Après François Fillon, qui nous disait hier que les caisses de la France étaient vides, c’est aujourd’hui Benoît Hamon qui nous déclare que « la France est ruinée ». L’un et l’autre ne font ainsi que refléter le chantage virulent d’« experts » financiers qui veulent justifier des mesures d’austérité sociale en nous culpabilisant. Ainsi dans Les Echos du 9-10 octobre, Jean Peyrelevade, le conseiller économique de François Bayrou, nous dit que notre endettement public, actuellement à 74% du Produit intérieur brut (PIB), atteindrait en 2017 120%, une « telle évolution étant clairement inacceptable pour les marchés ». Il souhaite que nos « partenaires européens sachent nous ramener à la discipline commune… Une remise en ordre profonde, difficile, douloureuse est inéluctable. »
Jean-Francis Pécresse surenchérit :« Ce qui manque au budget 2010, c’est une stratégie crédible de redressement à moyen terme, orientée sur la baisse des dépenses de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales et qui, à défaut, n’exclut pas de relever provisoirement les prélèvements, sociaux en particulier. » A des degrés divers d’intelligence, MM. Marseille, Baverez et consorts rejoignent ce peloton.
Tous étalent ainsi une incompétence criminelle. Car ce sont bien les politiques de Laval et de Brüning qu’ils cherchent à imposer, qui auraient aujourd’hui les mêmes conséquences désastreuses que pendant les années trente.
La réalité est que la dette publique française est d’abord due aux intérêts payés aux établissements financiers auxquels nous avons emprunté. Pourquoi ? Parce que la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, puis l’article 104 du traité de Maastricht, ont ôté le droit de création monétaire à la Banque de France et livré la monnaie aux banques et sociétés d’assurance. La dette fin 1979 était de 239 milliards d’euros, fin 2008 elle s’établit à 1327 milliards d’euros, soit une hausse de 1088 milliards en 30 ans, pendant lesquels nous avons payé 1306 milliards d’intérêts ! L’on nous a dit et répété alors que laisser la Banque de France émettre de la monnaie condamnait à l’inflation. Et qu’avons-nous aujourd’hui, sans elle ? Une déflation salariale et une baisse du niveau de vie, conjuguée à une inflation monétaire monstrueuse. Nous transférons ainsi chaque jour 150 millions d’euros de notre travail et de notre production à ceux qui sont déjà les plus riches, qui peuvent encore nous reprêter, à nouveau contre intérêt et qui, de plus, nous réclament une livre de chair sociale.
Poussons plus loin l’analyse. Si l’on intègre ce que nous possédons, l’actif patrimonial de la France, et le comparons à notre endettement public, nous disposons d’un surplus d’environ 9000 à 10000 euros par Français ! Enfin, si l’on prend un meilleur critère, celui de la dette totale, ajoutant à la dette publique celle des ménages et des entreprises, la France est le moins endetté de tous les grands pays d’Europe !
Alors qu’arrive-t-il ? En fait, les établissements financiers qui ont provoqué la crise et leurs actionnaires raflent la mise (les Etats ont émis de l’argent en leur faveur et leur laissent se servir en bonus et dividendes supérieurs à leurs bénéfices !) et continuent à jouer sur des marchés de plus en plus opaques. Leurs complices nous dépouillent en démembrant les mécanismes publics de solidarité à vocation universelle, en sélectionnant les assurés et en réduisant les dépenses sociales. M. Fillon penserait « quitter la politique et aller dans le privé pour gagner beaucoup d’argent ». Tout est dit.
Jacques Cheminade