12 novembre 2018 — La mobilisation des gilets jaunes, le 17 novembre, est une juste cause et nous la soutenons sans réserve.
Les manipulations politiques des uns et des autres ne sont pas le sujet. Une juste cause est une juste cause, et les principaux animateurs du mouvement refusent toute récupération. Cependant, par delà cette mobilisation, il est nécessaire de combattre ce qui a engendré cette situation inadmissible.
Quelques chiffres d’abord, pour que chacun puisse juger. Globalement, les dépenses en carburant dans le revenu des ménages sont passées de 12 % dans les années 1960 à 30 % en 2018. Depuis un an, les prix ont augmenté de 23 % pour le diesel et de 15 % pour l’essence. Or la part des taxes est de 57 % du prix du diesel et de plus de 60 % de celui de l’essence. Ce sont les plus faibles qui trinquent en subissant ces taxes : ceux dont les revenus sont les plus modestes, pour qui la hausse est proportionnellement la plus forte, et ceux qui doivent utiliser leur véhicule pour aller travailler, sans pouvoir faire autrement. C’est-à-dire cette majorité de Français que sont les plus modestes, les ruraux et les citadins des villes de moins de 20 000 habitants. Le lieu de travail, la poste, l’école et les hypermarchés se sont éloignés, démantelant la notion d’aménagement du territoire et aggravant année après année la situation.
Pour un couple avec 2 enfants se déplaçant en diesel et se chauffant au fioul, les taxes auront augmenté de 600 euros et la contribution s’élèvera bien au delà entre 2020 et 2022. Pour les agriculteurs, le prix du gazole non routier (GNR) pour les tracteurs est passé de 0,50 à 0,87 euros le litre, soit un prélèvement supplémentaire de 7 400 euros pour qui consomme 20 000 litres par an. Ajoutons que les entreprises du BTP ne bénéficieront plus, en 2019, d’un taux réduit de taxe sur leur gazole non routier : résultat, le prix du litre augmentera de 50 %, de 1 à 1,50 euro.
Bref, on veut faire payer le coût de la politique « écologique » aux plus modestes et aux plus dépourvus. Cela s’ajoute à une politique sociale et fiscale qui va dans le même sens. Résultat : les plus modestes se saigneront toujours aux quatre veines car il ne peuvent pas faire autrement et continueront à rouler pour travailler et pour vivre, sans améliorer la dépollution. On leur a d’ailleurs dit hier d’acheter des voitures diesel car elles étaient moins polluantes, alors qu’aujourd’hui on leur fait payer le prix des pollutions par les particules fines. Sans compter que seulement 19 % du produit des taxes récoltées va à la transition écologique ! A noter que le kérosène des avions ne subit pas la même taxation et que les porte-conteneurs géants de la mondialisation financière sont eux aussi épargnés. Et on fait grimper le coût des carburants avant de mettre en place des infrastructures de transport plus écologiques !
Bref, au nom d’une politique écologique qui est ni juste ni efficace, le gouvernement aggrave la politique de spoliation des ouvriers, des agriculteurs et des classes moyennes aux revenus modestes, tout en proclamant que cette politique est « sociale ». L’hypocrisie s’ajoute ainsi à la spoliation et provoque la montée de la colère de ceux qui sont pris à la gorge.
Cependant, il faut aller plus loin. C’est toute la politique en cours depuis plus de 40 ans, cette dictature financière qu’on appelle « libéralisme », qui doit être changée. La spoliation par le prix des carburants en est un aspect essentiel, mais seulement un aspect. Derrière se trouve la férocité d’une dérégulation qui donne aux plus forts tous les droits. Et qu’offre-t-on aux victimes ? Des aumônes qui ne compensent pas la spoliation : ici, un chèque de 20 euros, là une subvention au chauffage passant de 150 à 200 euros et plus loin, la défiscalisation des aides financières des collectivités locales en faveur des travailleurs qui prennent leur voiture. Une série insultante de sparadraps sur des blessures graves.
La solution est une politique d’ensemble qui redonne priorité au travail humain, à l’emploi, à la recherche, à l’éducation, à la formation et à la santé publique. Bref, au retour d’un Etat du peuple, par le peuple et pour le peuple, maître du crédit pour construire l’avenir, et une séparation bancaire, une vraie, arrêtant le sauvetage des spéculateurs par les banques centrales au détriment des peuples. En termes clairs, une politique nationale et une politique internationale cohérentes qui mettent fin à la dictature de la City de Londres, de Wall Street et de leurs complices chez nous. Ce n’est pas aussi compliqué qu’on veut nous le faire croire, et c’est une politique de salut public. Il y a urgence, non pas d’abord climatique mais d’une météo de krach et de guerre de tous contre tous.
Soutien total aux gilets jaunes, soutien à cette colère qui vient et que je partage totalement, avec l’espérance qu’elle aille au fond des choses, par delà les arrière-pensées de ceux qui cherchent à en tirer profit en troublant les esprits.