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Stratégie

mardi 28 janvier 2014

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L’édito de Jacques Cheminade

Un bref examen de la situation dans le monde, en Europe et en France suffit à faire comprendre qu’un changement d’orientation politique est devenu un enjeu vital. Le défi n’est plus d’engager telle ou telle réforme tactique mais de mettre en œuvre une stratégie nouvelle.

A l’échelle du monde, l’affrontement entre le secteur transatlantique, c’est-à-dire l’Europe et les Etats-Unis, et le secteur oriental, c’est-à-dire essentiellement la Russie et la Chine, devient de plus en plus frontal. La situation au Proche-Orient ne cesse de s’aggraver, faute de projet de paix par le développement mutuel à l’échelle de toute la région. En Ukraine, les intérêts anglo-américains attisent le feu, relayés par de nombreux médias occidentaux. Des groupes fascistes et néo-nazis, comme Svoboda ou Spilnya Sprava, ont déclenché une violence urbaine qui menace à tout instant de dégénérer. Alors que majorité et opposition sont rongées par la corruption, des porteurs de torches enflammées circulent autour de tonneaux de poudre.
Dans les deux cas, Asie du Sud-Ouest et Europe orientale, une guerre peut naître à partir d’une étincelle, comme en 1914, sauf que cette fois tout se passe à l’échelle du monde et plus seulement de l’Europe, et que dans ce monde, l’Europe et les Etats-Unis sont entre les mains d’une oligarchie financière destructrice bien pire que celle du début du XXe siècle. C’est elle qui mène une politique de fuite en avant, pariant sur le chaos pour conserver son pouvoir.

Cependant, cette oligarchie est incapable de contrôler ce chaos qu’elle engendre, car le système monétaire et financier sous-jacent à son pouvoir est en voie d’effondrement. L’émission constante de monnaie, comme la pratique la Réserve fédérale américaine pour sauver les établissements financiers, ne peut indéfiniment continuer sans déclencher une inflation prédatrice. Mais si cette émission cesse, même progressivement, les pays ayant besoin d’emprunter pour financer le déficit de leurs comptes courants verront leur économie s’effondrer, comme c’est maintenant le cas en Argentine, au Brésil, en Inde et en Indonésie. Le reflux des capitaux les frappe de plein fouet. Ainsi se conjuguent le risque d’une hyperinflation finale, lorsque tombera le mur entre économie monétaire et économie physique, et celui d’une déflation qui se poursuivra jusque-là, sous le garrot des politiques d’austérité. Si l’on ne peut dire l’heure à laquelle se produira le choc, on peut affirmer que la catastrophe est très proche si l’on ne sort pas du système.

Or la politique de François Hollande, en espérant qu’une baisse des coûts du travail entraînera une reprise, ne peut qu’accélérer le mouvement du pendule. C’est une politique « normale » à la Tony Blair ou à la Harold Wilson. Préfasciste ? Ce que proposent ses critiques de droite est de faire pire. Nicolas Baverez brandit l’utopie du malade devenu mourant faute d’avoir subi une saignée et un « modéré » comme Alain Lambert, ancien ministre du Budget de Jean-Pierre Raffarin, en vient à écrire qu’« il ne faut pas exclure qu’une solution militaire soit indispensable pour épauler un pouvoir politique submergé ». Les manifestants du Jour de colère ne sont que les premières troupes de choc de ce qui se prépare.

L’engrenage est ainsi en place. Beaucoup en sont plus ou moins conscients, mais un grand nombre pense qu’une telle évolution est fatale et qu’« on n’y peut rien ». Ils ne veulent pas s’apercevoir que leur pessimisme est induit par des médias et des jeux qui entretiennent la passivité et la désocialisation politique.

Il est plus que temps de réagir. Une stratégie qui s’arrache à la gestion du présent et se fonde sur ce qui est nécessaire pour le futur est vitale. Sans quoi les « aubes dorées » accouchées par des troïkas cravatées ne seront pas seulement réservées à la Grèce.


L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.


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