La France avec les yeux du futur

Une révolution fiscale pour financer l’avenir et revaloriser le travail

Prétendre ne pas augmenter les impôts après 2012 serait mentir. Le vrai défi est de réorganiser notre système fiscal pour qu’il accompagne et promeuve une véritable croissance de l’économie productive libérée de la dictature financière.

Aujourd’hui, l’impôt couvre à peine 50 % de nos dépenses publiques. Insuffisant, inéquitable, accablant le travail, peu efficace, trop complexe et opaque, notre système fiscal doit être profondément réorganisé. Les principes de cette réorganisation sont relativement simples et assez généralement admis :

  • aligner l’imposition du capital sur celle du travail, en taxant le capital qui dort, tout en évitant de pénaliser les classes moyennes ;
  • corriger l’inégalité actuelle qui joue en faveur de la classe la plus aisée ;
  • alléger les cotisations sociales, plus pénalisantes pour l’emploi, en faveur d’une fiscalité mieux ajustée ;
  • moins frapper les PME ou entreprises de taille intermédiaire opérant en France et davantage les groupes français internationaux qui échappent aujourd’hui à l’impôt ;
  • simplifier la multiplicité des réductions et des exonérations favorisant les bénéficiaires de revenus élevés, qui ont les moyens de faire appel à des « officines » spécialisées pour profiter d’optimisations fiscales maximum.

Les problèmes commencent lorsqu’on s’efforce d’appliquer ces principes. D’une part, parce que nous vivons dans une société où le sens du bien commun et de l’effort collectif s’est perdu, d’autre part parce que les Français méconnaissent leur système fiscal tout en percevant ses inégalités, ce qui les conduits à se méfier de toute réforme.

Pour que son sens soit compris, la réorganisation devra donc nécessairement s’insérer dans le projet d’ensemble que je défends, et être accompagnée d’une pédagogie reposant sur une communication intelligente de la part des gouvernants et de nos services fiscaux. Plus que dans d’autres secteurs, l’échange et le dialogue républicain sont nécessaires dans ce domaine, où tous nos gouvernements ont laissé dépérir la transparence. Car pour transformer notre système fiscal, il faut réconcilier les Français avec l’impôt en leur expliquant clairement ce que l’on va faire des sommes collectéesi (grands travaux, entretien et développement des infrastructures routières et ferroviaires, maintien du nombre d’enseignants au niveau de 2008 avec une plus juste rémunération, retour à une politique culturelle digne de ce nom pour la jeunesse et notre action à l’étranger, crèches, logement social…).

Mes propositions sont les suivantes :

I - Réorganiser l’impôt sur le revenu et la CSG

Notre impôt sur le revenu, le plus juste mais dévoyé par les niches fiscales, ne représente plus que 50 milliards d’euros alors que la CSG, qui frappe les revenus de façon proportionnelle et non progressive, collecte environ 90 milliards. Il est donc évident qu’un changement s’impose. Des mesures doivent être immédiatement prises en fonction de ce qui est possible, tout en préparant rapidement une révolution fiscale de fond, conforme à l’esprit de l’impôt sur le revenu tel que l’ont défendu Joseph Caillaux, Jean Jaurès et le programme du Conseil national de la Résistance.

1) À court terme

  • Taxer les revenus du capital comme ceux du travail. La France se caractérise par une épargne excessive et un chômage structurel fort. Or notre système incite les Français à épargner davantage, tandis que le niveau élevé de charges sociales et patronales alourdit le coût du travail et pénalise l’emploi. Outre la TVA sociale (cf. plus loin), il serait nécessaire et équitable d’additionner toutes les formes de revenus (capital et travail) et de les taxer de manière uniforme suivant le barème de l’impôt sur le revenu. Cette réponse permettrait de faire rentrer au moins 50 milliards d’euros dans les caisses de l’État.
  • Rendre l’impôt sur le revenu plus progressif et relever son taux maximal. Il était de 75 % en 1980, il a été rabaissé à 40 % depuis la réforme de 2005, puis accru d’un point seulement. De manière progressive, à partir de 180 000 euros annuels pour un couple avec deux enfants, il devrait être porté, par tranches, à partir de 50 % jusqu’à atteindre 75 % au dessus de 1 200 000 € de revenus par an. Cette mesure est plus simple et plus efficace que de plafonner les hauts salaires, car si l’État peut contrôler ceux du secteur public, il ne peut pas imposer un plafond à ceux du secteur privé.
  • Nettoyer les niches fiscales en supprimant, progressivement ou non, celles qui bénéficient aux grandes entreprises, aux hauts revenus et aux patrimoines très élevés. Il s’agit d’abord des stock-options, bonus, exonérations de produits d’épargne (assurance-vie) et aides favorisant les économies d’énergie, inefficaces et avec un effet d’aubaine. Les exonérations de charges sur les bas salaires doivent être maintenues pour favoriser l’emploi, ainsi que celles favorisant les prestations sociales versées par un foyer fiscal (garde d’enfants et de personnes âgées à domicile), l’épargne populaire (Livret A), la recherche et la participation (dons aux associations et partis politiques). Il y a 468 dispositifs dérogatoires ; je demanderai au gouvernement de créer immédiatement un groupe d’étude établissant dans le mois qui suit une liste de propositions pour élargir ainsi l’assiette de l’impôt : elles sont dans les tiroirs, il ne reste qu’à les actualiser. Dans l’immédiat, on plafonnera la réduction d’impôt à 15 000 € (et non 18 000 € majorés de 6 % des revenus, comme c’est actuellement le cas).
  • Créer immédiatement deux points supplémentaires de CSG en affectant un point aux départements car ils sont désormais en charge des aides sociales (RSA, autonomie, handicap), et l’autre à l’assurance vieillesse, et plus généralement au retour à un système de santé publique réellement solidaire (cf. ma section Non à la privatisation de la santé publique, être malade ne doit pas devenir un luxe). L’augmentation de la CSG abondera ainsi exclusivement des dépenses sociales réduisant les inégalités.

Bien entendu, le respect du principe de ces affectations devra être systématiquement et continuellement mis sous surveillance.

2) À moyen terme

  • fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG pour en faire un grand impôt direct simple, progressif, compréhensible et équitable : la CSG absorbant l’impôt sur le revenu, mais en adoptant un barème progressif.
    Cette idée de Thomas Piketty, reprise par le Parti socialiste, est bonne mais difficile à mettre en place sans en faire une usine à gaz (il s’agit de fusionner un impôt sur le revenu, progressif et calculé en fonction du nombre de parts du foyer fiscal, et une CSG proportionnelle perçue sur les revenus individuels).
    L’objectif n’en est pas moins nécessaire : adapter l’assiette de la CSG en appliquant un barème progressif – et donc redistributif – à l’ensemble des revenus individuels (capital et travail) qui y sont soumis. A revenu égal, impôt égal, que ce soit un revenu du capital ou de travail, un patrimoine immobilier ou financier, sans régime de faveur : on réintroduit ainsi la progressivité et l’équité sans exception, avec un prélèvement à la source facilitant la compréhension de la taxation pour tous les ménages et accroissant son efficacité. Deux questions se posent, méritant une réflexion approfondie :
  • le barème d’imposition : il ne s’agit, comme c’est actuellement le cas, ni de faire des cadeaux aux riches (les 1 % les plus riches sont taxés à 35 % en moyenne), ni de matraquer les classes moyennes (les personnes percevant deux SMIC supportent un taux d’imposition global de 40 à 50 %). Aussi, dans ce nouveau système, l’on imposera sur un barème à taux effectif et non comme aujourd’hui en tranches. Au lieu de taxer le revenu selon des tranches fixes de 5,5 % à 41 % pour la tranche maximale, l’impôt exprimé en taux effectif s’appliquera à la totalité du revenu par assujetti – ce qui permet plus facilement de se faire une idée sur qui paie quoi. Les taux iront ainsi de 2 % à 10 % pour 2200 € de revenu normal, à 13 % pour 5000 € et jusqu’à 70 % maximum pour les revenus supérieurs à 100 000 € par mois. Seuls les 3 % de contribuables les plus aisés, gagnant plus de 8000 € par mois, paieront davantage d’impôts au total (par rapport à l’impôt sur le revenu plus la CSG aujourd’hui), les 97 % restants voyant leur imposition diminuer progressivement en fonction de la modicité de leurs revenus.
  • la politique familiale : l’individualisation de l’impôt pose problème. Je propose de remplacer le quotient familial actuel par le versement d’une prestation ou un système de crédit d’impôt égal pour tous, équivalant, de fait, à des allocations familiales dès le premier enfant (cf. ma section Une politique d’épanouissement familial et de lutte contre le sexisme).

II - Intégrer l’impôt sur la fortune (ISF) dans une imposition globale sur le patrimoine, en le liant aux successions.

L’ISF actuel est illisible, confus, injuste, peu rentable et rendu inefficace depuis que la loi TEPA de 2007 a instauré le bouclier fiscal et ajouté des dégrèvements aux abattements. Si le bouclier fiscal était supprimé, il ne serait pas aberrant que l’ISF le soit également, quitte à taxer davantage les hauts revenus, comme c’est le cas dans le système que je préconise.

Cependant, regrouper tous les impôts sur le capital – taxe foncière, droits de mutation, ISF, successions – dans un seul prélèvement sur le patrimoine, beaucoup plus lisible pour le contribuable, me paraît une meilleure voie à suivre. Le versement de l’ISF serait alors un précompte venant en déduction des droits de succession, comme le propose d’ailleurs François Hollande. La priorité est en effet d’alléger les prélèvements pesant sur les revenus du travail et non de réduire la fiscalité du patrimoine.

En même temps, les grosses successions devraient subir une hausse de la fiscalité. Actuellement, 95 % des héritages sont de fait totalement exonérés, jusqu’à 1 500 000 €. Le taux maximal est élevé (40 %) mais, bien conseillé, un contribuable ne paie pas plus que 10 % de droits, quelle que soit la taille de son patrimoine. La vraie réforme consiste à supprimer abattements et dégrèvements, qui permettent d’échapper au fisc, de manière à ce qu’un ménage puisse transmettre en une fois, sans impôt, au maximum 180 000 € à chacun de ses enfants et pas davantage, en succession ou en donation. Au-delà, 50 à 75 % devraient être rendus à la collectivité, suivant un barème effectif. Seule exception, la transmission des entreprises, où, pour éviter que les héritiers soient contraints de vendre pour payer, l’on appliquera une taxation des dividendes pendant dix ans, correspondant à un pourcentage de la valeur de l’entreprise au moment de la transmission.

III - Redonner un sens à la fiscalité locale

Elle est actuellement archaïque, complexe, économiquement inefficace et injuste. La remettre sur pied est une priorité absolue, en raison de la part grandissante des collectivités territoriales dans l’investissement et les dépenses sociales. Que le sujet soit explosif ne doit pas conduire à temporiser, et encore une fois, il conviendra d’expliquer…

1) À court terme

  • Le point de CSG donné aux départements leur permettra de financer leurs dépenses sociales.
  • La taxe d’habitation, actuellement assise sur les valeurs locatives datant de 1970, doit rapidement être calculée sur la valeur vénale des logements, en fonction de la moyenne des deux dernières années. Il est scandaleux que la réforme des valeurs locatives, servant à calculer les taxes foncières et d’habitation, ne concerne que les locaux commerciaux, et ce, pas avant 2014. Une révision des bases locatives devrait avoir lieu tous les cinq ans, selon les valeurs de marché constatées lors des dernières transactions immobilières. Il faudrait également introduire une part de revenu (par exemple, 20 % des revenus du locataire), car aujourd’hui, les assujettis les plus modestes subissent proportionnellement un prélèvement plus lourd que les ménages aisés.
  • La taxe foncière sur les propriétés bâties devra être réaménagée dans les mêmes conditions.
  • De nouveaux critères de péréquation (indicateurs sociaux locaux) et de dotation doivent être introduits afin de corriger les inégalités sociales et économiques des territoires. La péréquation horizontale (entre collectivités territoriales) qui a été introduite ne représentera qu’une part très faible des dépenses des communes, départements et régions ; c’est la péréquation verticale (exprimant la solidarité nationale) qui est à revoir.

2) À moyen et long terme

  • Un impôt pour l’emploi et le développement solidaire des territoires doit progressivement remplacer la contribution sur la valeur ajoutée (CVA), qui a favorisé les entreprises par rapport à la taxe professionnelle, sans pour autant avantager les collectivités territoriales. Cet impôt sera partagé entre collectivités territoriales en fonction des critères actuellement retenus pour la péréquation horizontale.
  • La dotation actuelle de l’État doit être accrue, grâce aux rentrées du nouvel impôt sur le revenu, de sorte que les territoires puissent faire face aux dépenses sociales (RSA, autonomie, handicap) qui leur ont été transférées sans compensation financière, alors qu’elles ne cessent d’augmenter en raison du vieillissement de la population et de la crise.

La somme actuelle de 14 milliards d’euros pour les communes devrait être portée à 18 milliards et répartie par tiers : 1/3 en fonction de la surface des communes, 1/3 en fonction de leur population et 1/3 en fonction de la proportion de population non active (jeunes, troisième âge…), du nombre de chômeurs recensés ou de leur situation géographique (zone de montagne, îles…).

IV - Redonner la priorité aux PME industrielles sur les conglomérats financiers.

Il manque à notre pays des PME industrielles de taille moyenne, l’équivalent de 10 000 entreprises indépendantes de 100 à 300 salariés. Or nos PME versent un impôt sur les sociétés de 20 à 30 % en moyenne pour celles de moins de dix salariés (proche du taux officiel de 33,3 %) alors que les plus grandes entreprises, celles réalisant plus de 2,5 milliards de chiffre d’affaires, versent en moyenne 4 à 8 %, le différentiel se situant, selon les évaluations, entre 18 et 21 points. Pour les entreprises du CAC 40 autres que les établissements financiers, l’impôt, minoré des crédits d’impôt (hors crédit d’impôt recherche), ne représenterait en moyenne que 0,4 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France ! Les uns paient ainsi trop et les autres beaucoup trop peu, au regard de ce qu’il faudrait et de leurs moyens respectifs. Ces écarts sont dus au fait que les grands groupes peuvent davantage « optimiser » leur charge fiscale que les petites entreprises.

Je retiens les propositions suivantes pour tenter de remédier à cette situation :

  • Ramener de 33 à 30 % l’impôt sur les sociétés pour soulager les PME, tout en prévoyant un taux réduit de décollage de 18 %, jusqu’à un plafond d’un million d’euros de bénéfices mis en réserve par des sociétés réalisant moins de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires.
  • Plafonner les charges financières déductibles comme cela se pratique en Allemagne, en limitant l’avantage fiscal à un pourcentage du bénéfice. En outre, l’on fixera un impôt minimum sur les sociétés, de l’ordre de 15 % du bénéfice, auquel aucune entreprise ne pourra se soustraire. Les PME, qui paient déjà plus de 20 %, ne seront pas affectées et cela amènera les très grandes entreprises à contribuer davantage au redressement des comptes publics.
  • Annuler la fameuse « niche Copé » exonérant les plus-values sur la cession des titres de participation, qui favorise les très grandes entreprises (les holdings vendant des filiales ou des actions détenues depuis plus de deux ans) et coûte très cher (plusieurs milliards par an). On pourra cependant envisager d’exonérer les plus-values sur la cession de ces titres détenus depuis plus de dix ans.
  • Supprimer les allègements de charges sur les heures supplémentaires, mesure qui s’est avérée source d’inégalités entre les salariés et ayant un faible impact sur l’activité économique.
  • Créer un bonus-malus favorisant l’investissement. Les entreprises distribuant plus de 60 % de leur résultat en dividendes seront pénalisées par un malus de l’ordre de 10 % (portant le taux minimum d’imposition de 15 à 16,5 %), tandis que celles qui privilégient l’investissement bénéficieront d’un bonus de 10 %, avec un taux d’imposition maximum de 20 %, permettant aux PME d’accumuler des fonds propres pour assurer leur développement économique et créer des emplois.
  • Supprimer d’une part le régime d’intégration de droit commun, qui permet de faire remonter tous les résultats des filiales sans imposition vers la société « tête de groupe », de manière à n’imposer que celle-ci, et d’autre part l’agrément dont disposent les sociétés du CAC 40 (régime dit du « bénéfice mondial consolidé »). Il s’agit de dispositifs très coûteux qui favorisent les très grandes entreprises fortement bénéficiaires, et qui paient peu ou pas d’impôt en France, comme Total et Vivendi. Il faut arrêter ou du moins freiner le déplacement des profits vers les pays à taux d’imposition les plus faibles et non l’encourager.
  • En attendant la mise en place d’une TVA sociale, les allègements de charges patronales sur les salaires moyens et les exemptions partielles de cotisations sociales sur l’épargne salariale seront progressivement rabotées, alors qu’en revanche, seront exonérées les cotisations de contrats de plus d’un an signés avec des jeunes de moins de 25 ans. Cette mesure favorisera les PME qui créent la majorité des emplois pour les jeunes.

V - Créer une TVA sociale

Cette mesure aura deux avantages :

  • Elle renchérira le coût des importations, en allégeant le coût des exportations. Autrement dit, elle jouera le rôle de dévaluation compétitive que l’euro ne nous a plus autorisé à faire. Avec une TVA sociale, les Français verront non seulement une partie de leur assurance-maladie payée par Apple et, plus généralement, par les entreprises installées dans des pays à bas coûts salariaux pour vendre leurs produits en France, mais cela constituera aussi un frein aux délocalisations.
  • Le report des charges de financement de la politique familiale et d’une partie de la sécurité sociale, du compte d’exploitation des entreprises vers celui de la nation, favorisera la compétitivité de ces entreprises et en particulier celle des PME installées sur le territoire national. Je ne pense cependant pas que la TVA sociale puisse assumer tout ce report, car elle devra rester relativement limitée pour ne pas peser de manière excessive sur la consommation.

Contre elle, on affirme que cette mesure sera injuste pour les classes populaires et pénalisera la consommation. C’était, notamment, l’argument d’un Laurent Fabius qui a par ailleurs pratiqué, lorsqu’il était aux affaires, une déréglementation financière allant directement à l’encontre de ces classes, sans que cela paraisse le gêner.

En fait, tout dépend de la manière dont on fixe les taux de la TVA, pour en faire un instrument de justice sociale. Il s’agit de taxer très fortement les produits de luxeii, à coût unitaire élevé, ainsi que les produits qui ne sont pas de première nécessité, et de taxer faiblement les produits de consommation courante et indispensable. Ce n’est pas la nature indirecte de l’impôt qui est injuste, mais la manière dont on l’applique. Ainsi, un taux de 5,5 % appliqué à la consommation de Coca-cola, comme c’est le cas actuellement, est ridiculement bas.

De plus, la suppression des retenues de cotisations sociales permettra un gain immédiat sur les salaires et donc une certaine stimulation de l’emploi, sans que, par ailleurs, l’employeur ait tendance à arbitrer contre la modernisation de son instrument de production, puisque la TVA est déductible des investissements. Son application permettra ainsi aux chefs d’entreprise d’assumer une hausse du SMIC à 1700 € sur deux ans, sans les empêcher par ailleurs d’investir dans l’outil de travail (cf. ma section Droit au travail et à l’emploi qualifié).

La TVA ne frappe ni les investissements, ni les exportations, et peut être rendue réellement « sociale ». En ce sens, Manuel Valls et Alain Juppé n’ont pas tort contre Laurent Fabius. Certes, la TVA sociale n’est pas l’unique réponse à tous les problèmes d’emploi et de compétitivité en France, mais bien gérée, elle peut constituer un auxiliaire utile, c’est-à-dire le deuxième pilier, avec le nouvel impôt sur le revenu, du report des charges sociales sur une fiscalité d’ensemble plus juste, ce qui permettra d’améliorer rapidement la compétitivité de nos entreprises.

VI - Une taxe européenne sur les transactions financières

Elle est nécessaire et acceptée par la majorité des pays d’Europe continentale. Cependant, elle ne pourra être réellement appliquée un jour que contre la City de Londres. Icap, la principale société qui y organise les transactions entre acteurs financiers, a même menacé de quitter le pays et l’Union européenne si ce projet « visant à détruire la place de Londres » était mis en œuvre.

Aussi, comme les niveaux de taxe avancés (0,1 % des transactions sur les actions et obligations et un minuscule 0,01 % sur celles portant sur les produits dérivés) sont trop faibles pour remettre en cause les perspectives de profit à réaliser sur les paris spéculatifs portant sur une action, une devise ou un titre de propriété publique, je pense que cette taxe ne permettra en rien de toucher au cœur du système financier prédateur existant. Il est trop tard pour taxer le vice, il faut l’éradiquer.

C’est donc mon projet global – Glass-Steagall, interdiction des cotations en continu et des cotations sur des produits dérivés sans sous-jacent physique, crédit productif public – qui doit être mis en place, car lui seul est vraiment de nature à créer les conditions d’un monde sans la City et sans Wall Street.

VII - Rendre l’impôt plus socialement moral

Deux orientations relèvent d’un choix de société :

  • augmenter les prélèvements sur les jeux, alcools, tabacs et certaines activités polluantes, tout en compensant par des avantages les entrepreneurs petits et moyens lésés (buralistes, marchands de vin…)
  • Durcir les pénalités appliquées à la fraude fiscale (dissimulation, évasion…). Cependant, il ne faut pas être hypocrite. Les affaires de valises et de mallettes disent bien ce qu’elles veulent dire, mais l’on sait moins que la Délégation nationale de lutte contre les fraudes n’emploie que… quatorze personnes. Etre sérieux dans ce domaine reviendra à en recruter au moins 100, formées spécialement et motivées, en mobilisant tous les échelons des administrations, avec l’assistance immédiate et compétente des forces de police et de gendarmerie.

Cela passe inexorablement par de véritables moyens législatifs renforcés et un rapprochement avec les autres nations pour mettre progressivement en place un arsenal commun européen, puis à l’échelle de la planète.

A terme, et plus généralement, une dimension globale s’impose pour maîtriser le terrain. Ma démarche conduit donc vers une harmonisation fiscale à l’échelle européenne, pour arriver progressivement à la mise en place d’une fiscalité mondiale juste et équitable. Il s’agit d’un pari sur l’avenir entre États-nations souverains, mais si l’on ne commence pas à le faire dès aujourd’hui, la mondialisation financière entraînera la destruction de l’État de droit et la décomposition de la société.