La France avec les yeux du futur

Addiction suicidaire

mardi 14 mai 2019

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Ces élections européennes se déroulent sur fond gris. Sans passion créatrice. La mise en accusation de l’immigration, présentée comme un danger pour notre manière de vivre, et de l’humanité, tenue pour responsable de la destruction de la nature et du changement climatique, entretient un pessimisme prudemment haineux envers l’autre et soi-même.

Alors que le système financier et monétaire international menace de s’effondrer et que les provocations militaires se multiplient, alors qu’identifier les vrais responsables du double péril devrait être la préoccupation de tous, alors que les Gilets jaunes ont fait valoir leur exigence de dignité et de vraie vie, ce que les uns et les autres répètent sur la scène officielle passe comme ces paroles gelées que découvraient les voyageurs de Rabelais.

« Obsession des racines et mirage du nomadisme hors sol se répondent en bégayant. »

Face à un grand moment de l’histoire où la France devrait affirmer sa raison d’être historique et offrir au monde le meilleur d’elle-même, tout paraît caricature. « Progrès » devient possession de biens et soumission au monde de l’argent, et « souveraineté », repli sur des préjugés ou des idées reçues. Obsession des racines et mirage du nomadisme hors sol se répondent en bégayant.
Macron et Le Pen ont fait main basse sur une campagne devenue bal des egos.

Une juste colère nous prend. Car pendant ce temps, le fait déterminant est que, faute d’espérance politique, la rengaine autodestructrice de la « transition écologique » s’insinue partout. Le bal devient danse macabre.

A « gauche », par exemple, un Benoît Hamon considère qu’« aujourd’hui, le génie européen, c’est Greta Thurnberg ». Sans voir la culpabilisation suicidaire que porte cette nouvelle croisade des enfants : une vie rationnée, des plafonds annuels de kilomètres carbonés et des quotas de voyages. Bien pire, un Antoine Buéno voudrait mettre en place un marché mondial des droits à procréer : « Les pays les plus riches devraient verser une somme d’argent à chaque 10 000 naissances. Les plus pauvres recevraient cette somme à chaque 10 000 non naissances. » Déjà Aurelio Peccei, le fondateur du Club de Rome, voyait en l’homme la prolifération de métastases cancéreuses qu’il fallait arrêter, surtout celles des cancéreux pauvres. Cas extrêmes ? Peut-être dans l’immédiat, mais cas révélateurs de ceux qui prennent l’être humain pour bouc émissaire, dans un monde de ressources finies livré au triage social. Faute de résistance contre ce malthusianisme rampant, on ira logiquement aux extrêmes criminels.

A droite, dans sa composante dure, l’on postule une « écologie intégrale », image-miroir de l’écologie « de gauche ». On y évoque « nos limites », on y crée la revue Limite, on y fonde L’Incorrect et l’ISSEP de Marion Maréchal à Lyon et on y organise la convergence entre catholiques traditionalistes et courants néo-païens pour protéger notre « biotope national ». Hervé Juvin, nouveau gourou de Marine Le Pen, prône la frontière et le local pour sauvegarder notre capital biologique. De leur côté, Delphine Batho, ancienne ministre socialiste de l’Ecologie, et Dominique Bourg s’allient à Antoine Waechter et à son proche conseiller Fabien Niezgoda (qui avait voté Le Pen à la présidentielle) pour lancer leur propre version d’une Ecologie intégrale dépassant le clivage droite-gauche et prétendument émancipatrice.

« une espérance fondée sur une culture de la vie et de la découverte. »

Le pire est le chantage moral auquel tous se livrent, comme si nous étions tous coupables du pillage financier des banques universelles et du pillage des données par les GAFAM. L’état d’esprit dont ils sont porteurs jette le doute systématique sur la créativité humaine, la science et sa capacité à rendre le monde meilleur.

Après l’agitation électorale, la priorité est de réagir contre cet état d’esprit en apportant un projet positif, une espérance fondée sur une culture de la vie et de la découverte. Face au tsunami financier qui vient, leur abandonner le terrain reviendrait à accepter que l’histoire d’un monde fini commence.


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L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.