Aucun dirigeant du monde transatlantique, au sein duquel nous nous sommes totalement réincorporés depuis 1983, à travers l’Acte unique, l’Europe de Maastricht et l’OTAN, ne place son action ou son inaction dans le cadre moral d’un développement mutuel. Tous pratiquent la servitude volontaire envers les forts et l’abandon des plus faibles que sont d’abord les enfants, les jeunes, les femmes et les chômeurs. Les politiques de soumission successives de Nicolas Sarkozy et de François Hollande sont l’expression de cet ordre destructeur. Aussi, s’attaquer à tel ou tel aspect de ce qu’ils ont fait ou font est vain, car c’est tout ce qu’ils ont fait ou font qui participe du désastre actuel.
Le caractère destructeur de notre politique de l’emploi n’est donc pas un accident de parcours ou une erreur, mais la conséquence voulue d’un choix des gouvernements. Celui de servir une oligarchie qui tire son pouvoir et ses ressources de l’endettement d’autrui. La dette publique française, dont plus des deux tiers est détenue par des non résidents, est ainsi passée de 21,2 % de notre produit intérieur brut (PIB) en 1978 à 97 % en 2015, et sans doute déjà à 100 % aujourd’hui. Comble de l’ironie, les principaux détenteurs de notre dette publique sont à court terme le Japon, dont la propre dette s’élève à 244 % de son PIB, et à long terme l’Italie, dont la dette atteint, elle, 132 % de son PIB ! Le résultat de ce bal des endettés, portant une dette de plus en plus découplée de la consommation et de la production, est que pour une croissance équivalant à 22 cents aux États-Unis, il s’y émet 1 dollar de dette, et qu’en Europe pour parvenir à 30 cents de croissance, il faut 1 euro de dette. Autant dire que ces dettes ne pourront jamais être remboursées !
Pour l’instant, le monde vit donc d’expédients, comme à la veille de la Révolution française. On a fait ainsi s’endetter les pays émergents dans une monnaie, le dollar, qui n’est pas la leur. Résultat : les dettes d’entreprise de ces pays, libellées en dollars, ont été multipliées par 10 depuis 2009 ! On a en même temps fait subir le poids des remboursements partiels aux travailleurs et aux petites et moyennes entreprises des pays développés. Résultat : chez nous, non seulement la croissance est très faible, mais le taux de création d’emplois est de moitié inférieur au niveau de la croissance. De plus, les emplois créés sont à 91 % des CDD très courts (moins d’un mois) et des intérims. En même temps, artisans, commerçants et indépendants sont livrés à l’impéritie du régime social des indépendants (RSI).
C’est dans ce contexte que le numérique est utilisé pour réduire les coûts et que les salaires deviennent la variable d’ajustement, entraînant logiquement le chômage et la baisse du pouvoir d’achat salarial. Telle ou telle mesure prise contre le chômage, « politique de l’offre » ou « traitement social », ne peut donc aboutir si l’on ne change pas la logique de ce système.
Cela ne veut pas dire que le numérique et la robotique soient un mal en soi et conduisent fatalement à « l’ubérisation », c’est-à-dire à une subordination juridique et économique à l’égard du donneur d’ordres, ou à la multiplication de « slashers », condamnés à de doubles emplois précaires non salariés !
La « quatrième révolution industrielle » associée à de grands travaux d’infrastructure et à une économie physique productive, est au contraire promesse d’un monde fournissant des emplois qualifiés et plus de temps de loisirs pour se cultiver et se consacrer à une formation permanente.
Tout dépend de qui oriente le crédit et qui exerce le pouvoir politique, au niveau national, européen et international. La Chine et l’Inde, en particulier, qui défient l’ordre anglo-américain en se développant, doivent être nos associés naturels à partir desquels nous pourrons construire un pont terrestre de développement mondial.
Là est la clé du combat pour l’emploi à venir. Restent les mesures de transition à prendre et les efforts de formation à entreprendre. Je vous en parlerai bientôt.