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Bretagne, oligarchie

vendredi 1er novembre 2013

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L’édito de Jacques Cheminade

La bouffée de colère qui enflamme la Bretagne n’est qu’un début. Elle est dans la logique de la désintégration de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal, qui s’étendra à toute l’Europe si les gouvernements de l’Union européenne ne changent pas de trajectoire. Il s’agit de la manifestation sur un point de notre territoire d’une crise globale, économique, sociale et culturelle qui met à nu l’incapacité du gouvernement à la dénouer et la démagogie satisfaite d’une opposition qui en a été largement la cause.

L’économie bretonne s’est constituée, depuis les années soixante du XXe siècle et même depuis 1945, comme l’un des principaux centres d’alimentation de la France, soutenu par une politique audacieuse d’aménagement du territoire. Autour du « modèle » agro-alimentaire, l’industrie automobile, les télécommunications et la mécanique ont développé des pôles d’emploi qualifié. L’on ignore généralement que la Bretagne est en première ou seconde position pour la qualité des diplômes et le niveau intellectuel des jeunes, des cadres et, globalement, de tous ceux qui travaillent dans l’économie. Cependant, la région est en dix-huitième position pour le montant de ses salaires. Il y a donc un phénomène historique d’exploitation du travail. Il a été aggravé ces dernières années par un circuit de distribution prédateur, aspirant hors de la région une part croissante de la valeur qu’elle crée, couplé à une économie de services reposant sur le tourisme.

Le « modèle » a ainsi muté, en devenant de plus en plus artificiel. Sous le feu de la mondialisation financière, le sacrifice des secteurs productifs s’est brutalement accéléré : Doux, Marine Harvest, Gad, Jean Caby, un tiers des emplois de PSA dans son usine de Rennes, télécoms avec Alcatel Lucent. Les travailleurs se sont révoltés, ressentant la trahison des promesses qui leur ont été faites et ayant acheté des logements en empruntant, alors que toutes les possibilités d’emploi disparaissent autour d’eux.

Dans ce contexte, l’écotaxe, décidée par le gouvernement de droite en 2009 et votée à l’unanimité, a été activée par le gouvernement de gauche. Elle touche la Bretagne de plein fouet. Aujourd’hui, le gouvernement ayant « suspendu », c’est son annulation qui est exigée.

Dans ce contexte, les loups revêtus de blanche hermine, les prédateurs de l’Institut de Locarn, du Club des Trente, de Produit en Bretagne et du Club Bretagne, ont décidé de détourner la colère sociale en protestation régionaliste, unissant travailleurs victimes et patrons qui exploitent leur travail. Rappelons simplement qu’un Alain Glon, président de l’Institut de Locarn, a pu dire qu’ « il y a un truc qui nous fait crever en France, c’est l’égalité » . Les bonnets rouges de Pont-de-Buis ont été livrés gratuitement par le PDG d’Armor-Lux, Jean-Guy Floc’h… Deux groupes identitaires, apparemment bien pourvus, attisent le feu, l’un d’extrême-gauche, autour du mouvement Breizhistance, l’autre d’extrême-droite, sous le drapeau de Jeune Bretagne.

Le piège se referme ainsi, transformant une révolte sociale juste et nécessaire en jacquerie impuissante. Comment en rouvrir les mâchoires ? Oui, la Bretagne ne doit pas se laisser faire, mais en combattant ses vrais ennemis, qui ne se trouvent pas à Paris, mais dans la City, à Wall Street et parmi leurs collabos prédateurs. Il faut investir dans une Bretagne de l’avenir, se renouvelant par les investissements dans les secteurs de pointe et rompant avec la logique financière de l’asservissement. Pour cela, il faut protéger le financement de l’économie réelle, créatrice de vrais emplois, en coupant les banques en deux pour écarter les spéculations destructrices. Ce sont les mégabanques françaises et étrangères qui parrainent le nouveau patronat breton, qui est une oligarchie vieille comme le monde.


L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.


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