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Pari sur l’avenir

mercredi 9 janvier 2013

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Les équipes du Commissariat au Plan, à l’époque où il en existait encore un digne de ce nom, engageaient ce que Louis Armand appelait « un pari sur l’avenir ». Les forces vives de notre pays, syndicats et majorité industrielle du patronat, respectaient « l’ardente obligation » qui était le projet de la nation. Le futur voulu définissait les actions dans le présent et le général de Gaulle pouvait dire que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » . Aujourd’hui, un responsable socialiste m’a affirmé qu’il s’agissait d’une époque où l’économie fonctionnait de façon « rustique » et que la mondialisation impose une autre règle du jeu. Cette adaptation à un ordre injuste, socialement destructeur et qui porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage, est le ver dans le fruit. Elle explique que la politique économique n’ait pratiquement pas changé depuis l’éviction électorale de Nicolas Sarkozy.

Mes vœux pour cette année 2013 sont au contraire que l’on se redéfinisse par rapport à nos lendemains. Léon Bourgeois disait que nous avons contracté envers les générations passées une dette que nous devons acquitter envers les générations futures. C’est la seule dette qui vaille car elle se situe dans le réel et non dans l’ordre dominant du capital fictif et de l’argent Roi.

François Hollande, dans ses propres vœux de bonne année, a assuré que le « cap » était fixé : désendettement, compétitivité, maîtrise de la finance. C’est un cap qui nous mène vers les récifs. Le maintien de l’austérité budgétaire et salariale qui s’ensuit, se traduisant par une augmentation du SMIC de seulement 0,3 %, est le chemin de l’autodestruction. La « corbeille » dont parlait de Gaulle, c’est-à-dire la Bourse de Paris, est devenue bien davantage qu’en son temps un casino d’initiés tricheurs qui n’alimente plus l’économie. Les échanges quotidiens réels de titres atteignent environ 800 millions d’euros, le reste relevant du trading à haute fréquence. Ce n’est plus le futur qui définit le présent, mais les ordinateurs programmés par les spéculateurs et opérant sur des fractions de seconde. Depuis plus de trente ans, l’Etat se soumet à cette règle du jeu et c’est ce qui l’empêche de faire reculer le chômage.

Notre pays se trouve ainsi sans projet et sans confiance dans l’avenir. Le combat contre la pauvreté n’est pas réellement mené. La droite se gargarise du respect du travail, mais en réclamant le droit de le payer mal. La gauche, faute de faire face, organise de grands débats sur des sujets relativement mineurs. L’Etat coupe l’aide aux petites communes. La loi bancaire de M. Moscovici tourne le dos à l’espérance soulevée au Bourget.

Le moment est venu de renverser la vapeur. Le trimestre qui vient sera décisif. Nous menons ici le combat au cœur de l’enjeu, pour qu’une nouvelle loi Glass-Steagall coupe les banques en deux et permette d’assainir le terrain financier. Une politique de crédit public finançant de grands travaux doit être en même temps lancée pour définir le terrain économique, avec un retour à une logique de banque nationale et de planification indicative. C’est la double condition de l’existence et de la maîtrise d’un futur. Ce n’est pas possible dans le système de l’euro ? Eh bien, il faut refonder l’Europe. La France ne peut le faire seule ? Eh bien, elle doit donner l’exemple en regardant autour d’elle. Un mouvement pour le Glass-Steagall se lève aux Etats-Unis et même en Grande-Bretagne. Allons-nous monter dans la voiture balai, en queue de peloton, ou inspirer autrui en étant fidèles à une certaine idée de nous-mêmes ?

Jacques Cheminade

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