- I - Une armée professionnelle entourée de conscrits
- II - Les principes de refondation de notre stratégie militaire
- III - Les conséquences immédiates à en tirer pour notre politique militaire
- IV - A l’avant-garde technologique pour assurer notre indépendance
- V - Projections en territoire étranger et renseignement militaire
- VI - Faire face au manque généralisé de moyens
- VII - Rétablir le lien Armée-Nation : nouvelle conscription, réserve, défense opérationnelle du (...)
- VIII - Le défi
Nous vivons sous une menace de guerre, provoquée par une oligarchie financière incapable d’assurer la production de ressources nécessaire à l’avenir de l’humanité. Pour conserver son pouvoir dans ces conditions, elle promeut une politique de dépopulation et des conflits de civilisations et de cultures qui peuvent à tout moment dégénérer. Au XXe siècle, le principal danger venait de la zone d’instabilité des Balkans ; aujourd’hui, il s’est déplacé vers un arc de crise allant de la Libye jusqu’au Pakistan. C’est face à ce risque que nous devons être prêts, politiquement et militairement. Pour commencer, en revenant aux fondamentaux qui nous permettront de définir nos choix de stratégie en fonction des réalités de l’époque, et non d’un suivisme autodestructeur ou de prétentions illusoires.
L’Armée est la colonne vertébrale de la nation. Elle doit être une Armée de citoyens, garante de l’intérêt supérieur de la République, c’est-à-dire de son indépendance, de ses libertés publiques et de son édification.
Qui plus est, l’effort militaire, pourvu qu’il soit orienté vers l’apport et l’exploitation de découvertes scientifiques, revêt dans son principe une importance essentielle pour la recherche et l’économie. Il est à la fois socle et fil de l’épée. Tel que je le conçois, il est par sa nature même antagoniste à toute dérive bureaucratique et au contraire, levier d’un renouvellement technologique et d’amélioration de la qualification du travail.
Ainsi, intégrée dans une vision d’ensemble et ancrée dans le peuple, l’Armée pourra être à la fois catalyseur du sentiment national et facteur de paix par la dissuasion. Étant, par nature, vouée à la défense réelle de l’intérêt national, elle sera dans sa constitution même, opposée à l’empire financier britannique et anglo-américain.
I - Une armée professionnelle entourée de conscrits
Elle ne peut aujourd’hui que revêtir en son cœur la forme d’une armée professionnelle, seule en mesure de maîtriser l’application de principes physiques nouveaux suivant les nécessités de l’époque. Cependant, ce n’est qu’intimement plongée dans le corps de la nation, c’est-à-dire entourée de conscrits, qu’elle pourra échapper à toute tentation d’enfermement corporatiste ou à toute velléité d’abandon par l’État. C’est pourquoi chaque Français et chaque Française sans exception doit se trouver systématiquement sensibilisé à ses objectifs, initié à ses règles de fonctionnement et intégré à ses tâches au cours d’une période de conscription, associée à un service civique obligatoire d’une durée de six mois.
Ce sera ma première bataille : on invoque le coût excessif d’une telle décision, en l’imaginant comme un retour en arrière, mais il s’agira au contraire d’un pas vers l’avant, impliquant un changement du rapport de nos jeunes et de nos militaires avec ce que peut être la défense d’une nation et d’un ordre mondial juste au XXIe siècle. Ils situeront ainsi leur tâche dans la double dimension de la connaissance de ce que nous avons apporté au monde dans notre passé et de ce que nous devons lui apporter à l’avenir. Il y a beaucoup à faire et je m’efforcerai de l’inspirer.
Le citoyen d’un pays libre, républicain et démocratique, est fort, non de ses moyens physiques ou de son attirail de guerre, mais des armes de la connaissance appliquées au combat. Sa supériorité par rapport au sujet d’un empire, mercenaire de sa cause, tient à sa capacité de faire face à des défis inattendus en recourant aux moyens scientifiques et technologiques de défense les plus avancés, en innovant pour dissuader.
Ce n’est plus le cas depuis une trentaine d’années. Notre pays, dépourvu d’inspiration nationale, ne perçoit plus clairement la légitimité de sa propre défense.
Dans notre politique comme dans le déploiement de nos forces, nous sommes à la remorque du modèle impérial britannique et anglo-américain. Les déploiements hors zone se multiplient, le mercenariat progresse et la défense du territoire n’est plus l’objectif premier.
Mon projet vise à arrêter cette dérive.
II - Les principes de refondation de notre stratégie militaire
- Cette stratégie doit servir un nouvel ordre international fondé sur la paix par le développement mutuel entre peuples et nations, et non la domination d’un empire financier mettant sous protectorat ceux qui refusent de payer la dette illégitime qui leur a été infligée ou de brader leur patrimoine. L’ennemi n’est pas tel ou tel pays, mais la politique de la City, de Wall Street et de leurs collaborateurs. L’ordre actuel de l’oligarchie financière britannique, du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce et de l’OTAN mène inéluctablement à un affrontement mondial, car il est devenu incapable de créer les ressources permettant un développement mutuel. La France et son armée doivent participer à l’alternative.
- Nous devons donc organiser notre armée à l’opposé de l’ordre impérial. Cela signifie que la priorité est la défense du territoire, avec d’une part les moyens les plus avancés de l’époque, fondés sur la composante professionnelle et déployés partout pour dissuader, et d’autre part, une armée de milice organisée sur le territoire national, formée et prête à se mobiliser face aux dangers extérieurs.
Je préconise d’abandonner définitivement l’illusion d’une « projection massive hors zone ». Outrepassant les moyens de la France, qui ne peut disposer des cargos aériens et maritimes nécessaires ni maîtriser l’espace aérien au lieu d’application terrestre d’une telle entreprise, elle s’insère donc fatalement dans des opérations de grande envergure où nous jouons un rôle mineur en servant des objectifs étrangers. Que nous ont apporté notre intervention en Afghanistan et notre contribution à la destruction de l’Irak, lors de la première guerre du Golfe, notre intervention sous contrôle anglo-américain en Bosnie ou notre participation à la guerre du Kosovo ? Pouvons-nous nous flatter, par notre intervention en Libye, d’avoir participé à des assassinats ciblés et contribué à mettre un pays à feu et à sang, en répandant des armes dans toute la région saharienne et sahélienne de l’Afrique ? Entendons-nous réellement servir la loi de la jungle de l’oligarchie financière en participant, en associé mineur, à ses opérations de police ?
Ma réponse est « non ». Nous ne devrions jamais être un État croupion, mercenaire armé d’entreprises financières visant des objectifs étrangers aux intérêts de la France. - Dans la situation actuelle, d’une extrême gravité, je décréterai une mobilisation des énergies nationales face au danger. Pour mener une guerre vraiment utile, la guerre au sous-développement, je ferai appel à nos ingénieurs militaires qui, avec des ingénieurs civils, pourront participer à des grands travaux en Afrique, comme la remise en eau du lac Tchad. Je ferai interrompre nos déploiements militaires dans des conflits où nous n’avons rien à faire, pour que plusieurs centaines de nos soldats puissent participer eux aussi, avec l’accord des autorités africaines, à ces grands travaux. L’afflux d’armes en Afrique après notre intervention en Libye ayant rendu la situation très instable, nos soldats seront aussi chargés, avec leurs collègues africains, de protéger ces projets. Nous ne procéderons pas d’en haut, comme la Banque mondiale ou diverses institutions bancaires plus ou moins intéressées et plus ou moins bureaucratiques, mais en incorporant les populations aux projets. Je connais de jeunes capitaines et colonels africains, écœurés par la corruption dominante et prêts à servir leurs populations, qui se mobiliseront dans l’aventure. Pas de théâtres de guerre hors zone, rappelant les opérations en Algérie, mais une mobilisation pour éradiquer la misère et ouvrir des écoles et des hôpitaux !
- Dans ce contexte, notre budget de défense doit être considéré non pas comme un mal nécessaire ou une charge financière, mais comme un fer de lance. Si des dépenses militaires répliquant une technologie donnée sont bien une charge, celles promouvant des découvertes, des inventions et des innovations appliquées à la défense sont au contraire vecteur de croissance économique, à condition d’aménager de constantes passerelles entre le militaire et le civil, et qu’elles débouchent systématiquement sur des « retombées de productivité ».
Aujourd’hui, le « secteur militaro-industriel » doit être associé au grand dessein de développement infrastructurel de notre politique nationale et internationale, ainsi qu’à une politique d’exploration spatiale rassemblant une communauté internationale d’États souverains. C’est dire que le militaire doit être nécessairement lié à une mobilisation technologique d’ensemble et en profondeur de toute l’économie nationale. Dans ce contexte, les entreprises d’armement ont un formidable potentiel intellectuel sous-exploité. Il faut le mobiliser dans le civil, avec des moyens de crédit public, en l’orientant vers l’application de principes physiques nouveaux. Ainsi, ce potentiel appliqué contribuerait à obtenir de forts gains de productivité, tout en mobilisant les jeunes Français dans une grande entreprise technologique, une grande aventure commune permettant de rétablir la notion de « devoir civique », dans un esprit de co-développement et sans amertume sociale.
Depuis la chute du mur de Berlin, toute notre classe politique sans exception considère que « l’adaptation de l’outil militaire » se fera d’abord en amputant les budgets. Aucune réflexion en profondeur n’a été effectuée sur la nature de l’ennemi, de nouvelles menaces éventuelles et la réorientation du militaire vers le service d’objectifs communs de l’humanité. On a extrapolé en réduisant les moyens. Je propose d’anticiper pour faire face aux menaces réelles. - Une vision à long terme doit être ainsi et dès maintenant incorporée dans la définition de notre politique. Nous devons ainsi saisir la proposition faite par l’ambassadeur de Russie auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine, de participer à la création d’une Initiative de défense terrestre (IDT), visant à défendre notre planète contre les dangers humains et naturels. Il s’agit d’une part d’assurer, en connexion avec les principaux pays du monde et sous la supervision des Nations unies, le positionnement de satellites dotés d’armes à laser ou à énergie dirigée, susceptibles d’arrêter au cours de leur trajectoire les missiles porteurs d’armes nucléaires. En même temps, un autre dispositif commun de satellites organiserait une veille climatique (prévision de cyclones, tornades, tremblements de terre, etc.) et une veille sur les corps célestes susceptibles de menacer la terre.
Actuellement, le système solaire s’engage dans une région de notre galaxie caractérisée, selon nos connaissances historiques, par des périodes de fortes perturbations sur Terre. Il est temps que la protection contre les conséquences d’une telle situation mobilise les énergies de toute l’humanité, ce qui, bien évidemment, ne sera possible que dans la perspective d’un nouvel ordre économique et monétaire international que je défends, fondé sur une politique coordonnée de crédit productif public à l’échelle internationale. - A l’intérieur de notre pays, la tendance à une privatisation des fonctions militaires doit être arrêtée net. Il est par exemple scandaleux que la sécurité de bâtiments militaires soit assurée par des sociétés privées.
- Notre politique militaire ainsi définie ne peut bien entendu être lancée sans alliés ni mutations économiques. Autrement, dans les contraintes financières actuelles et au sein de l’Europe de l’euro, elle conduirait à notre ruine. Il faut donc lever ces contraintes en donnant au projet un levier national, européen et mondial (cf. mes sections Ma politique étrangère pour le grand chantier de demain et L’euro est mort, vive l’Europe des patries et des projets). Il s’inscrit dans la perspective d’un Pont terrestre eurasiatique, de l’Atlantique à la mer de Chine, intégrant l’Europe occidentale au développement à venir de la zone Pacifique. Faute de s’y appliquer, toute politique militaire n’aurait plus aucun sens : ce serait comme tenter de construire une forteresse sur du sable. Comment pourrions-nous organiser notre défense si l’hypothèse de départ continue à reposer sur notre complaisance économique et politique vis-à-vis de l’oligarchie anglo-américaine et de notre propre synarchie financière ?
III - Les conséquences immédiates à en tirer pour notre politique militaire
- Le retrait sous trois mois de nos troupes d’Afghanistan. Nous n’avons rien à faire dans cette guerre qui a perdu tout sens militaire et humanitaire (si elle en a jamais eu un) et qui ne pourra jamais être gagnée, car les forces de l’opération Enduring Freedom sont perçues comme des forces d’occupation. Il est honteux qu’autour de nos soldats aient prospéré la culture et le trafic de drogue dans tout le pays, il est honteux qu’ils aient été mal équipés sur le terrain jusqu’à devoir compenser avec leur propre argent ce dont ils n’avaient pas été pourvus. C’est le type même de « projection sur un théâtre de guerre extérieur » à laquelle nous n’aurions jamais dû participer.
- Le réexamen du déploiement de nos soldats dans des opérations extérieures (OPEX). L’intervention en Libye nous a conduits à impliquer nos commandos d’opérations spéciales dans des pratiques de mercenariat incompatibles avec notre sens de l’honneur militaire. L’assassinat de Mouammar Kadhafi, indépendamment de tout jugement politique à son égard, et les opérations de représailles engagées par les insurgés ne peuvent être considérés comme les œufs qu’il faut casser pour faire la proverbiale omelette, mais comme des crimes de guerre auxquels nous avons, directement et indirectement, participé. Déjà, en Côte d’Ivoire, l’opération Licorne a couvert des actes qu’elle n’aurait jamais dû couvrir. L’on ne peut plus soumettre nos soldats à ce type d’environnement induisant des comportements dont l’exemple passé de nos guerres coloniales aurait dû aujourd’hui nous prémunir.
- Revenir sur l’accord Sarkozy-Cameron passé avec la Grande-Bretagne en novembre 2009. La France a proclamé son intention de coordonner sa politique militaire avec celle de la Grande Bretagne, si étroitement que l’on pourrait parler d’une quasi-fusion de nos armées, ou du moins d’une renaissance de l’Entente cordiale passée à la veille de la Première Guerre mondiale et qui joua un rôle fondamental dans son déclenchement. On allèguera qu’aujourd’hui les conditions sont très différentes. Cependant, nous l’avons dit, nous sommes de nouveau face à un danger de conflit, à partir de l’Asie du Sud-Ouest, et il est imprudent et immoral de se trouver en partenariat avec un gouvernement protecteur de la City et opérant pour les intérêts de l’empire.
Le plus grave me paraît l’engagement pris de coopérer dans le domaine de la conception et de la fabrication du matériel de guerre, notamment dans le domaine de l’armement nucléaire, pour lequel il est impératif que nous gardions une indépendance totale : c’est la question de notre souveraineté nationale qui se pose ici.
De même, on ne peut partager des porte-avions : nous devons garder clairement la propriété, la possession et l’usage du Charles de Gaulle, et ne jamais participer à des projets communs dans ce domaine. - Au sein des structures intégrées de l’OTAN, nous ne devons pas chercher à occuper des strapontins plus ou moins flatteurs, mais dénoncer une politique consistant à imposer par des moyens devenus criminels (exécutions ciblées par drones ou opérations héliportées visant à tuer, conduisant toutes deux au meurtre de civils) l’unification des marchés mondiaux au profit des intérêts de l’oligarchie anglo-américaine. Nous devons y faire entendre notre voix, puisque nous y sommes, et si elle n’est pas écoutée, refaire ce que fit le général de Gaulle en 1966. Construire le Pont terrestre eurasiatique est incompatible avec une institution datant de la guerre froide et ayant depuis multiplié les abus de pouvoir partout dans le monde. Simultanément, nous devons dénoncer l’article 42 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui entérine la prépondérance de fait de l’OTAN sur la défense européenne.
- Organiser, dans le cadre de la refondation de notre politique et du redéploiement de nos soldats, la participation de notre armée à de grands projets civils en Afrique dans l’intérêt des peuples : remise en eau du lac Tchad et aménagement agricole, reprise du projet Roudaire avec des moyens modernes dans la région des chotts tunisiens et algériens, canal de Jonglei au Soudan… Une politique de coopération avec la Chine pour un co-développement réel devra être engagée sans complaisances, mais en vue de partenariats, avec la participation d’autres pays d’Europe occidentale et des États-Unis, lorsque ceux-ci se seront libérés à la fois de l’Administration Obama et de ses opposants fanatiques, tout comme nous devrons nous-mêmes avoir rompu avec la politique impériale des mégabanques.
IV - A l’avant-garde technologique pour assurer notre indépendance
Il est clair que la politique que je propose est une politique risquée par rapport aux intérêts dominants dans le monde. Elle implique donc un outil militaire dissuasif capable de toucher en leur cœur les dispositifs contrôlés par l’adversaire : c’est l’esprit même de la dissuasion du faible au fort, et non plus de l’oppression du faible pour le compte du fort. Les deux piliers de cette démarche sont, à court et moyen terme, l’arme atomique et les armes anti-armes de l’avenir, à moyen et long terme.
- Aujourd’hui, l’arme atomique reste notre principal atout. Elle ne doit en aucun cas être intégrée dans un dispositif, fût-il européen.
Présentant deux composantes – sous-marine et aérienne – elle reste dissuasive, mais sa modernisation doit être accélérée.
Tout d’abord, nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Triomphant, tous équipés de missiles M51 d’une portée accrue, doivent pouvoir être déployés en mer deux par deux et avec une possible orientation tous azimuts. Pour que la Force océanique stratégique (FOST) soit capable de déployer en permanence deux SNLE en patrouille, il est en réalité nécessaire d’en disposer de cinq et non pas de seulement quatre, comme c’est aujourd’hui le cas. Je lancerai donc la construction d’une unité supplémentaire. Cela exige en outre un recours à des équipages ne pouvant être utilisés que pour deux patrouilles, la fatigue morale des hommes étant trop grande au-delà, et un excellent service de maintenance et d’entretien (remise en condition, petit et grand carénages), qui ne pourra jamais être fait au rabais.
Nos cinq SNLE doivent être épaulés par nos sous-marins d’attaque (SNA). Nous en disposons actuellement de six de classe Rubis, qui doivent être remplacés par un même nombre d’engins de type Barracuda, les sous-marins d’attaque du futur (SMAF). Cependant, le premier, le Suffren, dont la mise en cale s’est effectuée en 2007, n’entrera en service qu’en 2017. Il faut accélérer ses délais pour être crédible, de même que pour les suivants, le Duguay-Trouin et le Tourville.
Ensuite, nous disposons d’avions Rafale, équipés notamment de missiles air-sol et mer-sol MBDA-SCALP-EG à guidage inertiel et infrarouge autonome, d’une portée de 400 kilomètres et capables de frappes d’une grande précision. Il s’agit d’une composante sans doute temporaire mais nécessaire de notre force de dissuasion. En 2011-2013, le ministère de la Défense devra en acquérir 11 supplémentaires (outre les 10 prévus en 2011, 7 en 2012 et 5 en 2013) pour compenser l’absence de ventes à l’exportation. Je ne suis pas opposé à cet effort, les choses étant ce qu’elles sont, car maintenir la cadence est nécessaire pour ne pas passer à l’artisanat et voir le prix de l’avion s’envoler. Le Rafale est un excellent avion, nécessaire à nos missions, dont les qualités sont reconnues par les autorités militaires de ces mêmes pays qui ne l’achètent pas pour des raisons principalement politiques. Au regard de sa crédibilité, cependant, notre composante sous-marine est plus importante que notre composante aérienne dans un but de dissuasion du faible au fort.
Ainsi, si le Rafale continue à ne pas se vendre à l’extérieur de la France, il faudra en abandonner la production lorsque nos forces aériennes en seront suffisamment pourvues, ou lorsque les dépenses prioritaires dans les « armes anti-armes du futur exigeront des investissements plus lourds (cf. 2).
Outre ces deux composantes, les frégates européennes multi-mission (FREMM), dont la première, l’Aquitaine, sera livrée en 2012 et dont 11 sont prévues pour 2023, sont des bâtiments de surface furtifs, à tirs rapides et multiples, qui peuvent opérer à proximité du littoral et occasionner de graves dommages à l’ennemi éventuel. Elles seront équipées de missiles Scalp naval, de l’Aster 15 (missile surface/air) et de missiles anti-navires Exocet MM40, mais pourront aussi porter des missiles de croisière. Aujourd’hui, il faut accélérer la mise en œuvre de ces programmes, complémentaires des armes aériennes et sous-marines. Les missiles de croisière, dans ce contexte, peuvent servir à frapper des objectifs « durs » ou relativement étendus (aérodromes).
Nous disposons ainsi d’une panoplie dissuasive complète pour notre défense, dont il faut accélérer la mise en place. - L’essentiel pour l’avenir est cependant de nous ouvrir l’accès aux technologies des armes à énergie dirigée du futur (armes à laser, armes à faisceaux de particules…), ainsi qu’aux armes à pulsions (ou « bouffées ») électromagnétiques. Ces technologies sont, par ailleurs et surtout, celles qui nous permettront de jouer un rôle dans l’Initiative de défense terrestre (IDT).
Sans cet accès, nous perdrions pied dans la course à l’indépendance.
Nos savants et nos ingénieurs qui travaillent dans ces domaines doivent être systématiquement aidés, et les meilleurs élèves de nos universités et grandes écoles scientifiques sensibilisés à leur intérêt primordial. De nouvelles générations de lasers de très forte puissance vont être expérimentées dans les Landes, avec pour objectif de reproduire à échelle très réduite une détonation thermonucléaire. Cependant, l’échéance de fonctionnement du laser Mégajoule a été reportée de fin 2012 à fin 2014 ! Il faut non seulement faire plus vite, mais orienter l’effort scientifique dans ce domaine, vers la mise en œuvre d’armes à énergie dirigée anti-missiles.
En outre, notre participation au programme européen sur les armes à pulsions électromagnétiques doit être accélérée. Ces systèmes d’armes seront en effet essentiels dans l’éventualité d’une guerre moderne. Pas plus gros qu’une valise, ils peuvent paralyser à distance les organes de tous les moyens de transport et de communication d’une région donnée ; plus puissants, ils sont de nature à paralyser un pays, son dispositif militaire, et tout particulièrement son réseau de satellites-espions.
Ces armes sont les armes de dissuasion types : elles redonnent la prépondérance au bouclier.
L’accès à ces technologies nouvelles, et donc le maintien de la crédibilité de notre force de dissuasion, exigent des dépenses de Recherche et développement (R & D) militaires beaucoup plus élevées.
Depuis dix ans, nos dépenses de recherche-défense ont diminué de moitié ; l’on peut dire que cette recherche militaire se trouve réduite à des centres de tests, sans projets de recherche fondamentale. Cet état de choses est désastreux. Mon choix sera d’immédiatement inverser la tendance. Nous devrons effectuer un pari sur l’avenir, qui est le pari même de notre indépendance. - Moyens de renseignements spatiaux, de guidage et d’alerte anti-missiles.
Il s’agit des yeux et de la main de notre force de dissuasion et, en même temps, de préparer notre défense contre des frappes ennemies. Or, sur tous ces terrains, nous prenons du retard.
En matière d’observation, il faudra impérativement renouveler notre système Helios II à une échéance de trois ans. Le programme européen Musis n’en est qu’au stade de sa conception et avance avec une lenteur bien peu sage.
En matière d’alerte spatiale, un satellite sera mis en orbite en 2019. C’est un peu tard… Qui plus est, en l’état actuel des choses, l’acquisition d’une capacité d’alerte avancée ne s’inscrit pas dans la perspective de la mise en place d’une défense anti-missile contre la menace balistique moyenne et longue portée. Il faut le faire ! Il faut organiser des équipes de recherche à cet effet autour du laser Mégajoule ! Actuellement, seule est prévue une défense anti-missile de théâtre, contre des missiles rustiques de portée inférieure à 600 kilomètres. Cela signifie que nous préparons une défense contre des adversaires de second ordre, en renonçant à faire face à ceux de premier rang. Le ministère de la Défense proclame son scepticisme vis-à-vis des instruments de cette défense, alors qu’ailleurs on y travaille. Nous risquons donc, si nous ne lançons pas l’effort que je préconise en ce domaine, d’être non seulement en retard pour notre défense, mais surtout de nous trouver dépassés technologiquement. Ma politique sera de vite réagir.
On s’est trop préoccupé de savoir s’il fallait construire un second porte-avion, avec ou sans la Grande-Bretagne, au lieu de conserver une veille active sur le front du futur. C’est sur ce front que se jouera notre participation future à la nécessaire Initiative de défense terrestre, objectif commun de l’humanité et socle d’une détente, d’une entente et d’une coopération entre les peuples.
V - Projections en territoire étranger et renseignement militaire
C’est un domaine dans lequel il faut conserver nos moyens, ceux de professionnels parmi les meilleurs au monde, sans en faire les supplétifs d’opérations d’occupation ou de protectorat. Il s’agit d’utiliser un ensemble léger, rapide, capable de porter des coups douloureux à l’ennemi, impliquant des projections suivant les intérêts de la France, donc forcément modestes et relevant de la dissuasion, et non de disposer de moyens pour une projection « lourde » et durable s’insérant nécessairement dans le dispositif anglo-américain.
Nous disposons en mer de trois avions radars Hawkeye, pour la surveillance de l’environnement et la protection de notre dispositif. C’est suffisant.
Il est par ailleurs scandaleux que pour la reconnaissance aérienne par drones, et contre l’avis de nos militaires, le gouvernement Sarkozy-Fillon-Longuet ait choisi sept appareils produits par Israel Aircraft Industries, sous le label Dassault ! Il est encore plus scandaleux que Dassault fasse ainsi financer par notre Défense nationale le maintien des compétences de son bureau d’études et celles de Thalès, afin de préparer une future génération de drones « purement européens » avec… le britannique BAE, impliqué par ailleurs dans toutes les affaires de financement de services spéciaux et d’activités terroristes ! Et il est encore scandaleux qu’EADS n’ait pas été capable de soumettre un modèle supérieur à la version renouvelée de son Harfang, notoirement dépassé ! Quitte à acheter étranger, l’Américain MQ Reaper était un meilleur choix, mais la politique militaire a ses raisons – ou plutôt ses contrats – que la raison ignore…
Pour transporter les troupes, nous disposerons de l’Airbus militaire A400M, qui remplacera nos vieux Transall et nos Hercules-C130, et dont la production, prévue dès 1982, a été décidée par huit pays européens… le 13 novembre 2001 et doit aboutir en 2013 : 19 années pour la gestation du projet et 12 pour le produire ! C’est un pas important, militairement et industriellement, car le programme va mettre la compagnie européenne sur un pied d’égalité avec Boeing en matière de financement de sa R & D par le biais de commandes militaires. Cependant, la lenteur de la prise de décision par nos partenaires européens ne plaide pas en faveur d’une défense européenne intégrée.
Enfin, nous avons besoin de forces spéciales et de professionnels du renseignement : nous en avons d’excellents, qu’il s’agit de mieux équiper. Leurs interventions soudaines, mobiles et ponctuelles, susceptibles de porter un coup rapide à l’ennemi sans besoin de grand déploiement, comme c’est le cas pour une projection de type néo-colonial, entrent dans le cadre de l’approche que je propose.
En matière de déplacements rapides (transports de troupes d’élite) et de missions de service public, la flotte d’hélicoptères du COS n’est actuellement constituée que de vieux Pumas ou Super-Pumas, insuffisamment rapides et au rayon d’action de seulement 200 à 300 km. Leur remplacement doit être prévu par le X3 d’Eurocopter, qui peut atteindre 400 km/h en vitesse de croisière et dont le rayon d’action est nettement élargi.
Il est également urgent d’accélérer la modernisation des capacités en matière de renseignement de guerre électronique, informatique ou optique, c’est-à-dire interception et brouillage des émissions adverses, et meilleure propagation sans interférence des nôtres.
Le fonctionnement de la Brigade des forces spéciales terre (BFST), avec ses trois régiments et la Compagnie de commandement et de transmissions, est plus que satisfaisant, mais une meilleure intégration dans les emplois par le Commandement des opérations spéciales (COS) et la Direction du renseignement militaire (DRM) doit se poursuivre, ce qui suppose que notre doctrine d’intervention soit mieux cadrée au sommet.
VI - Faire face au manque généralisé de moyens
En ce qui concerne le secteur « classique », le taux de disponibilité des bâtiments dans la marine se situe actuellement aux alentours de 65 % alors qu’il devrait en atteindre 80. Quant aux forces aériennes, près de 40 % du parc militaire français se trouve hors d’état de voler.
La situation ne peut continuer à se dégrader.
Pour éviter une crise grave, les orientations à adopter d’urgence sont les suivantes :
- accroître raisonnablement les moyens pour ce qui est nécessaire, tant dans les dépenses de recherche et d’équipement - nous l’avons vu - que dans celles de fonctionnement (entretien, soldes…). L’étranglement budgétaire ne peut continuer.
- savoir dire franchement ce qui n’est pas indispensable et renoncer à ce que l’on ne veut ou ne peut pas entretenir, afin de bien assurer le fonctionnement du reste.
- réduire nos opérations de projection et les alléger en fonction de nos intérêts propres. Actuellement, nos forces sont trop dispersées dans des opérations de « maintien de la paix » visant en fait à établir d’interminables protectorats.
- remotiver les soldats en rétablissant le lien Armée-Nation.
Le plus démoralisant, pour nos soldats, nos marins ou nos aviateurs, est en effet de percevoir dans leur manque de moyens, quotidiennement éprouvé, la défausse progressive et inavouée de notre défense sur une Europe et une OTAN qui « forgent du consensus politique euro-américain » et organisent des expéditions de police visant des objectifs étrangers à la France.
VII - Rétablir le lien Armée-Nation : nouvelle conscription, réserve, défense opérationnelle du territoire
La France a supprimé (suspendu, dit-on officiellement aux termes de la loi) son service national le 30 novembre 2001.
Il était prévu au départ de mettre en place un rendez-vous citoyen obligatoire d’une durée de cinq jours, avec trois volets : scolaire et médical, éducation civique et présentation de tous les aspects possibles du volontariat prévu dans le cadre du service national nouvelle formule.
Quant à la réserve, prévue dans le cadre de la professionnalisation des armées, elle devait atteindre 100 000 hommes en 2008, pour la plupart d’anciens militaires.
Le manque de perspectives offertes, l’impréparation de la réforme et surtout le climat de contraction de la Défense nationale dans lequel elle a été mise en œuvre a abouti à ce qui fatalement devait arriver.
Le rendez-vous citoyen est devenu une caricature, la Journée d’appel et de préparation à la défense (JAPD), rebaptisée en janvier 2011 Journée défense et citoyenneté, ne dure qu’une journée au cours de laquelle garçons et filles sont invités à subir de simples tests et à assister à des présentations pédagogiques sur la défense. C’est un lien de quelques heures, premier, unique et particulièrement peu sérieux, que les armées ont avec les jeunes citoyens.
Ainsi, si l’on veut rétablir le lien Armée-Nation et éviter la « ghettoïsation » d’une collectivité militaire repliée sur ses professionnels, tout est à reprendre à zéro.
La première chose à faire est, durant les cours d’histoire et d’instruction civique organisés à l’école, de dispenser une instruction spécifique relative au rôle que joue la défense dans notre pays. Une politique de défense n’a en effet de sens, et de force, que si les jeunes la comprennent et y adhèrent très tôt.
La seconde chose est de rétablir la conscription, non sous ses formes passées, mais en vue de l’avenir.
L’objectif est d’offrir à nos enfants, garçons et filles, une période de pleine mixité sociale et d’encadrement pluridisciplinaire cohérent, intelligent et conscient de sa mission, à un moment de leur vie où l’intégration sociale dans un projet est nécessaire pour former une nation.
Sur une durée de six mois, les jeunes conscrits devraient recevoir une formation militaire élémentaire d’un mois. Ensuite, ils seraient affectés, au choix, soit à un service civique (dans les hôpitaux, l’aide au tiers-monde, la participation aux grands travaux…), soit à un service militaire dans les régiments de défense opérationnelle du territoire (DOT), avec, dans les deux cas, deux ou trois périodes de rappel pendant la vie, suivant le modèle suisse.
Il s’agit de créer un nouvel état d’esprit entre « militaire » et « civil », sans rupture : le militaire doit être totalement réinséré dans la société civile, et la société civile respecter son « fil de l’épée » militaire.
L’argument du coût, soulevé contre ce choix, ne tient que si l’on considère les données comptables à court terme. L’on dit aussi qu’il serait très difficile, sinon impossible, de définir des missions en nombre suffisant. Dans le système actuel de volontariat, on n’a prévu d’engager dans le service civique qu’environ 15 000 jeunes en 2011, pour une dépense de 98 millions d’euros. Cependant, il suffira d’un peu d’imagination et de moyens pour lancer la machine, qui ne pourrait bien entendu l’être que progressivement. Dès 2013, il faudra atteindre la moitié d’une classe d’âge, soit environ 375 000 jeunes, pour parvenir à la totalité dès 2016. A moyen et long terme, chaque Français et Française y étant ainsi engagé, ce service sera un instrument extrêmement rentable d’intégration et de développement des solidarités, conjugué à une possibilité de remise à niveau scolaire pour les moins favorisés. Il remédiera, du moins en partie, au prix à payer pour la violence, la souffrance collective ou individuelle, l’exclusion et l’illettrisme. De plus, il réintégrera dans les esprits l’idée citoyenne de défense nationale et préparera les plus défavorisés à entrer dans les écoles de la deuxième chance ou dans des formations professionnelles complémentaires.
VIII - Le défi
Le défi consiste, dans un pays de tradition romaine et jacobine comme le nôtre, à désenclaver la communauté de défense pour la réintégrer dans la nation, afin que celle-ci, s’appuyant sur celle-là, puisse plus efficacement combattre la « loi de la jungle » des marchés financiers, puis engager notre participation dans l’entreprise d’exploration spatiale et de défense terrestre (IDT) organisant les objectifs communs de l’humanité.
Aucune organisation bureaucratique n’est capable de relever ce défi. N’est-ce pas aujourd’hui, à cette heure du XXIe siècle, au moment des périls, l’esprit de la France libre qu’il faudrait, après tout, retrouver, dans l’intérêt suprême de la nation, pour défendre le peuple avec le peuple ? Le développement mutuel, à l’extérieur avec les autres nations et les autres peuples, à l’intérieur entre composantes de notre pays, doit être le fer de lance de cette refondation.
La nation doit respecter son armée, et l’armée doit respecter ses citoyens : le principe de l’avantage d’autrui, inscrit dans le traité de Westphalie pour garantir la souveraineté des États-nations, doit trouver son accomplissement dans le domaine militaire, faute de quoi ou bien nous subirons un abaissement dans l’impuissance, ou bien la souveraineté elle-même se transformera en violence gratuite.