Des élections départementales vont avoir lieu en France les 22 et 29 mars. Aucun effort n’a été fait par le gouvernement ni par la troïka UMPSFN pour informer les électeurs sur leur raison d’être ni leur enjeu. Résultat, un tiers au moins des Français ne savent pas que ces élections ont lieu et 56 % ignorent ce que sont les conseillers départementaux et leurs attributions exactes. Ainsi se trouve démontré le mépris dans lequel notre démocratie tient ses citoyens.
On ne peut donc s’étonner que 33 % des électeurs soient prêts à voter pour le Front national, contre seulement 27 % pour l’UMP et 19 % pour le Parti socialiste. Il s’agit d’un vote de rejet et de recherche d’un pouvoir fort et protecteur. Selon une enquête du Cevipof (le Centre de recherches politiques de Sciences-po), 51 % des Français souhaitent avoir à la tête de notre pays « un homme fort ou une femme forte qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections » , 50 % sont favorables au rétablissement de la peine de mort et 69 % pensent qu’ « il y a trop d’immigrés en France » . Tant que le gouvernement et l’opposition officielle n’offriront pas un projet de justice et de progrès social, restant à la remorque d’une Europe soumise aux néoconservateurs américains et à l’oligarchie de la City et de Wall Street, il en sera ainsi. Face au règne de l’austérité et des statistiques, le repli engendre un front d’impuissance nationale.
Les Français voient bien ce qui leur tombe dessus. Les coûts de la santé deviennent une préoccupation majeure dans le pays où Ambroise Croizat et Pierre Laroque avaient créé le système le plus avancé au monde. Nous comptons 5,5 millions de chômeurs, 3,5 millions de mal logés et 8,5 millions de ménages pauvres. Des milliers de personnes précaires se retrouveront à la rue ce printemps. Pour les jeunes, c’est la galère et pour de plus en plus de vieux, la misère. L’allocation personnalisée d’autonomie est ridiculement insuffisante par rapport au coût des maisons de retraite. L’épidémie de grippe est cause de surmortalité, comme si la canicule de l’été 2003 n’avait pas servi de leçon pour mobiliser les moyens nécessaires. Pendant ce temps, 24 % des jeunes issus de l’immigration sortent du système éducatif sans diplôme, et ce chiffre atteint 16 % pour le reste de la population âgée de moins de 25 ans. Malgré les efforts des enseignants, les filières professionnelles et l’apprentissage sont laissés en jachère.
Le gâchis est terrible. Or, que viennent nous dire les autorités européennes ? Le « socialiste » Pierre Moscovici se flatte d’avoir obtenu pour nous un répit pour atteindre un déficit budgétaire de 3 %. Mais le bon apôtre exige, avec ses collègues, 30 milliards d’économies budgétaires de plus en deux ans, s’ajoutant aux 50 milliards acceptés par Hollande. Même Macron paraît choqué. La Commission, soutenue par l’Allemagne, nous menace d’une « surveillance rapprochée » et on doit « aller plus loin dans le domaine du marché du travail » . Quant à la politique internationale, alors que Barack Obama et les républicains du Congrès américain nous imposent la loi de Wall Street et du GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazone), toute notre presse et la plupart de nos dirigeants nous répètent que tout le mal vient de Poutine, le « maître du Kremlin ». « Internet est à nous » , dit Obama, et nous servons sa politique ! Il est vrai qu’à Bruxelles, Laurent Fabius est surnommé « Laurent Cheney ».
Je réécoute le discours de Charles de Gaulle à Phnom Penh. Je ne puis éprouver que le désir de combattre pour créer un futur échappant à la guerre de tous contre tous et à la désintégration économique. Ce combat est mondial. Les BRICS en sont la nouvelle Résistance, avec nos amis américains engagés à arrêter là-bas ce qui détruit le monde.
L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.