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Karel Vereycken (Porte-parole Cheminade) lors de la table ronde sur la lutte contre les Paradis fiscaux

vendredi 14 avril 2017

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Le 3 avril 2017, jour anniversaire des Panama Papers, les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires [1] avaient organisé à Paris un grand oral des candidats à la présidentielle sur les questions de fraude et d’évasion fiscales.

« Alors que la fraude et l’évasion fiscales représentent en France un manque à gagner d’au moins 60 à 80 milliards d’euros par an et que les scandales d’évasion fiscale ne cessent de se multiplier, les citoyen-ne-s sont en attente de réponses fortes à ce sujet », précise la Plateforme.

Bien que la salle accueillait quelque 250 personnes, seulement cinq candidats ont cru nécessaire de se faire représenter :

  • Pour Benoît Hamon, la magistrate Eva Joly ;
  • Pour Emmanuel Macron, l’ancien juge anti-corruption Eric Halphen ;
  • Pour Jean Luc Mélenchon, le juriste Bernard Féraud ;
  • Pour Philippe Poutou, la porte parole du NPA Christine Poupin ;
  • Pour Jacques Cheminade, le porte-parole Karel Vereycken dont voici l’intervention.

La séparation bancaire
une arme de guerre contre la fraude fiscale

Intervention de Karel VEREYCKEN, porte-parole de Jacques Cheminade

Avant de présenter des mesures concrètes pour lutter contre la fraude fiscale, permettez-moi de revenir un instant sur le diagnostic.

Pour Jacques Cheminade, les paradis fiscaux ne sont « les ombres projetées sur la paroi de la caverne », pour reprendre la métaphore de Platon dans La République.

Ce n’est que le reflet du vrai problème : la financiarisation d’une économie mondiale devenue de plus en plus criminelle et criminogène par nature. Imposer une fiscalité plus contraignante permettrait certes de gagner une bataille, mais pour gagner la guerre, c’est la nature même du système qu’il faut changer.

Pour nous libérer de ce qu’il appelle « l’occupation financière », Jacques Cheminade propose deux types de mesures, les unes destinées à créer un environnement, les autres visant à sanctionner :

Assainir l’environnement :

  1. Au lieu de se contenter de filiales dédiées, on doit réellement couper les banques en deux (banques de crédit et de dépôt d’un côté, banques d’affaires de l’autre) en s’inspirant de la loi Glass-Steagall de Roosevelt de 1933 et de ce qui fut fait à la Libération en France par la loi de décembre 1945.
  2. Pour en finir avec l’impunité scandaleuse des banques, il faut mettre un terme au monopole dont elles disposent depuis 1973 pour le financement des Etats. Il faut rétablir partout une capacité de crédit souverain, y compris en Afrique, en mettant fin au franc-CFA. En France, cela veut dire changer le statut de la Banque de France et l’autoriser à faire des avances au Trésor, notamment pour des politiques de grands travaux et d’équipement.
  3. Supprimer la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MIF), cette loi qui régit depuis le 1er novembre 2007 l’organisation des marchés financiers en Europe. En autorisant l’exécution d’ordres d’achat et de vente de titres financiers en d’autres lieux que la bourse régulée, les instances européennes ont enfanté le fameux shadow banking dont Alain Juppé ignorait l’existence et qui prétend nous tenir en otage aujourd’hui.
  4. Stopper la cotation assistée en continu (CAC) sur les marchés financiers et revenir à une cotation journalière, afin d’éviter les spéculations incessantes, en particulier en fin de marché ou avant son ouverture.

Ensuite, des mesures juridiques

  • Donner de réels moyens d’agir à notre parquet financier autonome, ainsi qu’aux services de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale et aux inspecteurs de la douane judiciaire, en créant en même temps une vraie police financière, fusionnant les douanes et la brigade de répression fiscale ;
  • Réintégrer la fraude fiscale dans le droit commun pénal pour mettre un terme aux excès de favoritisme dans ce domaine. La sanction doit pouvoir être judiciaire pour être suffisamment dissuasive ;
  • Supprimer le filtre de la Commission des infractions fiscales qui permet au ministre du Budget, donc à l’Exécutif, par ce qu’on appelle le « verrou de Bercy », de faire le tri des diverses fraudes pouvant donner lieu à des poursuites pénales ;
  • Lutter contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises, d’une part en retirant aux sociétés du CAC 40 l’agrément dont elles disposent pour appliquer le régime du « bénéfice mondial consolidé », et d’autre part, en supprimant le régime d’intégration de droit commun, qui permet de faire remonter les résultats des filiales sans imposition vers la société « tête de groupe », dans le cas où la détention d’une société mère française par une société étrangère permet de facto de délocaliser les bénéfices ;
  • Autoriser les juges d’instruction à procéder à la saisie des biens des intéressés et de leurs présumés complices, sans attendre le jugement, comme en matière de trafic de stupéfiants, et notamment à geler les avoirs des présumés coupables en matière de fraude à la TVA ;
  • Taxer en France les grands groupes de l’internet. La plupart des bénéfices européens de grandes sociétés, comme Amazon au Luxembourg ou Apple en Irlande, sont enregistrés dans un pays qui leur permet de payer des impôts à des taux ridicules et d’échapper à ceux du lieu où ils exercent réellement leur activité. Récupérer cette base fiscale exige de créer une Autorité européenne du numérique, qui impose la fin de ces détournements de recettes fiscales, et que l’ensemble des pays européens négocient sans complaisance avec les Etats-Unis le partage de la valeur fiscale ajoutée ;
  • Renverser la charge de la preuve pour le blanchiment d’argent liquide, conformément à l’amendement déposé par deux députés à l’Assemblée nationale. C’est au propriétaire d’une somme en espèces au-delà de 50 000 euros d’en prouver la provenance légale ;
  • Etablir en France un régime de paiement de l’impôt en fonction de la nationalité et non du lieu de résidence, ce qui permettrait de mettre fin aux expatriations bidon et à la fuite fiscale des résidents français à l’étranger.

La mise en place de ces mesures permettrait de récupérer progressivement une somme que l’on peut estimer entre 20 et 30 milliards sur les 60 à 80 milliards de fraude fiscale. Cette somme considérable pourra être utilisée pour diminuer les charges des PME produisant ou relocalisant en France et accroître le pouvoir d’achat des ménages.

L’idée d’un pacte de rapatriement des capitaux en France sous condition me paraît devoir être soutenue. Il s’agirait d’exonérer les fonds rapatriés des paradis fiscaux ou de pays étrangers qui viendraient s’investir dans un emprunt d’Etat à 10 ou 12 ans, rémunéré à un taux fixe modéré garanti et indexé sur le coût de la vie, servant à l’équipement de l’homme et de la nature, prioritairement attribué aux PME (par exemple, équipement de nos hôpitaux en matériel moderne et de tout notre territoire en fibre optique, isolation thermique, logements sociaux, etc.).

En même temps, la France doit proposer aux Nations unies et au G20 que soit déniée toute existence juridique aux sociétés holding et autres coquilles off-shore ouvertes dans les paradis fiscaux, tant celles placées sous la protection de Sa Très Gracieuse Majesté la Reine d’Angleterre que celles opérant depuis le Delaware. Il s’agit de mettre fin à une pratique de camouflage couvrant le blanchiment d’argent et la fraude fiscale.

Privées d’existence juridique, ces sociétés sans réelle activité économique ne pourraient plus ouvrir de comptes bancaires dans les banques officielles, qui devraient donc les radier de leurs livres.


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Notes

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