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Le visage de l’autre

lundi 23 août 2010

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Coincé devant son peuple par son incapacité à imposer une politique différente de celle de ses amis financiers, Nicolas Sarkozy tente une fois de plus de sortir de sa manche l’atout « sécurité ». Finies les envolées du discours de Toulon sur la fin du capitalisme financier et retour à la case départ de l’élection présidentielle de 2007. Cela, tout le monde peut s’en apercevoir, mais personne, parmi les partis établis, n’élève le débat au niveau où il devrait être.

Les tours de l’escamoteur ne marchent plus. Depuis huit ans, c’est-à-dire 2002, le nombre de délits contre les personnes s’est accru et les incivilités se multiplient. Depuis trois ans, le gouvernement Fillon a supprimé 9000 postes de gendarmes et de policiers et 3500 suppressions supplémentaires sont programmées d’ici 2012, seulement partiellement compensées par le recrutement d’adjoints de sécurité moins bien rémunérés et plus précaires. Enfin, traiter la sécurité publique comme une question en soi ne relève en rien le défi lancé par l’effondrement du système financier qui en crée les conditions.

Aussi, le Président de la République et ses amis, MM. Ciotti, Estrosi et Hortefeux, pratiquent la fuite en avant en remettant en cause nos principes constitutionnels et notre vouloir vivre en commun. Même s’il ne s’agit que d’une posture électorale, elle n’en est pas moins extrêmement dangereuse par l’état d’esprit qu’elle propage. Cette forme malsaine de bêtise ne recherche pas les causes profondes des phénomènes et s’exonère de penser les conséquences humaines de ses affirmations. Il y a bien entendu de graves problèmes de sécurité dans notre pays, mais il faut les traiter dans toutes leurs dimensions, et d’abord à leur racine.

Comment en effet peut-on parler de sécurité alors que la pauvreté et le chômage (23,8 % des jeunes), qui engendrent la délinquance, sont aggravés par la politique du gouvernement ? Comment parler de « sécurité » alors que les inégalités s’étendent, que le service public est détruit et qu’il n’y a pas en France de politique de péréquation digne de ce nom entre régions riches et régions pauvres ? Le gouvernement n’a-t-il pas gelé ses transferts vers les collectivités, au détriment des plus faibles ? Est-ce un hasard si Nice et Neuilly sont parmi les villes qui ne respectent pas l’obligation d’un parc locatif d’au moins 20 % de logements sociaux, et si Nice dispose d’un policier municipal pour 1200 habitants alors que pour Marseille, il y en a un pour 3598 ?

Le vrai fondement de la sécurité est que les principes destructeurs de la vie sociale ne soient plus tolérés dans la vie économique. Disons-le franchement : la gauche comme la droite ont laissé se répandre dans la vie publique un amoralisme destructeur dont la priorité absolue est de sortir.

Il est temps de reprendre le flambeau qu’on n’a pas laissé porter à Pierre Bérégovoy. Son discours d’investiture du 8 avril 1992, dénonçant le régime de l’argent fou, et sa loi du 29 janvier 1993 mettant en place le service central de lutte contre la corruption, n’ont pas été suivis d’effets.

Plus encore, notre mission est d’ouvrir au peuple un horizon long de grands travaux à l’échelle de notre pays, de l’Europe et du monde. L’homme qu’espérait Jaurès n’est pas aveuglé par la haine de l’autre, mais apprend à respecter son visage en améliorant avec lui l’univers où il vit, découvrant ses principes et les appliquant pour le bien commun. C’est la clé pour retrouver ce que Renan appelait la solidarité de la nation comme héritage et de la nation comme projet.

Jacques Cheminade

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