Déclaration de Jacques Cheminade
Paris, le 28 juin 2017 — Le 29 mai dernier, lors de la conférence de presse conjointe avec Vladimir Poutine qui a clôturé leur rencontre à Versailles, Emmanuel Macron procédait, comme il l’a dit plus tard lors d’une interview à huit quotidiens européens [1], à un véritable aggiornamento de la politique de son prédécesseur en Syrie et par rapport à la Russie. Emmanuel Macron déclarait ne plus faire du départ de Bachar al-Assad un « préalable » au règlement de la crise syrienne, et annonçait aussi sa volonté de renforcer sa coopération avec la Russie dans le combat contre le terrorisme.
Cependant, en énonçant également l’existence de deux lignes rouges [2] dont le franchissement provoquerait une riposte immédiate de l’armée française, notamment l’utilisation des armes chimiques par qui que ce soit en Syrie, Emmanuel Macron a mis le pied dans la souricière.
Car, dans une situation comme celle de la Syrie, où des combats particulièrement violents ont lieu au cœur même des villes et où il est très difficile de définir la zone géographique contrôlée par les uns ou par les autres ; dans un contexte où les deux camps ont été accusés d’utilisation des armes chimiques, la possibilité que les djihadistes se livrent à des attaques chimiques dont ils font porter la responsabilité sur Bachar al-Assad est tout à fait envisageable.
Or, le 26 juin, le porte-parole de Donald Trump, Sean Spicer, annonçait que les États-Unis avaient « identifié des préparatifs potentiels pour une nouvelle attaque chimique par le régime d’Assad » contre ses populations, et menaçait M. Assad et ses militaires de leur infliger « un lourd prix » s’ils procédaient à de nouvelles attaques.
Sans attendre les vérifications nécessaires, Emmanuel Macron s’est tout de suite mis en rapport avec le Président Trump pour promettre « une réponse commune » contre le régime de Damas en cas de nouvelle attaque chimique !
A la recherche d’une crédibilité internationale et voulant rétablir de bonnes relations avec un président Trump qu’il vient d’incendier suite à son départ de l’accord de Paris sur le climat, M. Macron ne semble pas tenir compte des incohérences de la nouvelle administration américaine. En effet, Donald Trump peine encore à affirmer son autorité dans le champ miné que lui a légué une administration démocrate qui continue, avec les services renseignements, à tirer les ficelles.
Des attaques récentes contre les avions et drones syriens, à la construction d’une base militaire aux frontières entre la Jordanie, l’Irak et la Syrie, les Américains semblent se livrer à un poker menteur ayant pour but d’empêcher la progression des forces syriennes vers la frontière irakienne et la pacification du pays avec l’effort de Bachar al-Assad.
M Trump n’essaie-t-il pas d’utiliser notre pays et son jeune président dans un billard à trois bandes visant a affaiblir la position de Vladimir Poutine et de la Syrie, à quelques jours d’une probable rencontre avec Poutine au G20 de Hambourg ? Or, M. Macron n’a-t-il pas dit, en condamnant les politiques de guerre néo-conservatrices que « la démocratie ne peut pas être imposée de l’extérieur, à l’insu des gens » ?
Il faut veiller à ce que, comme en Irak en 2003, le prétexte de fausses armes de « destruction massive », inventées de toutes pièces par nos alliés anglo-américains, n’aboutisse aux mêmes objectifs par d’autres moyens. Ce sont les objectifs qui doivent être analysés, non des « données » toujours sous influence.