La France avec les yeux du futur

Sortir de la dictature financière par une entente entre nations souveraines

vendredi 3 mai 2019

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Lors d’une réunion organisée par l’Union nationale citoyenne (UNC), le 16 avril, Jacques Cheminade a exposé sa vision de l’Europe.



Intervention de Jacques Cheminade :

Je suis Français, je suis de cette France dont la grandeur s’accorde à la liberté du monde. Je suis souverainiste, car il ne peut y avoir d’autre souveraineté que nationale. Je suis bien sûr européen, étant donné que nous faisons partie de cette civilisation européenne dont la France a toujours été une partie essentielle. C’est pourquoi je suis pour une sortie de l’Union européenne qui n’est pas l’Europe, pour une sortie de l’OTAN qui est la queue de comète de la Guerre froide, et pour une sortie de l’euro, courroie de transmission vers le marché mondial, vers le monde de la City et de Wall Street. Je suis cependant convaincu qu’on ne peut pas sauter dans le vide en espérant qu’un repli national sans autre forme de procès soit la recette magique.

Les rapports de force sont ce qu’ils sont. Il y a en Europe une imbrication des chaînes de production et des grandes banques, sous la tutelle des faux monnayeurs de la Banque centrale européenne, et une accoutumance des peuples, y compris le nôtre, dont les ennemis manipulent les peurs en leur vendant l’illusion que l’Union européenne et l’euro auraient la responsabilité de les protéger.

Alors, si rester est une abdication nationale et sortir seul serait prendre un risque politique irresponsable, comment sortir rapidement du dilemme ? En passant à un ordre supérieur, celui de cette « cathédrale européenne » que Charles de Gaulle voulait bâtir, avec une Europe des Etats. En se battant contre cette dictature financière supranationale devant laquelle François Mitterrand se soumit, lui, consciemment. En nous battant, nous, au nom d’un grand dessein et de projets pour une alliance de Républiques souveraines retrouvant le fondement même de leur souveraineté, la souveraineté monétaire. Je l’ai dit dès 1986, au moment du vote de l’Acte unique européen : acte unique, acte inique.

Le viol d’Europe

En 2013, dans Le viol d’Europe, Robert Salais a bien montré le vice constitutif de l’Union européenne, la libéralisation financière contre l’Etat nation. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au bout de la bataille.

Sortir de cette libéralisation financière, dont l’Union européenne est le relais, est donc notre défi majeur et immédiat. Quand l’oligarchie financière est aux manettes de la politique monétaire commune, il faut concevoir et mener la meilleure politique possible, en notre propre sein et entre les peuples, pour mettre fin à son ordre destructeur. George Boris, le conseiller financier de la France libre à Londres et l’ami et conseiller de Pierre Mendès-France, disait :

Si l’Etat ne contrôle pas la monnaie, c’est la monnaie qui contrôle l’Etat. (…) C’est en dirigeant la monnaie et non en se laissant diriger par elle qu’un remède peut être apporté aux grands maux dont nous souffrons.

Plus directement, dans Les jours heureux, le programme du Conseil national de la Résistance :

Promouvoir une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général (…). Instaurer une véritable démocratie économique et sociale implique l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie.

C’est au nom de cela et des conséquences destructrices de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN que l’on doit construire autre chose, au service de l’homme.

Souveraineté monétaire

Le défi est de faire comprendre à nos concitoyens et à nos partenaires l’intérêt de sortir de notre prison commune, en leur montrant (…) que la question fondamentale est : qui domine la monnaie et le crédit, qui tient le robinet de l’argent ? En leur faisant comprendre notre projet : rendre l’émission d’argent et de crédit au peuple et à l’Etat souverains. Un Etat-nation sous tutelle financière n’est pas un Etat souverain.

Cela implique de ne plus être soumis à l’article 123 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et d’abroger nos lois du 4 août 1993 et du 12 mai 1998. Car la première interdit à la Banque de France « d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics » et la seconde interdit « au Gouverneur[de la BdF] et aux membres du Conseil de solliciter ou d’accepter des instructions du gouvernement ou de toute autre personne. »

Pour mettre en place une vraie Banque nationale, et non une banque centrale comme c’est le cas actuellement, qui exerce le monopole de l’émission de monnaie-crédit, il faut se débarrasser de ce corset soi-disant libéral qui est l’armature des marchés. Une Banque nationale, pilotée par un conseil du crédit sous contrôle citoyen de représentants du peuple, source de crédit pour les infrastructures physiques et humaines et le développement de nos productions, est le pilier indispensable à notre souveraineté et au bien commun. Cette nécessité sera comprise si on montre à nos concitoyens, par contraste, où conduit le système actuel en Europe :

  1. Gonflement du stock de liquidités des banques centrales, qui ont sauvé le système financier occidental en enrichissant les riches avec de la morphine monétaire ;
  2. Augmentation de la dette publique tombée aux mains des mégabanques ;
  3. Evolution de la dette de l’Etat prisonnier de l’Europe des banquiers ;
  4. Tassement des investissements ;
  5. Baisse de la part des salaires ;
  6. Ce sont les ménages les plus modestes qui sont frappés. Pas de ruissellement européen.

Crédit national et démocratique

La nouvelle Banque de France, émettant ce que Jaurès appelait déjà le « crédit national et démocratique » et de Gaulle, en 1945, le fondement de l’économie dirigée, est le fondement de la souveraineté, pourvu que l’on investisse dans tous les domaines de pointe de la création humaine. L’Union européenne interdit ce pari sur l’avenir, c’est pourquoi il faut en sortir. Ainsi présentée, nos concitoyens seront convaincus de sa nécessité, pourvu que des femmes et des hommes de caractère suscitent leur confiance, et je crois que nous sommes ici pour ça.

Cependant, nous l’avons vu, la France ne peut le faire seule. Elle doit convaincre ses partenaires qu’une Europe des Etats, à géométrie variable, pourra être, non plus le cheval de Troie de la mondialisation financière mais la locomotive de la reprise mondiale.

Cela suppose deux choses :

  1. Avec nos partenaires européens, du moins ceux qui le veulent, la perspective même d’une Europe d’Etats, compatibles de par leur histoire et leur développement, sans fédérateur extérieur. L’heure est venue de sortir du berceau atlantiste, autant que du berceau terrestre pour servir les objectifs communs de l’humanité dans une grande politique spatiale. Là d’ailleurs, l’Agence spatiale européenne, avec ses moyens limités mais rassemblant sans bureaucratie les Etats qui la composent, fait une bonne politique qui pourrait être un modèle pour une Europe des Etats.

    Cette Alliance pourrait s’apparenter à un nouveau Plan Fouchet, notamment celui retouché en 1962 par le général de Gaulle (Fouchet II). Il comprenait un Conseil des chefs d’Etat, statuant à l’unanimité, trois Comités de ministres (Défense, Affaires étrangères et Education nationale), une Assemblée parlementaire européenne consultative et une Commission politique composée de hauts fonctionnaires de l’Administration des Affaires étrangères des Etats membres. De Gaulle y avait adjoint la politique économique. Il ne s’agit pas de calquer un modèle, mais de partir d’associations de souverainetés avec de grands projets communs, investissant dans l’économie physique, et non, comme avec l’Union européenne, d’une monnaie sous tutelle financière supranationale. Une plateforme commune impliquant tous les domaines de développement mutuel devra être construite, rassemblant tous les éléments, physiques et humains, de grands projets d’un intérêt mutuel. (Voir nos propositions ci-dessous.)

  2. Le monde étant devenu ce qu’avait prévu l’esprit visionnaire d’un De Gaulle (mais pas seulement de lui), nos partenaires ne peuvent se limiter à ceux de l’Europe occidentale. Une France souveraine et une Europe des Etats ne peuvent se bâtir qu’autour de grands projets d’infrastructure, de l’Atlantique à l’Oural et désormais à la Mer de Chine, sans angélisme ni atlantisme. L’idée sous-jacente est de parvenir à construire un Pont terrestre mondial, métaphore d’un développement mutuel dont la France devrait être inspiratrice, médiatrice et catalyseur. C’est notre chance à saisir, car l’histoire ne repasse jamais les plats.

Conclusion

Cependant, étant donné l’état d’abdication nationale de nos élites, on peut considérer qu’elles ne saisiront pas cette chance. Faut-il donc désespérer ? C’est ce que, de fuite en arrière en fuite en avant, beaucoup sont tentés de faire. Pas nous.

Nous avons deux grands alliés : le tsunami financier qui vient, qui bouleversera l’ordre des choses et imposera un changement de règle du jeu, pour le meilleur ou pour le pire. Voyons déjà, par exemple, les signes divergents venus d’Italie, entre rejet de l’autre et juste combat pour la vraie séparation bancaire, face à laquelle Macron s’est dérobé en 2013. Et, second allié, le mouvement des Gilets jaunes, et aussi les parents qui se rendent compte que le système scolaire ne fonctionne plus et que l’ascenseur social devient descenseur. Nous avons avec nous un grand mouvement pour la justice sociale et la souveraineté de la France. (…)

C’est pourquoi, de cette Union des Etats désunis d’Europe, plus encore que d’en sortir, nous devons nous battre pour la dissoudre en faisant mieux.


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