalisation » à la mode actuelle ne pouvant, l’une comme l’autre, que conduire à la régression et finalement au désastre. Ce que doit faire un président de la République, ce que je m’engage à faire, c’est leur fournir les moyens de mener à bien ce projet. L’Etat, notre Etat français, doit avoir pour mission de protéger ceux qui prennent des responsabilités pour devenir des hommes politiques dignes de ce nom, servant leur communauté, et non continuer ses compromis avec des cliques de trafiquants, légaux ou pas. La République ne doit plus permettre, par exemple, que la taxe parafiscale sur les boissons, destinée à promouvoir l’emploi, soit détournée de son objet. Il ne doit plus permettre qu’une entreprise de travaux publics, s’étant arrogé de fait le monopole des routes littorales, bloque la nécessaire politique de protection de l’environnement, de traitement des déchets et de désengorgement du trafic routier.
Un symbole fort doit frapper les esprits, pour devenir la piste de décollage du projet d’ensemble. Pour cela, la France doit s’améliorer elle-même pour améliorer Mayotte ou ses collectivités publiques d’outre-mer. C’est ce à quoi je m’engage.
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