Il y a dix ans déjà, le 29 mai 2005, les Français ont dit « non » à la ratification de la Constitution européenne, à une majorité de 54,68 % des suffrages exprimés. Contrairement à tout ce que l’on a voulu nous faire croire, ce ne fut pas un non à l’idée européenne, mais le rejet d’un modèle économique adopté par Bruxelles et la majorité des partis politiques dominants. Le peuple a dit son opposition à l’austérité destructrice découlant de la série de décisions prises au cours des années 1980 et 1990 : Acte unique, marché unique, libre circulation des capitaux, monnaie unique, Traité de Maastricht.
Depuis, le peuple a été trahi. Ici, à Nouvelle Solidarité, nous pouvons parler haut et fort car nous avons été les premiers, en combattant l’Acte inique et à dénoncer, sans la complaisance de MM. Le Pen, Seguin, Mélenchon et Cie, la tromperie qui a consisté à baptiser « Europe » la dictature des marchés et de leur oligarchie. Il est temps désormais de répondre aux peuples par l’alternative qu’ils exigent.
Depuis dix ans, le non du 29 mai a été effacé par le Traité de Lisbonne, adopté grâce à une révision de notre Constitution votée par notre Congrès le 4 février 2008, qui a permis la ratification du texte lui-même le 8 février par voie parlementaire. Ainsi, Nicolas Sarkozy et les élus, eux-mêmes complices, ont contredit la volonté exprimée par leurs électeurs.
Depuis dix ans, on a entendu Nicolas Sarkozy annoncer au Congrès américain, le 7 novembre 2007, la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Les articles 42 et le paragraphe 7 de l’article 28 A du Traité de Lisbonne consacrent par ailleurs le lien entre cette Europe-là et l’OTAN.
Depuis dix ans, François Hollande a trahi ses promesses électorales de combattre les pactes budgétaires européens et a livré l’examen de nos comptes à Bruxelles.
Depuis dix ans, le gouvernement socialiste a trahi le discours du Bourget en faisant voter, le 18 juillet 2013, un simulacre de « réforme bancaire » qui ne limite pas les spéculations financières sur les produits dérivés, ne protège pas réellement les déposants et ne recentre pas les banques sur le financement de l’économie réelle. L’ex-trotskyste Michel Sapin exalte même une « bonne finance ».
Depuis dix ans, la majorité des opérations financières se fait sans contrôle et à la vitesse de la lumière sur des « plateformes alternatives » qui ne sont que des tables de casino. Les banques ont grandi en prêtant aux Etats, ont spéculé avec leurs gains et les Etats ont dû les sauver à leur tour. Leurs banques centrales ont imprimé des milliers de milliards pour acheter les obligations de leurs propres Etats détenues par les banques ! L’Europe a laissé se créer ainsi une spirale infernale au sein de laquelle tous les chiens financiers se mordent la queue entre eux.
Depuis dix ans, les bourses s’envolent et le chômage croît. Sous Sarkozy comme sous Hollande. Aujourd’hui, il y a 3 536 000 chômeurs de catégorie A en France métropolitaine et environ 6 500 000 demandeurs inscrits à Pôle emploi sur tout le territoire français, tandis que notre dette publique atteint 95 % de ce que nous produisons annuellement, s’élevant à 32 548 euros par habitant.
Le constat d’échec est absolu. Il ne faut donc pas s’étonner qu’aujourd’hui 62 % des Français diraient « non », d’après un sondage IFOP, et non plus seulement 54,68 %.
Sortons donc du piège de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN, devenus les instruments d’une même machine. Pas pour l’illusion d’un repli national, mais pour donner au peuple l’alternative qu’il réclame. L’Etat doit redevenir chef d’orchestre en se battant pour un autre modèle économique. Notre bataille est de regagner une vraie souveraineté contre le monde de la City et de Wall Street, en rebâtissant l’Europe à l’ère des BRICS, une Europe des patries et des projets à refonder de fond en comble.
L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.