Dans Le Monde du 14 octobre, Gérard Courtois vient de prédire que « ça ne se passera pas comme ça » , en vue des élections présidentielles de 2017. Le casting paraît fixé, avec François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen en tête, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon en seconds rôles, mais les Français n’en veulent pas.
Qu’un journal parisien toujours très proche des pouvoirs établis en juge ainsi est révélateur. J’ai personnellement constaté que notre pays est un volcan qui sommeille mais dont on entend de plus en plus les grondements. Les misérables calculs des uns et des autres ne trompent plus personne. La démagogie anti-immigration de Marine Le Pen n’est pas la raison principale de sa montée électorale, mais elle est portée par le fait qu’on veut essayer du neuf, dans un pays déboussolé par le blocage de l’ascenseur social et l’appauvrissement de la vie au-delà des périphériques. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon sont autant de versions de trahison du gaullisme, au point que le maire de Bordeaux a osé déclarer : « Dans la tradition gaulliste, je suis totalement libéral en économie. » Tous disent à peu près tout et son contraire, Sarkozy remportant la palme du langage approximatif dopé aux stéroïdes. Quant à François Hollande, tout le monde voit bien qu’il renoue avec le vieil attirail mitterrandien, diviser pour régner et jouer la famille Le Pen pour apparaître comme le recours du second tour.
Ça se passera cependant bien comme ça si personne ne se manifeste pour répondre au défi de la situation mondiale et aux attentes profondes des Français. MM. Bayrou, Mélenchon et, ajoutons-nous, Dupont-Aignan ne font pas le poids. Pour que ça se passe autrement, il faut qu’un projet, ce qu’on appelait hier un « grand dessein », redonne espérance et ambition.
C’est l’emprise de l’oligarchie financière dans le monde, relayée par la soumission de nos dirigeants et de nos élites bureaucratiques, qui détruit notre système issu de la victoire contre le fascisme. Il nous faut une nouvelle Libération et une nouvelle Nuit du 4 août. Si nous parlons beaucoup ici de politique internationale, c’est parce que c’est à ce niveau que ça se décide. Nous ne pourrons desserrer le garrot et faire redémarrer l’ascenseur social que si nous rejoignons la Résistance contre le monde de la City et de Wall Street. Cette Résistance se manifeste avec l’alternative potentielle que représentent les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Les pays de l’hémisphère Sud ont donné, même en rugby, une leçon à l’anomie « européenne ». Mendès-France et De Gaulle avaient su établir avec ce monde émergent une relation de confiance, leurs successeurs l’ont sabotée. Une réelle dynamique présidentielle doit d’abord la rétablir, la France s’élevant au service de la cause de l’humanité en se redonnant un rôle moteur dans l’entente, la détente et la coopération entre les peuples. Ce n’est pas en courtisant les pays du Golfe pour leur vendre nos armes que nous bâtirons un grand partenariat de référence.
Notre politique, car la France ne peut tout faire toute seule, est donc de chercher des alliés qui soient dans notre intérêt. Au lieu de servir la politique américaine quelle qu’elle soit, nous devons soutenir là-bas ceux qui se battent contre l’ordre de Wall Street et qui ont dégainé l’arme de la séparation bancaire pour ne plus jamais renflouer les spéculateurs et les fraudeurs. A une heure où la mondialisation est devenue criminogène, alimentée de trafics et de djihads, nous devons nous battre pour qu’elle redevienne l’agora d’un concert de nations.
Notre politique intérieure ne peut avoir de sens que dans un monde rendu au développement mutuel et au service des générations à naître. Sans cela, nos dirigeants continueront à être les singes plus ou moins savants des Bush et des Obama, c’est-à-dire d’un système destructeur. Ça doit se passer autrement, mais ça dépend de nous. Entre autres, de vous qui m’avez lu.