Paris, le 15 mars 2013 – Se plaignant de la politique du gouvernement, une femme déclare aujourd’hui sur France Info : « Et on a la gauche ! » Hélas, si le gouvernement ne se ressaisit pas, on pourrait ajouter « comme en 1956 », lorsqu’elle s’autodétruisait faute de courage politique et incapable de prendre la mesure de la situation historique.
La prise de position de MM. Hollande et Fabius, qui exigent avec M. Cameron que l’on fournisse des armes aux djihadistes combattant en Syrie, nous rappelle qu’en 1956, ce fut la France de Guy Mollet et de Christian Pineau qui lança la désastreuse opération coloniale de Suez avec la Grande-Bretagne d’Anthony Eden. Quand on n’apprend pas les leçons du passé, l’histoire bégaye. Le comble aujourd’hui est que nous combattons au Mali ceux que nous soutenons en Syrie ! Les sophistes diront que Bachar el-Assad est un dictateur et que nous pouvons parfaitement choisir lesquels de ses adversaires nous armerons. La réalité est qu’avec le désordre qui règne sur le terrain et le rôle que jouent les forces armées par le Qatar et l’Arabie saoudite, on ne pourra pas séparer le bon grain de l’ivraie. Pire encore, nous accueillons chez nous, avec le même empressement que Nicolas Sarkozy, les représentants du Qatar et de l’Arabie saoudite, ceux qui arment les djihadistes, en espérant d’eux de grands contrats pour sauver notre économie.
Là se trouve bien la question fondamentale : à vouloir jouer selon la règle du jeu et à ne pas bousculer l’échiquier, l’on se condamne dans une période de crise comme la nôtre à faire le jeu des adversaires de la France, des Français et de la paix dans le monde en y devenant des pions.
Ainsi, l’absurde politique d’austérité à pas de tortue que nous suivons à l’intérieur correspond à notre manque de vision et à notre soumission à l’ordre dominant à l’extérieur. Ainsi le gouvernement abaisse le pouvoir d’achat des retraités, laisse désintégrer le Code du travail, abandonne les missions de l’inspection et de la médecine du travail, réduit les dotations des collectivités territoriales et s’apprête à donner un coup de canif aux allocations familiales. « Du sang, de la sueur et des larmes » , réclament les éditoriaux du Figaro , et le gouvernement n’ose pas s’attaquer à la cupidité des opérateurs financiers, présentant une réforme bancaire qui épargne ceux qui ont été responsables et coupables de la crise.
Cela n’aurait-il rien à voir avec ce que l’on s’apprête à faire en Syrie ? Le dénominateur commun est la servitude volontaire que nous manifestons vis-à-vis de la City, de Wall Street et de leurs associés politiques transatlantiques, en nous portant même au devant de ce qu’ils veulent.
L’on fait ainsi le lit à la fois d’une politique qui mène à guerre de tous contre tous, faute de créer les conditions d’un avenir, et d’un populisme porteur de chaos. Il n’est pas d’issue qui ramène au passé, et le repli national ne peut être qu’une impasse. La mission de la France est donc de lancer enfin le défi d’une autre politique, rétablissant un ordre de développement mutuel et une option diplomatique de défense des Etats-nations et de leurs peuples. C’est ce que nous devons faire en Syrie et au Mali, en proposant des plans y rétablissant le développement mutuel, la détente, l’entente et la coopération. C’est ce que nous devons avoir la volonté de faire aussi chez nous.
Le monde n’a plus d’horizon. Croire que l’économie se rétablira d’elle-même, en entrant mécaniquement dans un nouveau cycle, revient à croire à la magie. Il est temps de rompre avec une règle du jeu suicidaire. Car la différence avec 1956 est qu’aujourd’hui, la situation est beaucoup plus dangereuse.