Un hommage national a été rendu aux victimes assassinées par les terroristes. Plus encore que la cérémonie solennelle et les accents de La Marseillaise, chantée dans la version martiale d’Hector Berlioz, ce sont le comportement exemplaire du peuple français et nos trois couleurs nationales affichées sans ostentation sur les murs, parfois même sous la forme de drapeaux improvisés faits de quelques chemises, serviettes ou robes, bleues, blanches, rouges, qui m’ont le plus ému. Là se sont manifestées, sans vain esprit de vengeance, une profession de foi contre la mort, une capacité de se dépasser, une calme énergie face au péril.
Politiques, notre responsabilité est d’actualiser ce potentiel pour réparer, reconstruire, refonder les piliers de notre société, tant à l’intérieur de notre pays qu’à l’échelle du monde.
A l’intérieur de nos frontières, nous devons écouter ce que nous dit le drapeau de Lamartine et partir des principes fondateurs qui ont inspiré la France libre et le programme du Conseil national de la Résistance. Cela signifie donner un sens concret à « l’avantage d’autrui » du Traité de Westphalie et donc servir l’intérêt général et les générations à naître.
Les Français ont manifesté, comme aux grands moments de notre histoire, une volonté d’union nationale, qui ne peut en aucun cas être un plus petit dénominateur commun, mais un projet surmontant par le haut les contradictions qui se manifestent par le bas. Ce projet doit fixer la priorité de la création et du travail humains sur la prédation de la finance folle, la reconstruction de notre enseignement en commençant par le primaire, l’impératif de sécurité nationale en le fondant sur la sécurité sociale et une police de proximité, engagée au sein du peuple. Il nous faut un procureur national anti-terroriste, une coopération quotidienne entre nos services de renseignement intérieur et extérieur, mais surtout renouveler l’esprit de fraternité et de respect mutuel entre tous. Ceux qui ont envoyé les terroristes à la mort voudraient que leurs attentats radicalisent les musulmans d’Europe, les poussant dans les bras de Daesh par désespoir. Les très belles déclarations de certains parents de victimes - « je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr » - expriment le juste sentiment de solidarité humaine qui relève le défi.
La coalition sans programme contre le Front national préconisée par Manuel Valls instituerait aujourd’hui Marine Le Pen en opposant unique. Or c’est la convergence du gaullisme d’origine, du socialisme de Jaurès, du Sillon de Marc Sangnier et du radicalisme de Mendès-France qu’il nous faut, un front commun de l’esprit s’incarnant par delà les échéances politiciennes.
Pour être elle-même, comme nous le dit Jaurès, la France doit suivre une politique étrangère cohérente avec sa politique intérieure en fédérant « les nations libres et amies ». J’ai tenté de montrer, au cours de l’élection présidentielle de 2012, ce que peut être ce monde, sans la City ni Wall Street. Aujourd’hui, la City et Wall Street blanchissent l’argent des terroristes, car la finance folle est criminelle. La politique de la France doit donc être de la combattre sans complaisance, qu’elle ait le visage d’Erdogan ou d’Obama.
Écoutons maintenant De Gaulle, le 11 juillet 1944 à Ottawa : « C’est-à-dire qu’on ne peut plus imaginer, pour aucun peuple de notre planète et pour aucun de nos semblables, ni sécurité assurée, ni progrès solide et durable, si toutes les nations entre elles et, dans chaque nation, tous les citoyens entre eux, ne consentent pas à collaborer normalement et fraternellement. » La politique de notre gouvernement vient d’opérer un changement. Portons-le bien plus avant, par delà les fausses frontières de l’opportunisme, contre ceux qui répandent l’insécurité et le crime, pour construire avec les peuples du monde un nouvel ordre non seulement plus juste, mais fraternel dans la création partagée.