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François Hollande et le Parti socialiste face à leur destin

mercredi 20 juin 2012

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Paris, le 19 juin 2012 – Aujourd’hui, François Hollande et le Parti socialiste disposent de tous les pouvoirs, hormis celui de modifier la Constitution. Leur victoire, si l’on s’en tient aux chiffres et aux élus, apparaît donc totale. La réalité est cependant à l’opposé des apparences.

D’une part, les pouvoirs en place n’ont pas pris la mesure de la gravité de la situation à laquelle ils doivent faire face, et n’ont donc pas de projet ni de programme politique à la hauteur des circonstances, c’est-à-dire de l’avenir de la France et des peuples européens. D’autre part, la « vague rose » n’est pas un tsunami : elle a déferlé avec un taux de 44,59% d’abstentions, le plus élevé à une élection législative depuis 1958. La majorité absolue à l’Assemblée nationale a été obtenue avec 16,54% des électeurs inscrits au premier tour. Seuls 37% des électeurs dans la tranche des 18/24 ans a voté et 44% dans la tranche 25/34 ans. Dans ces conditions, la base sociale des vainqueurs n’est pas suffisante pour faire face ; il leur est donc impératif de l’élargir en créant un élan à la mesure du défi de l’histoire.

Or ce n’est pas en niant l’ampleur et la réalité de ce défi que MM. Hollande et Ayrault pourront y parvenir. Pour l’instant, rien ne signale leur volonté.

L’appel à la croissance de François Hollande est bien entendu justifié, mais il repose sur une confusion entre économie réelle et économie financière. En effet, parmi les propositions que l’on voit circuler, aucune ne touche à la cause de la crise : une domination de l’oligarchie financière qui entraîne la destruction de la production et le saccage social. M. Hollande veut introduire un élément de solidarité et de justice sociale dans un système dont la raison d’être est de les détruire.
En effet, continuer l’émission de monnaie à travers la Banque centrale européenne, le Fonds de stabilité financière ou le Mécanisme européen de solidarité en lui attribuant une licence bancaire, et émettre des euro-obligations ne peut conduire, dans le système actuel, qu’à une hyperinflation sans aucun bénéfice pour les peuples ou l’économie réelle.

C’est de système qu’il faut changer, en arrêtant de renflouer les établissements financiers, en mettant en œuvre un système de type Glass-Steagall comme nous en avions un à la Libération et en instituant un ordre de crédit public pour de grands projets, avec l’appui d’une banque de la nation sous participation et contrôle citoyens.
Depuis le Traité de Maastricht, l’Europe trahit ce qui fut sa raison d’être et va dans une direction opposée, celle que craignait Pierre Mendès-France dans sa République moderne. Il faut donc lui faire changer totalement de direction. Cela signifie la délivrer de la tutelle financière des banques-casino en rétablissant la souveraineté des Etats sur l’émission de monnaie et de crédit.

En clair, revenir à des monnaies nationales, non pas comme un repli chauvin mais comme le fondement partagé d’un changement politique, car seuls les Etats peuvent ainsi retrouver ensemble cette nécessaire souveraineté qui par nature ne peut se partager. L’idée européenne doit pouvoir être alors refondée dans le devenir d’actions communes permettant de faire à nouveau prévaloir le bien commun et la vie des générations futures, non le profit financier à court terme d’une oligarchie prédatrice.

La France ne pourra retrouver son identité et son rôle historique de défenseur de la justice sociale et du progrès humain qu’en appelant les peuples et les gouvernements européens à faire ce choix. Car continuer comme on va conduit au désastre, et prétendre construire une Europe politique sans éradiquer la tutelle financière exercée par les banques d’affaires, c’est-à-dire céder à leur chantage, conduit à une soumission catastrophique.

L’exemple de la dérive de la droite, désormais sans dirigeant, sans projet et prête à se rallier aux forces de l’irrationnel, devrait suffire à édifier MM. Hollande et Ayrault sur ce qui les atteindra à leur tour, dans des circonstances bien pires, s’ils ne font pas preuve de caractère.
Nos usines ferment, les nuages s’accumulent sur la croissance française, une colère sourde monte en Europe : gérer le système est devenu un acte suicidaire. Il est temps, dans la tempête, que les vainqueurs d’aujourd’hui se ressaisissent, sans quoi ils seront les perdants de demain. Et l’on ne peut pas dire tant pis pour eux, car nous partagerions leur sort.

C’est pourquoi nous nous battons de notre côté pour qu’une action commune constructrice et créatrice se substitue à cette course à l’abîme, en proposant les grands projets nécessaires à l’échelle de l’Eurasie, de l’espace méditerranéen et du monde pour que l’homme redevienne le centre et le but des économies.

Jacques Cheminade

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