Paris, le 15 décembre 2014 — L’immigration est devenue un sujet essentiel en vue de l’élection présidentielle de 2017. Il se réduit malheureusement à un débat sur qui est de trop et où. Ce débat me fait honte.
Les partis restent tous réactifs par rapport à une situation donnée, pour ou contre mais sans horizon, sans définir les conditions d’un vouloir vivre ensemble plus heureux, conforme à la dignité de chacun. Tous se situent dans un monde de combats d’intérêts et se rendent ainsi complices de ceux qui, à l’étage au dessus, divisent pour régner. Beurs, feujs et blacks désignés et se désignant par leur apparence et non comme êtres humains, Français ne se sentant plus « chez eux », retraités livrés à l’insécurité et chibanis à une solitude misérable, roms errant et sans papiers dans la jungle de Calais, voilà ce qui fait le quotidien de notre pays. Dans un monde en contraction éclatant en communautés de frustration et de désespoir.
Je me bats au contraire contre cette contraction, pour changer l’environnement et rétablir le principe républicain d’intégration. C’est-à-dire pour redonner à l’étranger sa place légitime dans une France qui doit elle-même changer pour devenir la France dont le monde a besoin et à laquelle tous doivent respect. Une France sans angélisme hypocrite ni malthusianisme criminel, mais participant à un monde qui crée les emplois de l’avenir. Aujourd’hui, la politique de développement mutuel des BRICS nous offre l’occasion de cette intégration. Saisissons-là, et une vraie solution au « problème de l’immigration » sera dès lors à notre portée.
Il peut y avoir un monde dans lequel personne ne se sente étranger dans son propre pays et où chacun puisse réussir sa vie. C’est ce monde que je veux pour mon pays et pour ceux dont viennent les acculés à l’émigration d’aujourd’hui, un monde où demain l’émigration sera un choix libre et non la fuite devant des horreurs ou le pari de saisir une chance de survie pour soi-même, sa famille voire pour tout un village attendant des mandats. Il peut y avoir un monde où chez nous les jeunes ne seront plus embauchés comme CDD ou intérimaires et où ils ne verront plus dans l’immigré celui qui risque de leur voler leur emploi en acceptant un salaire inférieur ou, pire, celui qui vit d’aides sociales et de travaux au noir.
Notre vrai défi est de créer ce monde retrouvant son coeur, non de voir l’immigration comme des chiffres à augmenter ou diminuer. En le disant je ne suis pas bêtement idéaliste. C’est possible, et c’est même la seule voie qui s’offre aux générations futures, la seule qui puisse nous sortir de notre pessimisme – la seule voie réaliste, si ce mot a un sens.
Je ne puis que répéter ce que j’écrivais en 2011, dans mon programme présidentiel. Car rien n’a été fait qui puisse changer mes paroles. L’Europe se désintègre de l’intérieur, plus encore qu’alors, mais repousse ceux qui n’ont plus d’avenir dans leur pays. C’est ce double suicide qui bafoue la dignité humaine de nous tous.
Dans la logique de mon projet, au contraire, nous devons être capables à la fois d’assurer le développement des pays d’où nous viennent nos immigrés et d’intégrer ceux-ci le mieux que nous pouvons chez nous. Accueil et co-développement devront ainsi définir, comme un tout cohérent, la mission universelle de la France. La vérité est que la nécessaire régulation de l’immigration ne peut être réellement mise en place que de deux façons : en assurant le développement des pays du Sud, pour y créer des emplois qualifiés, hors de la tutelle de la City, de Wall Street, du Fonds monétaire international et du consensus de Washington, et en créant avec chacun de ces pays de vraies formules de co-développement et de partenariat pour la formation et l’intégration économique et sociale.
La solution est de considérer les êtres humains comme des êtres humains, et non des « variables d’ajustement » ou des kleenex à jeter après usage.
1— Développer l’Afrique
Résoudre le « problème de l’immigration », c’est donc traiter d’abord celui de l’émigration. Cela implique de jeter la Françafrique à la rivière, avec ses mallettes, ses valises, ses cassettes et ses licornes, et de fournir aux pays africains les moyens de leur indépendance et de leur développement réel. De manière à ce que le capital humain puisse y rester, d’une part en y promouvant l’équipement social et culturel, d’autre part en organisant dans chaque pays et à une échelle panafricaine un vecteur scientifique tractant leur économie vers le futur. C’est notre intérêt bien compris et le leur. C’était le rêve d’un Cheikh Anta Diop et d’un Thomas Sankara, il est temps de le réaliser.
Pour cela, il faut d’abord sortir du système d’ajustements structurels du FMI qui détruit la santé, l’éducation et les infrastructures, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des accords de partenariat avec l’Union européenne qui, dans leur logique actuelle de démantèlement tarifaire, portent un coup fatal au développement des pays africains.
Ensuite lancer de grands projets infrastructurels à une échelle panafricaine. La revivification du lac Tchad, pour créer un poumon de développement au centre du continent, est une nécessité absolue, de même que la construction du canal de Jonglei au Soudan, la plantation d’une ceinture verte transversale dans le centre de l’Afrique et la remise en eau douce des chotts algériens et tunisiens. En même temps, il faut créer des chemins de fer et des transports à grande vitesse, intérieur-intérieur et côte-côte. Il s’agit de sortir du modèle quasi unique intérieur-côte, organisé pour le pillage des matières premières. L’on pourra ainsi réunifier les marchés entre régions intérieures, en mettant l’accent sur la consommation locale de cultures vivrières.
Pour ces grands projets, des financements à long terme et à faible taux d’intérêt seront nécessaires, l’idée étant que le développement engendré par les projets permette de rembourser les crédits, à l’image des « paiements différés » de ce que fut le Plan Marshall en Europe. Aujourd’hui, l’occasion nous est offerte de coopérer avec les banques de développement des BRICS, et en particulier avec la Chine. Il est temps de se mettre à cette coopération pour le développement, en conjuguant nos moyens et non en se livrant à une compétition pour le pillage des matières premières. Ce sera difficile, mais il n’y a pas d’autre choix disponible.
Cela suppose un changement de perspective absolu dans nos objectifs.
Dépassant les impératifs du maintien de l’ordre, comme au Mali, les armées africaines, avec l’aide de nos soldats et de nos ingénieurs civils et militaires, devront être mobilisées pour construire des voies ferrées, des routes, des ponts et des ports. C’est ainsi qu’elles trouveront une autre vocation que celles d’armées de répression ou de maintien d’un ordre injuste.
Nous devons, en coopération avec l’Inde et le Brésil, qui en ont acquis l’expérience, aider les pays africains à développer des médicaments génériques bon marché. Nous devons surtout rétablir l’esprit pastorien de veille médicale et sanitaire. L’épidémie d’Ebola a montré ce qu’il en coûte de ne pas le faire.
Un commerce équitable doit être mis en place, se substituant à un libéralisme financier et un libre-échange destructeurs.
Dans le cadre de projets locaux et régionaux, compléments indispensables à de grands projets, le micro-crédit devra être organisé par les Etats en faveur des plus défavorisés pour court-circuiter les usuriers. L’idée est de mettre au travail le plus vite possible le plus grand nombre possible, en organisant progressivement les passerelles vers les emplois qualifiés de l’avenir, au fur et à mesure de l’avancement des grands projets.
La dette illégitime des pays étranglés par la politique internationale de ces cinquante dernières années, relayée par des gouvernements corrompus, doit être annulée en faveur de leurs peuples. C’est ce qui libèrera les ressources et les moyens pour la politique que je préconise. Des commissions d’enquête trancheront sur le caractère illégitime ou légitime des dettes. Il s’agit de mettre fin aux menées des fonds vautours et, en général, aux politiques de pillage, qui ne favorisent que des minorités oligarchiques, chez eux comme chez nous.
Ainsi seront créées les conditions pour que la vie et la dignité des jeunes Africains soient enfin respectées. Sans qu’ils soient contraints de partir, sans risque de mourir par noyade ou sur les barbelés de Ceuta ou de Melilla, sans aboutir dans des camps de regroupement ou de travail européens ou dans des logements misérables où leurs enfants risquent d’être contaminés par le saturnisme ou tentés par les réseaux du trafic de drogue.
Ce développement de l’Afrique ne doit pas se réduire à de belles paroles et ne pourra avoir lieu qu’intégré à l’ensemble du projet pour lequel je me bats. Il ne peut servir d’excuse à un rejet de l’immigration en France, comme le fait le Front national. Prétendre réduire en 5 ans l’immigration légale de 200 000 à 10 000 entrées par an est ou bien une escroquerie irréalisable, ou bien suppose un ordre policier répressif dont personne ne peut vouloir. Mon projet n’est pas un projet de repli, mais un ordre de rupture avec la mondialisation financière, sans effets de manche démagogiques.
2 – Pour une politique républicaine de l’immigration
A – Principes
Répétons-le, l’immigration ne peut être traitée comme une simple question relevant de « flux migratoires » ou de sécurité, mais comme un choix de stratégie. Il s’agit de savoir ce que nous voulons faire de notre société « avec eux », avec cet ensemble hétérogène et disparate de « prochains » qui ne peut être défini positivement que par rapport à notre avenir et au sien.
Quatre vérités sont bonnes à dire, car sinon tout le reste devient confus et livré à des émotions incontrôlées dont tirent partie les pêcheurs en eau trouble.
la France, bien que nous ayons la démographie relativement la plus dynamique de tous les grands pays européens, ne pourra pas se passer de l’immigration au cours de ce XXIe siècle, sauf à se mettre en quarantaine ;
l’immigration, à condition d’être régulée et orientée par un effort d’intégration, a toujours été un facteur de dynamisme social ;
un réel problème se pose lorsque les salaires et les conditions de travail dans les pays d’immigration ne s’améliorent pas et que le communautarisme gagne les milieux qui sont rejetés et le ressentent ;
notre politique d’immigration doit bien entendu dépendre de la capacité d’accueil et d’intégration de la France, non pas par rapport à la situation d’austérité et de dépression économique qui sévit en Europe, mais en fonction de la place que nous voulons qu’elle prenne dans le monde et compte tenu de notre engagement pour y parvenir.
B – Rassembler les moyens
Par rapport à ce quadruple constat, nos moyens sont aujourd’hui dérisoires, dispersés et en diminution constante. Il faut donc les rassembler, les accroître et créer une structure unique qui les anime.
L’Etat doit donner un signe fort en créant un grand ministère de la Coopération, du Co-développement et de l’Immigration, pour réunir et intégrer les deux aspects d’une même politique : l’impératif de développement des pays d’émigration et celui d’une gestion juste et prospective de l’immigration. Cette administration ne devra pas être pléthorique mais inspiratrice et instigatrice, en intégrant dans ses réflexions et ses actions des représentants des diverses diasporas. Auprès d’elle, une Agence de l’intégration sera chargée de l’accueil et de l’intégration des arrivants.
Cette agence devra être un guichet unique faisant du « cousu main » dans le respect de la dignité de chacun. Elle devra partir au cas par cas d’un bilan réel des compétences et des carences, en fonction des disponibilités de l’emploi en France, secteur par secteur.
C – Applications en fonction des objectifs
Je ne suis pas opposé à ce qu’un débat ait lieu chaque année au Parlement pour établir des quotas, et non en catimini par le biais de circulaires, mais à deux conditions :
qu’ils soient fixés par métier et secteur économique disponibles à l’arrivée, et non par origine ethnique ou géographique des arrivants ;
qu’il s’agisse d’objectifs et de références pour les services de l’Etat, et non d’impératifs catégoriques.
Il est évident que nous ne pouvons pas offrir un travail, un accès à toutes les prestations sociales et un logement à tous ceux qui aspirent à s’installer sur notre territoire. Cependant, le but est « d’accorder notre instrument » et non de bloquer la machine.
Je ne crois pas, dans ce contexte, qu’une bonne connaissance de notre langue soit un critère déterminant à l’arrivée ; l’apprendre dans les six mois après l’arrivée, oui. Ce qui compte, c’est que la qualification de celui qui arrive lui permette de trouver un travail.
En ce qui concerne l’immigration familiale, elle doit être conditionnée à une véritable évaluation des perspectives d’intégration de la famille en France. Les ressources hors minima sociaux, le logement et la durée de résidence du regroupant, au minimum de deux ans, ainsi que la maîtrise de notre langue par toute la famille doivent être les critères de référence. Nous devons pouvoir offrir 600 heures d’apprentissage de la langue, comme en Allemagne, et une série de cours d’orientation et d’instruction civiques dignes de ce nom. Le suivi devra être assuré par le développement systématique « d’écoles de parents » au cours du séjour.
Il est clair que le principe de libre circulation des personnes ne peut être remis en cause au sein des pays membres de l’Union européenne, mais comme vient de le confirmer le récent arrêt de la Cour de justice européenne, cet espace de liberté ne peut en aucun être utilisé pour abuser des dispositifs sociaux d’un autre pays membre. Ce double principe devra être conservé lorsque nous sortirons du système de l’euro et de l’Union européenne, vis-à-vis des actuels pays membres qui sont dans la capacité d’assurer un contrôle à leur frontière.
Concrètement, le droit aux prestations familiales et au Revenu de solidarité active (RSA) doit continuer dans les conditions actuelles à être ouvert aux ressortissants étrangers si ces derniers sont en séjour régulier sur le territoire français, sous conditions éventuelles de ressources. Il en est de même pour les prestations dites non contributives, celles pour lesquelles les bénéficiaires ne versent aucune contribution. Il s’agit essentiellement de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’Allocation spécifique d’invalidité (ASI) et de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), les étrangers étant soumis à des conditions de séjour.
C’est l’aide médicale d’Etat (AME), taillée sur mesure pour les étrangers en situation irrégulière, qui fait débat. Les principaux candidats de la droite entendent la supprimer ou la réduire, en évoquant son coût. Il faut au contraire la maintenir. Pour une raison humanitaire d’abord. Il y a bien aujourd’hui des abus et des fraudes, mais le problème n’est pas l’aide mais le fait que le nombre d’étrangers en situation irrégulière croisse d’année en année. Rétablir une situation économique dans leur pays d’origine est la solution à la source pour qu’ils ne viennent pas chez nous par désespoir. Pour limiter le nombre de demandeurs de l’AME, il serait plus efficace de contrôler l’immigration irrégulière en imposant un code-barres pour les entrées et sorties des bénéficiaires de visas touristiques. En ce qui concerne les soins, il est de l’intérêt général de les fournir à toute personne présente sur le territoire national, car faute de ces soins et d’un suivi, des réservoirs d’épidémie pourraient se créer au sein des exclus.
En raison de notre politique de rayonnement intellectuel et de développement mutuel, nous devons augmenter le nombre de visas pour études ou formations. La possibilité d’allers-retours doit être offerte : les étudiants, tout comme les migrants de travail, ne doivent pas craindre de perdre à tout moment le droit de revenir en France s’ils retournent provisoirement chez eux. Je suis donc favorable, pour eux, à l’émission de titres de séjour de cinq ans. Le co-développement signifie d’abord de pouvoir circuler dans les deux sens.
Les conditions des étrangers en situation irrégulière doit être humanisée : la rétention administrative en cas d’expulsion doit être réellement l’exception, dans des locaux dignes, et non un instrument banal de procédure. La rétention doit être la plus courte possible et les enfants et donc les familles avec enfants doivent en être exclus, conformément à la promesse non tenue du candidat Hollande. Le projet de loi sur l’immigration portée par notre ministre de l’Intérieur confirme des dispositions de la loi Besson votée en 2011. Il faut au contraire en changer, en revenant à un contrôle du juge deux jours après le début de la détention et non pas cinq et en réduisant la durée maximale de la détention à vingt jours (et non pas quarante-cinq), qui est le séjour effectif là où la procédure est correctement gérée.
Droit d’asile : s’il est constitutif de notre identité républicaine, les abus devenus trop nombreux doivent être sanctionnés. La durée de l’instruction des dossiers doit être accélérée et limitée à six mois. Les demandeurs déboutés ne doivent pas rester sur le territoire national et ne doivent disposer que d’au maximum deux mois pour le quitter. Leur hébergement ne doit plus se faire dans des hôtels, pour un coût exorbitant qui a été souligné par divers rapports, mais dans des centres dignement aménagés avec scolarisation des enfants, dans l’attente d’une intégration ou d’une reconduite à la frontière en cas de rejet de leur dossier.
Roms et migrants de Calais : ils vivent tous dans des conditions indignes et leur présence excède, irrite ou attriste ceux qui vivent auprès de leur misère. Dans le cas des Roms, il faut d’une part assurer que l’aide communautaire aux familles vivant en Roumanie parvienne bien à ceux qui devraient en être les bénéficiaires. Cette aide doit être contrôlée et administrée en commun avec la Bulgarie et la Roumanie. Il y aura alors moins de déplacements vers le reste de l’Europe. Et l’on pourra donc assurer qu’à toute expulsion d’un terrain occupé chez nous, correspondra le placement dans un lieu de vie digne et non dans des hôtels ou de nouveaux « campements ». Dans le cas des migrants de Calais, l’immense majorité vient de pays en guerre ou soumis à des dictatures criminelles. La paix par le développement mutuel dans leurs pays d’origine arrêtera leur flux et notre politique étrangère doit s’efforcer davantage d’en créer les conditions. Dans l’immédiat, il ne faut plus accepter que l’on puisse officiellement travailler sans papiers au Royaume-Uni alors que c’est interdit dans les autres pays de l’Union européenne. Les conditions doivent être les mêmes partout pour éviter que se constituent fatalement des plateformes d’émigration. On ne peut résoudre le problème en exigeant que la police ait les moyens d’arrêter et de renvoyer chez eux les clandestins, car ce serait prendre les victimes pour la cause de leur malheur et organiser une traque sans fin.
Restent des efforts à accomplir pour que l’immigration ne soit pas réduite à un acte de sortie ou d’entrée du territoire et que les immigrés soient intégrés dans les meilleures conditions possibles.
D – Le suivi positif : un environnement redonnant sens à l’immigration
Coopération renforcée avec les pays soumis au premier flux de migrants : l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Malte. Il ne s’agit pas de mettre partout un corps de gardes-frontières européens, mais de partager les responsabilités du défi à la fois pour la mise en place de politiques de co-développement et en mutualisant les responsabilités. Un nouveau traité de Schengen, s’il prévoit avant tout cette coopération positive, pourra en contrepartie prévoir une suspension temporaire à la participation pour les pays qui seraient dans l’incapacité d’assurer le contrôle de leur frontière.
Emploi : seule une politique combinant formation et accompagnement dans l’emploi, mobilisant l’ensemble de l’administration, syndicats et entreprises, sous l’aiguillon de l’Etat, permettra de combattre le sur-chômage des immigrés tout comme celui des jeunes Français. Le grand service public de l’emploi que je préconise prendra l’initiative et orientera si possible les travailleurs vers les secteurs disponibles, qui seront à la fois dans notre intérêt et dans celui de leur pays d’origine. Evidemment, c’est une politique d’ensemble orientée vers la croissance physique et humaine et non vers les spéculations financières comme c’est aujourd’hui le cas, qui fera naître ces emplois disponibles et de plus en plus qualifiés au fur et à mesure des applications technologiques de nouvelles découvertes scientifiques.
Logement : il faut non seulement un véritable engagement des politiques publiques permettant de l’assurer, directement ou indirectement, à tous les Français comme à tous les immigrés résidents réguliers, mais aussi faire en sorte que les « quartiers d’immigration » deviennent progressivement « comme les autres ». Sans que l’adresse n’entraîne comme aujourd’hui une exclusion sociale et professionnelle pour celui qui l’habite.
Présence systématique et coordonnée du service public : des maisons du citoyen devront progressivement rassembler dans un même lieu les principaux services. Administrations, pôles emploi, médecine et inspection du travail, santé, allocations familiales, aide juridique offriront un service global, avec un soutien à l’enseignement du français pour les familles et des services d’interprétariat dans la phase de transition. Les immigrés seront associés à la gestion de ces maisons, à travers des conseils de quartier élus par tous les résidents en situation régulière, Français ou pas, ce qui constituera pour les immigrés un passage responsabilisant vers leur droit de vote aux élections locales, après plus de cinq ans de séjour. Il ne s’agit pas d’un cadeau, mais d’une intégration sur leurs lieux de vie pour ceux qui paient l’impôt comme tout le monde.
Désenclavement des quartiers : par des moyens de transport facilitant la circulation vers la ville, tout comme de banlieue à banlieue.
Formation et scolarité des jeunes : avec un effort conjoint allant de la création accélérée de places en crèches jusqu’à un accès plus ouvert à l’enseignement supérieur, en passant par un effort de tutorat et de suivi dans le primaire, une réelle mise en place de l’apprentissage aujourd’hui délaissé et l’aide à la multiplication des écoles de la deuxième chance. L’éducation doit être la nouvelle frontière qui mène aux emplois d’avenir et un vecteur pour rétablir l’égalité des chances pour tous les résidents, et non une machine à sélectionner des élites d’héritiers. Aujourd’hui, dans certains quartiers, les enseignants font l’objet d’un rejet par les enseignés, autant et parfois davantage que celui subi par la police. Il faut recréer la chaîne du respect, qui est la condition d’une mixité sociale et d’origine géographique réussie.
Justice en faveur des vieux immigrés : leur traitement a été et demeure trop souvent inacceptable et même indécent, ce qui suscite le ressentiment de leurs enfants et petits-enfants, tout particulièrement les fils de harkis. Il faut donner à ces chibanis l’accès à une santé de proximité, en ouvrant des dispensaires au plus près de leur logement, dans des locaux accessibles et à des horaires adaptés, et assurer dans de bonnes conditions la liquidation de leur retraite, car souvent ils ne savent pas faire valoir leurs droits.
Justice en faveur de ceux qui se sont battus ou engagés pour la France : l’injustice faite aux tirailleurs n’a été que tardivement et partiellement rectifiée, car l’alignement des pensions n’a concerné que les anciens combattants. Il faut y ajouter les engagés non combattants, avec bénéfice étendu aux veuves et ayants droit. Un effort particulier doit être fait en faveur des harkis et de leurs enfants. La troisième génération ne doit pas continuer à subir les injustices faites à leurs grands-pères et pères.
Sécurité : les préoccupations ou le rejet de nos concitoyens, en particulier nos anciens, vis-à-vis de l’immigration reposent sur une insécurité ressentie et subie. Il ne s’agit pas d’un fantasme mais d’une réalité. Cependant elle n’est pas due aux immigrés en tant que tels mais à la croissance généralisée du chômage et de la misère, qui pousse à la délinquance. La délinquance ne se manifeste pas selon le passeport ou la couleur de peau. C’est cette délinquance, minoritaire mais de plus en plus violente, qu’il faut prévenir par la politique d’ensemble pour laquelle je me bats et sanctionner par une police de proximité efficace. Les services de police devront non seulement être proches et intégrés, mais ouverts jour et nuit, sans fermeture en fin de semaine. Ils doivent être présents et fonctionner dans des conditions dignes, qui les rendent respectables. Ces services, avec l’aide des surveillants des écoles et des éducateurs qui connaissent bien le milieu où ils opèreront, pourront isoler les cas posant problème et qui « empoisonnent le milieu ». Dans ce contexte, il pourra être mis un terme aux incessants contrôles d’identité actuels, devenus de plus en plus inutiles.
Ne pas parler de cet environnement et surtout ne pas faire de propositions pour l’améliorer, comme le font les politiciens qui parlent de l’immigration comme s’il s’agissait d’une chose en soi, revient à tricher avec la réalité.
3 – Pour un dialogue culturel et religieux
La question de la culture et de la religion doit être posée. Sinon on en vient à l’absurdité de ceux qui organisent des réunions contre l’immigration autour d’un couscous merguez ou de ceux qui pérorent sur la chance qu’elle est pour la France sans avoir jamais côtoyé d’immigrés.
Il s’agit simplement d’organiser un échange entre ce que la tradition de l’immigration porte de meilleur, y compris dans les domaines littéraires et culinaires, et notre culture républicaine. La laïcité, si l’on considère comme Jaurès qu’elle doit être la fin des réprouvés, ne sera pas un obstacle au dialogue mais son principe actif. L’on s’apercevra alors que nos points communs sont plus nombreux que nos divergences, et que les mariages« mixtes » augmentent en France même, et non seulement en dehors.
Cela exclut les intégrismes, à l’égard desquels il ne faut faire preuve d’aucune faiblesse. Les tenues qui cachent le visage humain ne peuvent en aucun cas être tolérées dans l’espace public, pour des raisons de sécurité, et les affirmations de prosélytisme trop agressives (hidjab, croix ou étoiles de David disproportionnées…) doivent être interdites dans tout lieu relevant du service public. Le reste relève justement du discernement des responsables des lieux où s’exerce l’activité, qui peuvent mieux évaluer l’intention des personnes. Etant entendu qu’un discernement sans complaisance est une attitude plus sage qu’une agressivité répondant au même niveau que celui de l’agressivité éventuelle de l’autre.
Nos cultures doivent partager ce qu’elles portent de plus beau et de plus universel, renouant avec l’esprit de l’entente de Charlemagne avec Haroun el Rachid et de Rachi de Troyes avec Nicolas de Lyre.
Tout effort de dialogue entre juifs, musulmans et chrétiens doit être non seulement encouragé mais publiquement soutenu, car être Français, c’est participer à l’unité d’une histoire dans la diversité des apports, qui sont de nature à surprendre et élever ceux qui ignorent comment s’est constituée leur propre identité.
L’islam en France doit être traité comme les autres cultes, ni plus ni moins. Au nom de l’exercice de leur liberté de conscience, les fidèles doivent pouvoir disposer de lieux de prière, de centres culturels et de lieux de réunion et construire des mosquées respectant les lois et les principes de l’urbanisme.
L’immigration continuera ainsi, bien entendu, à poser des « problèmes », mais ce sont les problèmes mal posés qui ne trouvent pas de solution.
La politique d’intégration, en étant à l’intérieur de notre pays une recherche de l’unité dans la diversité, doit devenir l’équivalent dans l’ordre international à notre participation à un Nouveau Bretton Woods, à un Pont terrestre eurasiatique étendu à l’Afrique et à la Ceinture économique d’une nouvelle route de la soie, une unité dans la diversité à l’échelle de nouveaux objectifs communs de l’humanité. La diaspora africaine en France doit avoir sa part dans cette mobilisation de toutes nos énergies vers le futur. Car la France n’a jamais été un équilibre mais une certaine idée, une idée toujours portée par une dynamique qui constamment la dépasse et l’élève.
Il ne faut plus laisser faire les déclinistes et les pessimistes, car la France a une mission universelle dans un monde en mutation, une mission universelle au-dedans comme au dehors d’elle-même. Ne pas l’assumer serait devenir l’ombre de nous-mêmes, une ombre condamnée à disparaître dans une guerre de tous contre tous.