Mardi 15 décembre, le LeJDD.fr a interrogé Jacques Cheminade à propos de la loi de « modernisation » de l’élection présidentielle, présentée notamment par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, et qui vise à fermer l’accès au débat présidentiel à tout candidat émergeant.
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Refonte du temps de parole médiatique, évolution du système de parrainage des maires, réduction du temps lié aux dépenses de campagne… Le texte sur la modernisation de la vie politique arrive ce mercredi dans l’hémicycle. Une menace pour les petits partis, selon Jacques Cheminade, candidat à l’élection présidentielle de 1995 (0,28% des voix) et en 2012 (0,25%), qui voit là un musellement du jeu démocratique.
Adoptée en procédure accélérée à la Commission des lois le 9 décembre, la proposition de loi du député Jean-Jacques Urvoas (PS) sur la modernisation de la vie politique prévoit de revoir plusieurs dispositifs de l’élection présidentielle. Le député du Finistère et président de la Commission des lois espère ainsi réaliser des "ajustements demandés depuis parfois plus de 10 ans".
Trois chantiers se distinguent particulièrement dans ce texte. Le premier, met en avant le principe d’équité dans les médias durant la période dite "intermédiaire" (20 jours avant publication de la liste officielle des candidats), au lieu de l’égalité du temps de parole entre les candidats. Le second, vise à revoir le système de recueil des parrainages pour "mettre fin au harcèlement des élus", explique le député. Le dernier réduit de moitié le calendrier des dépenses de campagne, sur demande de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Pour justifier l’application de ces mesures, Jean-Jacques Urvoas a notamment souligné "l’hypocrisie" du système actuel, affirmant : « Quand Jacques Cheminade fait 0,25 % des voix au moment du vote décisif (de l’élection présidentielle de 2012, Ndlr), il ne me paraît pas anormal qu’il n’ait pas exactement le même traitement". LeJDD.fr a demandé au principal intéressé ce qu’il pensait de la réforme.
Si elle est adoptée, qu’est-ce que la proposition de loi va changer pour les petits partis politiques ?
Premièrement, l’introduction du principe d’équité va réduire la visibilité des petits partis. Cela va laisser davantage la mainmise aux médias pour choisir leurs interlocuteurs en fonction des élections précédentes et des sondages. C’est une décision très étonnante mais qui n’est pas nouvelle. Elle faisait déjà partie de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin en 2012. Et à l’heure où l’on a besoin de renouvellement, on décide de fermer le jeu de la démocratie. En définitive, on réduit le débat à ceux dont on connait déjà les idées. On veut empêcher l’oxygénation de la vie politique française. Au lieu de faire cela, on devrait peut-être s’interroger à savoir pourquoi Marine Le Pen bénéficie d’autant de temps de paroles lors des dernières élections. C’est une curieuse façon de considérer l’équité. Après, il y a peut-être un calcul de certains autour de François Hollande qui consiste à favoriser la montée du FN pour Marine Le Pen soit au deuxième tour. Mais la période actuelle est trop grave pour jouer à cela.
Le texte prévoit également de revoir les conditions de parrainage des maires. Ici aussi, vous dénoncez une mesure faite pour les grands partis ?
Avec le système de parrainage actuel (qui prévoit qu’un candidat récolte au minimum 500 parrainages de maire avant d’en transmettre la liste au Conseil constitutionnel, Ndlr), les maires signataires prennent déjà acte du sérieux des candidatures. Si l’on ajoute à cela de nouveaux filtres, qui reviendraient par exemple à dire "tel candidat est plus légitime qu’un autre pour parler dans les médias", cela créera chez eux davantage de rejet des décisions prises au sommet par un régime de grands partis. C’est de l’infantilisation, on prend les maires pour des enfants. A cela s’ajoute l’article 2 de la proposition de loi, qui prévoit que les maires enverront eux-mêmes, par voie postale, leur parrainage au Conseil constitutionnel. En filigrane on espère pour les petits partis, ceux qui sont à la limite des 500 voix, des pertes de signatures, des ralentissements dans les procédures d’envoi…. Au final, que certains candidats ne puissent pas l’être.
La proposition de loi prévoit également de réduire les comptes des dépenses. Qu’est-ce que cela changerait pour votre parti ?
Avec une période réduite à six mois (contre un an actuellement, Ndlr), on va renforcer encore l’écart avec les grands partis, qui bénéficient des moyens silencieux de l’état pour faire campagne, ou sinon de financements d’oligarques. Pour se présenter à une élection il faut du temps. Il faut se faire connaître, organiser des débats, rencontrer des élus sur le terrain. Cette réduction des comptes de dépenses va directement pénaliser les petits partis, ceux qui ne sont pas connus dans les médias. Il faut que l’on en prenne conscience ! Ce n’est pas une modernisation de la vie politique. Par le passé, certains m’ont comparé à un moustique. Avec cette proposition de loi, on prend un marteau-piqueur pour écraser un moustique.