Un gouvernement qui, au sein d’une grande tempête, se borne à colmater les brèches du navire, n’a jamais pu et ne pourra jamais l’empêcher de se jeter contre les récifs.
« Le changement est déjà engagé », nous dit Pierre Moscovici. Examinons les mesures prises. Un plan pour la croissance en Europe ? Les dispositions que l’on dit avoir obtenues étaient déjà prévues ou décidées à Bruxelles. En fait, ce soi-disant « pacte de croissance » n’est là que pour justifier la ratification du Traité sur la stabilisation, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui va être soumis au Parlement fin septembre et constitue un véritable pacte budgétaire d’austérité. Cette ratification aurait dû faire l’objet d’un référendum ; nous nous trouvons donc face à un déni de démocratie de même nature que lors de l’adoption du Traité de Lisbonne. Pire encore, non seulement l’austérité sociale se trouve déjà inscrite dans les faits par les mesures de blocage des dépenses annoncées par Jean-Marc Ayrault, mais dans le contexte européen que nous acceptons, nous devrons nous infliger l’équivalent de 33 milliards de coupes budgétaires supplémentaires pour parvenir aux 3 % de déficit public promis à Bruxelles pour la fin 2013. Du sang et des larmes pour la majorité des Français, et le renflouement pour les mégabanques qui exercent leur tutelle sur le gouvernement. Disons-le franchement : sous prétexte d’aider la Grèce, ce que notre gouvernement propose est que la Banque centrale européenne achète sur le marché secondaire des obligations grecques détenues par ces mégabanques, au profit donc des intérêts financiers qu’ont en Grèce le Crédit Agricole, la Société générale et la BNP-Paribas !
La conférence sociale et le redressement productif ? Dans ce contexte accepté d’austérité financière, il n’a pu et ne pourra s’agir que de sparadraps. L’exemplarité de l’Etat ? Représentée par une diminution de 30 % de la rémunération du Président et des ministres, alors que le pouvoir d’achat populaire baisse et que la France continue à perdre des emplois industriels, est-ce bien sérieux ? N’est-ce pas plutôt une feuille de vigne ?
Nous pourrions continuer ainsi. Cependant, le plus important n’est pas ce que fait ce gouvernement, mais ce qu’il devrait faire et ne fait pas. Prenons le cas de la Syrie : certes, l’idée irresponsable d’une intervention militaire lancée par Nicolas Sarkozy a été rejetée, et nous ne procèderons qu’en vertu d’un accord aux Nations unies et sans fournir des armes. Cependant, nous ne proposons rien de positif, qui serait un vaste plan de paix par un développement économique mutuel pour toute la région, y compris en faveur d’Israël et d’un Etat palestinien, et nous ne dénonçons pas les manœuvres criminelles du Qatar et de l’Arabie saoudite. Au contraire, nous accueillons leurs investissements chez nous ! Tout cela n’est pas un point de politique étrangère, mais l’expression d’une politique d’ensemble qui ne fait pas face aux défis de notre temps.
Au lieu de continuer les compromissions avec l’oligarchie financière qui aujourd’hui domine le monde, nous devrions penser demain pour sortir du pessimisme dominant et être fiers de ce que nous déciderons de devenir.
Cela signifie arrêter de creuser sa propre tombe au sein d’un système qui s’est lui-même condamné et reprendre en main les moyens de créer. Financiers, en protégeant tout ce qui est nécessaire pour qu’une société puisse continuer et en ne renflouant plus les spéculateurs. Economiques, en créant une vraie banque nationale qui émette du crédit pour de grands projets européens, méditerranéens et eurasiatiques, plateforme vers un futur nous sortant du ghetto de l’euro. Humains, en assurant une éducation et une formation professionnelle qui développe les capacités créatrices de tous.
Utopie ? Non, car c’est aller comme on va qui nous mène au chaos.