Le mercredi 16 novembre à 19h30, lors de son rendez-vous mensuel avec les Français, Jacques Cheminade interviendra sur le thème « L’Amérique et nous ».
Afin de vous aider à formuler vos questions, voici en prélude une courte vidéo où le candidat précise le projet qu’il faut offrir de toute urgence à la saine colère qui, par défaut de mieux, à porté Trump au pouvoir aux Etats-Unis et peut nous réserver quelques surprises en France…
Question : Que faut-il retenir de ces élections américaines ?
Jacques Cheminade : Il s’agit d’une véritable insurrection électorale, contre le monde de l’argent, contre les féodalités financières, contre l’élite qui s’est enrichie grâce à une mondialisation dévoyée. Hillary Clinton a perdu, parce qu’elle s’est détruite elle-même. Elle a été perçue comme la candidate de Wall Street, la candidate des milieux corrompus de Washington. Elle l’a été dans toute sa carrière, avec son arrivisme, ses manipulations, ses trafics d’influence, son soutien aux Frères musulmans, celui qu’elle a apporté à Sarkozy et à Cameron pour les opérations en Libye. Elle a été vue comme étant tout cela, et rejetée.
Voilà la première chose importante dans ces élections. La deuxième, c’est qu’il y a eu 46,5 % d’abstention. C’est ce que l’on n’a pas assez dit. Ce sont en grande partie les électeurs de Bernie Sanders qui ne sont pas allés voter en se disant : « En notre âme et conscience, on ne peut pas mettre dans l’urne un bulletin en faveur de cette femme. »
Et enfin, c’est l’échec absolu des médias et des sondeurs, qui tous avaient prévu la victoire d’Hillary Clinton. C’est l’incompétence des milieux politiques français qui, tous, ne connaissant pas l’histoire des États-Unis, avaient prédit en chœur la victoire d’Hillary Clinton. Sauf peut-être Marine Le Pen, mais où sommes-nous tombés si Marine Le Pen a plus d’intelligence politique que le reste des hommes et des femmes politiques français ?
Pourquoi Donald Trump a-t-il gagné ?
Imaginez un homme qui débarque à Flint, dans le Michigan, et qui dit aux gens : « On a détruit votre industrie, vous avez bu de l’eau polluée pendant des années. Moi je vais résoudre tout cela, je vais intervenir, on va reconstruire les infrastructures et je vais vous donner de bons salaires. Je ne laisserai plus partir nos industries au Mexique. » Eh bien, cet homme devient populaire, alors qu’Hillary Clinton, elle, est restée dans son milieu ; elle n’est même pas allée dans le Wisconsin, en se disant que cet Etat a toujours voté démocrate... Eh bien, cette fois-ci, le Wisconsin a voté Trump ! Voilà pourquoi il a gagné. Il a dit : ni TPP, ni TAFTA, aucun de ces traités de libre-échange, moi je défendrai les États-Unis. Et les gens l’ont cru – ou peut-être pas, mais ils se sont dit « mieux vaut cela qu’Hillary Clinton, puis on montrera qu’on est capable de dire, comme on dirait en français, ’merde’ aux gens en place ! » Et ce vote exprime cela, il exprime cette insurrection contre les gens en place.
On a vu aussi Trump parler d’infrastructures et de baisses d’impôts pour les moins favorisés et les classes moyennes, bref, on a vu une politique qui a semblé plus claire, plus directe que celle d’Hillary Clinton. Et toutes les erreurs, les erreurs vraiment incroyables commises par la campagne de Trump, on est passé au-dessus, on a quand même voté pour lui, pour rejeter l’autre option.
Que nous réserve l’avenir ?
Si l’on suit le programme de Trump, il nous permettra à court terme d’avoir une période de calme relatif en politique internationale, puisqu’il a dit qu’il ne mènerait pas une politique va-t-en guerre vis-à-vis de la Russie. Maintenant, en ce qui concerne les problèmes économiques, dans le courant de Trump, il y a à boire et à manger… C’est une sorte de synthèse de tout et son contraire : on fait des infrastructures, on réduit les impôts. En même temps, on veut construire un mur à la frontière avec le Mexique. On prévoit des taxes de 45 % sur certains produits chinois et l’on veut annuler le traité avec l’Iran. Bref, c’est un collage. Mais un collage qui a paru attirant parce qu’il semblait correspondre à une politique d’intérêt commun pour les Américains. A tort ou a raison – à tort, selon moi !
Prenons un exemple frappant : Trump a dit, dans son discours prononcé à Charlotte : « Je ferai la séparation bancaire – ce que Hollande n’a pas été capable de faire – j’appliquerai le Glass-Steagall. »
Il avait dit le contraire un an auparavant. Peut-on faire confiance à un tel homme ? Non. Nos amis américains feront pression et sur les démocrates et sur les républicains, qui tous avaient mis ce Glass-Steagall, cette séparation bancaire à leur programme, pour qu’ils tiennent leur promesse. Ils leur diront : faites-le, sans quoi vous aurez menti au peuple américain.
C’est ce que doivent faire nos amis américains. Car si l’on veut des infrastructures, si l’on veut faire une grande politique de développement, augmenter les salaires, si l’on veut faire une politique favorisant le peuple et les classes moyennes, il faut un choix économique qui lui corresponde : la séparation bancaire, une politique de banque nationale, de crédit public, il faut les technologies les plus avancées, notamment dans le domaine de l’énergie. On ne peut pas faire tout et n’importe quoi : avec Trump, on ferait à la fois le nucléaire le plus avancé, les éoliennes, le gaz et le pétrole de schiste ! C’est une espèce d’amalgame qui n’a aucun sens. Il n’y a pas de principe directeur qui serait la base d’une politique d’unité nationale. Quel que soit le président élu, il doit faire une politique dans l’intérêt du peuple américain.
C’est cela qui est essentiel et pour cette politique là, il faut évidemment une culture de l’avenir, du futur, et aujourd’hui aux Etats-Unis on assiste dans l’enseignement, a une véritable destruction des capacités créatrices des enfants et des jeunes et il faut rétablir un sens de l’avenir, du futur, pour lequel se battront nos amis américains.
Quelles conséquences pour la France ?
Il y a aux Etats-Unis des gens, les partisans de Lyndon LaRouche, qui combattent pour une politique allant dans l’intérêt du peuple américain. Il y a de nombreux démocrates qui l’attendent, et aussi quelques républicains. Il s’agit de remettre les États-Unis dans l’orientation des Pères fondateurs et nous, en France, devons les soutenir.
Comment ? En disant que l’avenir de la France réclame aussi cette séparation bancaire. Hollande ne l’a pas faite et ce fut le début du désastre de sa présidence. Il faut cette séparation bancaire pour pouvoir faire du crédit public, des grands projets européens, et pour cela, sortir de l’Europe telle qu’elle est, de l’euro tel qu’il est, et rebâtir une autre Europe liée à ce que les Chinois entreprennent avec la Nouvelle Route de la soie, avec ce que les Russes font pour un plan Marshall pour le Proche et Moyen-Orient, et entraîner aussi les États-Unis dans cela.
Il faut que le monde entier s’engage dans ce projet pour une politique de l’espace, pour le développement de l’Afrique, pour une grande politique de la mer – pour les intérêts communs de l’humanité. La France doit en être la représentante. Pour cela, il faut qu’on nous croie, que les Français croient ceux qui entreprennent cette politique.
Il faut une sécurité nationale, reprendre notre souveraineté sur la monnaie et le crédit pour pouvoir financer des grands travaux ; il faut une sécurité sociale, la justice sociale, il faut sauver l’hôpital public qu’on laisse partir... Il faut une politique de sécurité de l’emploi, créer de l’emploi qualifié, penser comment réhabiliter notre filière de la formation et de l’enseignement professionnels. Il faut aussi la sécurité culturelle, une véritable culture développant les capacités créatrices de l’être humain, attentive à ce que les enfants peuvent apporter, découvrir, comprendre. Une politique où se crée un sens du collectif. J’avais parlé du chant choral, et nos amis américains promeuvent eux aussi cette approche.
Enfin, une politique de sécurité publique. Les gens veulent savoir s’ils sont libres d’aller et venir. On doit lutter contre le terrorisme, non pas d’une façon séparée du reste, mais formant un tout avec l’ensemble.
Alors, dans ces conditions, l’objectif que doit représenter la France, ce que de Gaulle appelait la cause de l’humanité, c’est une politique de détente, d’entente et de coopération avec tous les autres pays du monde, un système qui devienne peu à peu gagnant/gagnant, avec les moyens de le financer, et pas une géopolitique qui oppose les uns aux autres.
Voilà ce qu’on devrait dire à une présidentielle, au lieu de s’occuper de M. Bayrou, de quelques pourcents de TVA ou de je ne sais quoi encore, qui sont des questions d’une certaine importance, mais tout de même secondaires au regard des défis de l’histoire.