Sollicité, comme d’autres candidats, par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) sur sa position sur les grands travaux, Jacques Cheminade avait répondu dans les délais au questionnaire soumis aux candidats.
De son coté, la FNTP s’annonçait disposée à publier sur son site la réponse de chaque candidat à l’occasion du Forum des travaux publics, organisé le 23 février à Paris au Carrousel du Louvre.
Or, dans les faits, la FNTP a bétonné. Sur le site, seuls Fillon, Le Pen et Mélenchon ont eu le droit de faire connaître leurs positions !Un choix pour le moins étonnant...
Interrogé sur la situation, un responsable nous a fait parvenir le message suivant :
"Nous avons en effet interrogés plus de candidats que ceux présentés sur le site Réinvestissons la France. Au final, la FNTP a choisi de n’en présenter que trois."
Voici donc la réponse d"un candidat qui réclame un débat public avec tout ceux qui, comme lui, se retrouvent au « Salon des refusés » :
Jacques Cheminade, le candidat des grands chantiers
Depuis trente ans, je combats une finance prédatrice qui a fait main basse sur notre système bancaire et nos banques centrales. Bien que chaque jour des sommes colossales de liquidités soient injectées dans le système mondial, l’argent et le crédit, au lieu de se transformer en capital réel, c’est-à-dire investi dans les infrastructures physiques et humaines, finissent par n’alimenter que des bulles financières éphémères et les désastres qu’elles engendrent.
Désindustrialisation, déclin infrastructurel, pauvreté, chômage, main-d’œuvre sous-qualifiée. Vu le tournant dramatique que prend la crise, toute sortie par le haut exige des solutions comparables à celles appliquées par Franklin Roosevelt dans les années 1930, et surtout ce même volontarisme, cet amour du prochain et cette vision du futur qui animaient également Mendès France et de Gaulle durant les « Trente glorieuses ».
Mon premier chantier sera donc celui d’une vraie réforme bancaire visant à libérer l’argent et le crédit. D’abord, en séparant de façon stricte les banques commerciales des banques d’affaires (Glass-Steagall Act), l’argent des ménages et des entreprises sera mis à l’abri des spéculations. Ensuite, en reprenant le contrôle de l’émission monétaire et du crédit, l’Etat, au lieu de s’endetter sans fin auprès des banques privées, se donnera de nouveau les moyens pour investir dans les grands projets d’équipement à long terme dont nous avons urgemment besoin.
Je suis scandalisé de voir combien la qualité de nos infrastructures de base a régressé depuis 2008 : en six ans (2008-2014), la France est passée de la 4e place mondiale à la 10e ! Les travaux de maintenance les plus élémentaires font cruellement défaut, ce qui a un impact direct sur la vie des entreprises. Depuis 2008, le secteur du BTP a perdu 25 % de son activité : 35 000 emplois disparus dont 12 000, rien qu’en 2015. C’est inacceptable !
Pourtant, l’accroissement de la productivité d’un pays dépend précisément du niveau de qualification de sa main-d’œuvre, de la qualité de ses équipements énergétiques et des autres infrastructures.
Or, il est à souligner que c’est précisément l’investissement conséquent dans les infrastructures qui permet aujourd’hui aux pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) d’enfin émerger. Ce sont notamment ses investissements dans les barrages, les canaux et dans plus de 20 000 kms de chemin de fer rapide qui ont permis à la Chine de sortir plusieurs millions de ses habitants de l’extrême pauvreté. Et aujourd’hui, elle invite la France à des partenariats gagnant/gagnant pour industrialiser l’Afrique.
Au niveau français, voici quelques-unes de mes propositions :
- En émettant 100 Md€ par an, ma politique de crédit productif permettra, notamment pour les grands chantiers d’infrastructures, d’embaucher annuellement des milliers de personnes, en partie pour remplacer graduellement les 426 000 actifs du BTP qui auront pris leur retraite bien méritée entre 2012 et 2022 ;
- J’annule la réforme territoriale (loi NOTRe) et j’augmente les dotations en faveur des collectivités territoriales afin qu’elles redeviennent, sur le terrain, les relais du redressement économique ;
- Je demande l’abrogation du principe de précaution qui n’a pas sa place dans notre Constitution et je simplifie l’ensemble des cadres administratifs et réglementaires ;
- J’organise la fin des « zones blanches » en créant un grand service public garantissant à tous les Français et sur l’ensemble du territoire un accès au numérique haut de gamme ;
- J’entreprends la rénovation des 500 000 logements insalubres et la construction de 150 000 logements neufs supplémentaires par an afin d’atteindre les 500 000 par an dont on a besoin (ce dernier engagement, selon le bureau d’étude Price Waterhouse Coopers, créerait à lui seul 160 000 nouveaux emplois annuels) ;
- Sur le plan maritime et portuaire, afin de rattraper les énormes retards encourus dans la maintenance de nos grandes et moyennes infrastructures, je lance un « nouveau Plan Freycinet », c’est-à-dire un plan d’ensemble permettant de mettre à niveau et dynamiser nos ports en construisant dans leur hinterland (arrière-pays) un maillage dense d’infrastructures de transport (fluvial, ferroviaire et routier) ;
- Dans cette optique, je débloque immédiatement les crédits d’urgence nécessaires à la modernisation du port du Havre. A part des mesures immédiates (« chatière » pour les barges poussées et électrification de la ligne Serquieux-Gisors pour le fret ferroviaire) je fais construire l’écluse reliant le terminal des conteneurs de Port 2000 à la darse de l’Océan (accès à la Seine), je fais prolonger le « Grand canal du Havre » et j’entreprends la mise à grand gabarit du canal de Tancarville et la modernisation de ses écluses. Comme alternative au projet coûteux de Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN), envisagée aujourd’hui pour augmenter la disponibilité des voies classiques au fret ferroviaire, pourquoi ne pas, sur les bermes centrales de l’autoroute A13, étudier la construction d’une ligne aérotrain « nouvelle génération » sur voie surélevée, une solution bien moins onéreuse et déjà étudiée dans les années 1970 par l’ingénieur Jean Bertin ;
- Je démarre un certain nombre de nouveaux chantiers (métros, aérotrain, haut débit pour tous, pistes cyclables, etc.), dont certains figurent déjà au Schéma national des infrastructures du transport (SNIT) qui, en 2011, suite au Grenelle de l’environnement, a listé tous les grands projets d’infrastructures de portée nationale dont la réalisation est souhaitable d’ici 2030 ;
- J’augmente l’aide publique aux 71 Pôles de compétitivité qui, depuis dix ans et dans le cadre des investissements d’avenir, ont su promouvoir l’innovation en organisant, sur des thèmes et des technologies de rupture, une synergie entre Etat, collectivités territoriales, recherche publique, enseignement et entreprises ;
- J’étends leurs activités aux secteurs de pointe prioritaires : nucléaire du futur dont la fusion par laser et confinement magnétique, numérique, robotique, cobotique, nanotechnologies, biomimétisme, impression 3D, médecine nucléaire, biotechnologies, espace, chimie verte, recherche métallurgique, transports rapides, exploration océanographique et nouveaux matériaux ;
- J’engage le grand carénage de notre parc électronucléaire, dans le cadre d’une transition accélérée vers des réacteurs de 4e génération (neutrons rapides, thorium, réacteurs modulables, flottants et sous-marins, transmutation des déchets, etc.). J’entends en finir avec une fausse écologie qui prétend défendre l’emploi et la nature en favorisant des technologies à densités énergétiques faibles et intermittentes (éolien, photovoltaïque, etc.), qui ne perdurent qu’aux grands frais du contribuable. L’Etat garantira la fourniture d’une énergie abondante, sûre et à faible coût, condition indispensable à la réindustrialisation ;
- En absence de preuves scientifiques solides, je renonce aux accords de la COP21 sans pour autant renoncer à une transition énergétique vers des énergies plus denses permettant de réduire notre dépendance aux hydrocarbures ;
- J’ouvre, dans chaque ville ou agglomération urbaine, des laboratoires de fabrication (fab lab) citoyens, offrant en particulier aux jeunes un accès démocratique aux outils de production industriels (découpe laser, imprimante 3D, etc.) dans un cadre ludique et formateur ;
- Je double la contribution française à l’agence spatiale européenne (de 900 M€ en 2016, soit 15 € par Français), car son équivalent sera dépensé en France pour des projets à haute valeur scientifique et technologique ;
- Je salue la création, le 14 novembre dernier, lors du passage à Paris du vice-Premier ministre chinois, d’un fonds franco-chinois de 300 millions d’euros géré par la CDC destiné à aider les entreprises à investir en pays tiers, notamment en Afrique et en Asie. Par contre, je suis très déçu par la taille minuscule des montants mobilisables par ce fonds (2 milliards), pour un continent prêt à décoller qui a besoin de tout en matière de grandes infrastructures. A l’origine, la Chine avait d’ailleurs proposé un fonds beaucoup plus ambitieux de 50 milliards d’euros, notamment pour des projets faisant appel à des équipements européens… Ne pas voir que dans la dynamique de croissance imprimée par les grands émergents (Chine, Inde, Russie, etc.), l’Afrique sera, dans quelques décennies, un continent en plein développement, témoigne de l’absence de vision qui conduit notre pays dans le mur.