La France avec les yeux du futur

Contre les voleurs de mots

lundi 9 mai 2016

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Nous vivons dans un monde où l’on vole les mots, comme on vole dans le tronc des églises, la caisse des partis ou les dépôts bancaires. Si l’on sait que les mots ont pour mission d’être porteurs d’idées, on comprend que la confusion ainsi entretenue sur leur sens est tragique face à notre besoin de repères et de pistes pour conduire aux portes du futur.

Aussi, tentons de sortir les mots du marigot où l’on s’efforce de les noyer, afin d’aider tous ceux qui sont prêts à agir contre nos oppresseurs. C’est à eux que je m’adresse en vue de notre salut commun.

La souveraineté, d’abord, n’est pas la conviction de se sentir supérieur mais le droit au service public pour tous. La souveraineté de nos rois était ainsi attachée à la responsabilité du domaine public, et s’ils faisaient preuve d’arbitraire, la révolte contre leur pouvoir devenait légitime. C’est cette notion de légitimité que la France Libre, la Résistance et de Gaulle évoquèrent contre le pouvoir formellement légal de l’État français du maréchal Pétain. Le programme du Conseil national de la Résistance contre les oligarchies financières fut l’expression concrète de cette légitimité. Cela supposait, en 1940, de se battre d’abord contre l’occupant nazi, comme cela exige aujourd’hui de se battre contre l’occupation financière de la City, de Wall Street et de leurs collaborateurs européens et français. Si l’on ne désigne pas clairement ces ennemis et si l’on ne se bat pas d’abord contre eux, le souverainisme politique n’est qu’une pétition de principe.

« Comme dans une chorale »

La République est la forme accomplie de la vertu et de la décence communes. Alors que la monarchie confie la gestion du bien commun à un roi et à son conseil, la République en donne le droit et le devoir à tous et à chacun. Cela définit « l’égalité des chances » et l’universalité des droits et des devoirs, sans privilèges de naissance ou de fortune. Le « bon gouvernement » ne doit pas incorporer dans le même moule chacune des composantes de la nation pour établir un État total, mais « faire accord de discords » , comme dans une chorale. C’est pourquoi une chorale est en petit ce que la République doit être en grand. L’association de toutes les forces souverainistes, républicaines et progressistes doit s’inspirer à son tour de cette organisation.

La souveraineté de l’individu, qui garantit la liberté de conscience, la souveraineté du peuple, attachée au bien commun et à l’intérêt général, et la souveraineté des idées, fondée sur l’adhésion commune à la capacité de créer et d’améliorer le monde humainement et physiquement, forment ainsi un tripode dans lequel chaque élément soutient le tout. Il ne s’agit pas d’un code à dégainer et à appliquer, mais d’une adhésion du sentiment à un projet commun. S’il faut sortir de l’OTAN, de l’Union européenne et de l’euro, c’est parce que, par leur nature même et leur dévoiement, ils rendent impossible ce projet. Ils sont l’instrument des occupants.

La démocratie est le droit et le devoir pour tous de se lancer librement à la recherche de la vérité, et non le droit d’exprimer son opinion sur tout, sans en mesurer les conséquences et sans autre principe directeur qu’un goût arbitraire. La démocratie ne peut pas ainsi conduire à défendre une culture de la mort. La grandeur consiste à rendre l’autre créateur, et à prendre le risque qu’il devienne plus créateur que celui qui l’inspire.

Dans la politique internationale, c’est soutenir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à se vouer à leur développement mutuel. C’est pourquoi je prends au mot la stratégie gagnant/gagnant des BRICS, qui est notre recours contre l’occupant financier, comme la participation à l’effort de guerre des Alliés était hier notre recours contre l’occupation nazie. Dans la politique intérieure, il s’agit du respect de notre Constitution et de nos lois protégeant le travail et l’éducation nationale.

Les actes doivent suivre les mots pour que les mots aient un sens. Cela s’appelle la politique, reprendre les mots volés.


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L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.