La France avec les yeux du futur

Il existe en France une élite de l’élite qui entretient une connivence malsaine entre la grande banque, le monde des affaires et des intermédiaires affairistes, la haute administration, la politique, la justice, le journalisme, les arts et les lettres et l’édition. Il s’agit d’un milieu qui est imprégné par un culte de l’avoir, de l’instinct et de l’instant que propagent ceux qui opèrent sur le court terme des marchés. Cette élite de l’élite est l’émanation directe de la mondialisation financière ; elle dégrade les êtres humains en flattant leur désir de posséder et en tourmentant leurs anxiétés.

Son univers « d’en haut » est rejeté par la majorité des Français. Ils veulent « autre chose », mais ils ne savent pas dire quoi ou en ont perdu l’espérance. Face à une oligarchie qui promeut les images et les illusions, ils se sentent joués mais ont perdu l’estime de soi et le sens des solidarités collectives qui leur permettraient de rompre avec la règle du jeu. Ils savent que les États renflouent les casinos financiers qui ont fraudé et fauté, imposent l’austérité aux peuples, s’efforcent de piller leur épargne et sabotent l’économie productive. Ils sont cependant dépourvus et s’ils rejettent le système des partis établis, ils ne disposent pas des ressources pour monter eux-mêmes sur la scène. Ils sont indignés, atterrés ou passifs, mais ne conçoivent pas l’alternative. Ma candidature vise à leur redonner force et confiance, en leur inspirant un sursaut vers une dynamique de développement économique réel et de justice sociale qui refondera cette alternative.

Un nouveau Serment du jeu de paume et une nouvelle Nuit du 4 août sont nécessaires pour organiser leur participation à ce projet collectif. L’enjeu est le vouloir vivre en commun. Le défi est de rouvrir le champ politique aux classes populaires qui en ont été progressivement exclues, en abolissant passe-droits et privilèges.

A la croisée des chemins, nous devons redonner vie à nos repères fondateurs :

  • le Préambule de notre Constitution du 27 octobre 1946, voté « au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine ». Repris dans la Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958, il reste lettre morte dans tout son contenu social.
  • le Programme d’action du Conseil national de la Résistance, établi le 15 mars 1944 afin d’instaurer « une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Une austérité de droite et une rigueur de gauche, associées à l’aventurisme sans projet des extrêmes, ont permis le retour de ces féodaux qui ont déchiré le tissu économique de notre pays.
  • la Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944, concernant les buts et objectifs de l’Organisation internationale du travail. Elle proclame que « le travail n’est pas une marchandise » et que « la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous ». Il reste à soumettre la finance à ces principes, comme le voulait la Déclaration, alors que nous vivons au contraire dans un monde de réseaux, de vassaux et de suzerains, de plus en plus dépourvu de principes.
  • la Déclaration universelle des droits de l’homme, votée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948.

Ces textes et l’esprit de ces textes, dans lesquels nous sommes censés puiser notre inspiration et qui sont tous le résultat d’une longue histoire par laquelle l’homme a découvert en lui-même sa part de responsabilité humaine, sont aujourd’hui trahis. Mon objectif est de les faire revivre en ouvrant des pistes pour « élever à la dignité d’homme tous les individus de l’espèce humaine », comme le voulait Lazare Carnot.

C’est possible si l’on est convaincu que la France est « une certaine idée » qui s’accomplit dans l’histoire, pour le bien commun non pas seulement d’elle-même mais de tous les peuples. C’est possible si l’on croit réellement à la devise de notre République, « Liberté, Egalité et Fraternité », qui est toujours à réinventer. C’est possible si l’on croit au principe de notre Constitution, « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C’est possible si l’on devient capable d’alimenter notre République avec la contribution toujours recommencée de nouveaux républicains, car le squelette d’une République sans républicains, où les voyous de toute nature se glissent jusqu’aux bureaux de la présidence, est déjà une dictature.

Ma candidature à l’élection présidentielle vise à redonner substance à ces repères, pour qu’ils ne restent pas le décor d’une farce politique, au moment où le monde sombrerait dans le chaos d’une guerre de tous contre tous s’ils continuaient à n’être plus respectés.

Les élites de notre pays méprisent le peuple et le tiennent à l’écart des questions fondamentales, lui mentent ou jouent sur son pessimisme pour le démobiliser. Convaincu que le sommeil de la raison engendre des monstres et que dans les tempêtes, le peuple devient plus que jamais capable de comprendre son intérêt si quelqu’un le lui explique, je m’efforcerai de faire un effort constant de pédagogie, comme Jaurès, de Gaulle et Mendès-France en leur temps, car le respect de la dignité d’autrui est notre meilleure arme.