L’engagement auquel appela Michel Rocard en 1979 est bien plus nécessaire aujourd’hui. Nos responsables politiques ne parlent même pas faux, ils parlent en l’air. Ils se préoccupent de l’état des meubles et des canalisations de la maison alors qu’elle est en train de prendre feu.
Une dictature financière détruit l’économie et une arrogance satisfaite d’elle-même, non seulement impose l’austérité sociale au plus grand nombre, mais organise la guerre des moins pauvres contre les très pauvres, des peuples européens contre les migrants. Ceux qui condamnent le « populisme » sont ceux qui l’ont nourri par leurs politiques égoïstes ou, pire, par leur soumission au monde de l’argent. Ils multiplient les « réformes », entretiennent la confusion et l’angoisse du déclassement et désignent des boucs émissaires pour détourner du combat contre les coupables. C’est ainsi qu’a fonctionné pendant la présidentielle l’affrontement entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, que l’on tente de reproduire pendant la campagne des européennes en opposant « nationalistes » et « progressistes ».
Nous prenons au contraire le taureau par les cornes. Alors que partout on annonce le krach financier, nous nous battons pour qu’une stricte séparation bancaire soit appliquée, les Etats cessant de soutenir, implicitement ou explicitement, tous les prédateurs qui spéculent, ces « mains invisibles » tâchées de sang. Nous nous battons pour qu’un nouvel ordre économique mondial, un Nouveau Bretton Woods, soit mis en place entre les grandes puissances, la Russie, l’Inde, la Chine et les Etats-Unis ensemble, qui seules ont le poids nécessaire pour imposer un changement de système au monde de la City et de Wall Street. La France, au lieu de se perdre dans les rêveries d’un promeneur solitaire européen, doit jouer le rôle de promoteur et de médiateur de cet indispensable changement de système. Si l’on veut être gaullien, Monsieur Macron, il faut prendre le risque de déplaire, de résister, de libérer et de concevoir un jubilé contre la dette illégitime.
Pour cela, notre politique étrangère doit soutenir l’Initiative une ceinture, une route de la Chine, non pas du bout des lèvres mais avec une vigueur sans angélisme, car c’est la seule perspective à long terme reposant sur un ordre gagnant-gagnant, à l’opposé du principe destructeur d’un vainqueur raflant toute la mise. Nous savons que le président de la République entend reconnaître la place particulière du continent africain « où se joue largement l’avenir du monde ». Eh bien, il doit savoir que notre image y est très dégradée et qu’une politique de paix par le développement mutuel, avec les ressources de la Chine mais pas seulement, est seule de nature à la rétablir en méritant ce rétablissement. Quant à l’Union européenne, dans le désarroi où elle se trouve, elle est nécessairement sous la coupe d’un « fédérateur extérieur » dont M. Macron a pu reconnaître l’identité au cours de ses déplacements ou de la lecture des Mémoires de guerre du général De Gaulle.
Evidemment, on dira que tout cela est bien loin du ressenti quotidien des Françaises et des Français. C’est faux. Ils comprennent intuitivement ou mieux encore le lien entre la baisse de leur pouvoir d’achat et la règle du jeu imposée de l’extérieur. Il est temps que l’on tire les conséquences de leur conscience des choses et qu’on arrête de les infantiliser. Les mensonges de MM. Le Maire et Darmanin sur le budget sont longs comme le nez de Pinocchio. Tout le monde s’aperçoit que les retraités et les salariés sont les grands perdants de l’affaire, alors que le gouvernement clame que « notre combat, c’est le travail sous toutes ses formes » et, au mieux, reprend d’une main ce qu’il a octroyé de l’autre.
Monsieur Macron, après le « en même temps » vient « l’après-coup ». Comme il y a urgence, extrême urgence, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que vous changiez. Car vous êtes président de la République, même si parfois, en écoutant votre entourage...