La France va mal, faute d’une stratégie audacieuse face au monde qui vient, faute de combattre le totalitarisme financier. La question de produire en France se pose dans ce contexte dramatique. Je m’efforcerai donc de vous présenter une démarche politique globale et cohérente, et non un catalogue de mesures dont aucune ne pourrait en elle-même s’élever à la hauteur du défi.
Commençons, comme tout candidat à la présidence devrait toujours le faire, par le rôle que notre pays devrait jouer dans le monde pour créer l’environnement lui permettant de changer les choses chez lui. Nous subissons une occupation financière, il faut en libérer nos entreprises par le haut.
Face au monde de la City et de Wall Street, nous avons bradé notre souveraineté monétaire. Or, si l’Etat ne dirige pas la monnaie, c’est la monnaie qui dirige l’État, comme le disait Georges Boris en 1945, lorsqu’il s’opposait à Jean Monnet. Et ce monétarisme engendre un capitalisme dévoyé par ses excès, devenu un système criminogène impropre à l’activité de patrons honnêtes. Défendre le patriotisme économique veut donc dire d’abord retrouver notre souveraineté monétaire et d’émission de crédit contre ceux qui l’ont kidnappée. L’occasion s’offre aujourd’hui. Car on entend en France et partout dans le monde de plus en plus de voix appeler à une grande conférence mondiale sur le développement mutuel, la dette et la fiscalité, contre la finance noire. Il faut commencer par là, sinon le reste demeurera de belles paroles qui n’engagent que vous qui êtes ici et les écoutez.
Après la Conférence du G20 à Hangzhou, la politique chinoise nous offre l’occasion de prendre le train en marche d’un nouvel ordre gagnant/gagnant, concernant les deux moteurs d’un même engin que sont les investissements et les échanges. Cette démarche des BRICS est certes imparfaite mais, par sa nature même, antagoniste à l’austérité qui nous détruit et favorable à la reprise de grands travaux d’infrastructure et à la production dans le monde. Ah, je sais ! Vous me direz que la Chine est un danger. Je vous répondrai oui, si nous continuons à nous soumettre à la finance anglo-américaine, car alors elle jouera contre nous en nous considérant comme un ennemi sans vision. Non, au contraire, si nous exigeons d’avoir une place dans le poste de pilotage de ce nouvel ordre financier et monétaire qui se dessine, en nous engageant à coopérer avec les BRICS sur leurs grands projets. Lorsque la Chine nous demande de bénéficier du statut d’économie de marché, qui lui permettrait d’inonder l’Europe de ses produits, nous devons savoir dire non. Non, mais en proposant l’alternative qu’est une méthode sectorielle d’entente et de coopération, fondée sur les principes du protectionnisme intelligent de l’économiste Friedrich List et de Maurice Allais contre la concurrence déloyale. Les exceptions au libre-échange devraient être la protection de nos industries naissantes, l’exclusion du dumping attesté et la défense des intérêts fondamentaux de notre pays. Pas de TAFTA, pas de CETA qui est le cheval de Troie de TAFTA. Imaginons en même temps les immenses marchés qu’ouvriront, en Asie, en Afrique et en Amérique latine les initiatives chinoises, et négocions intelligemment notre participation. La patrie, ce n’est pas le repli national, c’est susciter l’esprit d’entreprise et protéger ceux qui entreprennent. C’est mon engagement.
Évidemment, la question européenne se pose dans ce contexte. Nous ne pouvons accepter une Union européenne qui pratique le mépris des nations en servant les marchés et non notre économie. Il faut donc passer à autre chose. Sortir de l’Union européenne et de l’euro tels qu’ils sont. Et en venir avec les quelques pays européens proches de nos conditions économiques, à une Europe non plus d’institutions bureaucratiques, qui produit l’austérité depuis plus de vingt ans, mais à une Europe des patries, dans l’esprit du plan Fouchet de 1962, fondée sur de grands projets communs, cohérents avec ceux des BRICS, tout en s’efforçant d’entraîner l’Amérique vers ce nouvel ordre international. Illusion ? Retour en arrière ? Non, car c’est l’Europe de Bruxelles qui a trahi sa raison d’être en se livrant à la libéralisation financière et au libre-échange, et qui a substitué la règle du « winner takes all » à la solidarité entre patries.
Le patriotisme économique consiste donc à relancer l’Europe des patries autour de grands projets communs et d’une harmonisation fiscale et sociale progressive négociée entre Etats, en s’alignant sur le taux allemand d’impôt sur les sociétés, et non à continuer avec une Europe devenue une réunion de copropriétaires rapaces. Il faut sortir de l’UE actuelle pour rebâtir, et sortir de l’euro pour retrouver une monnaie nationale de producteurs et de travailleurs. « Ce n’est pas possible, cela entraînerait une dévaluation qui accroîtrait le poids de notre dette ! » Non, car quoi qu’en dise un quarteron d’incompétents, c’est la lex monetae qui s’applique, car si notre dette souveraine est bien libellée en euros, elle a été émise pour 97 % en droit français. Nous devrons donc rembourser dans notre monnaie nationale, selon le principe de souveraineté monétaire internationalement reconnu. En cas de dévaluation, notre endettement diminuerait au lieu d’augmenter par rapport à la valeur des autres monnaies et la dépréciation relative de l’euro-franc (ou franc nouveau) assurerait la relance de nos exportations, rendant une marge de croissance à notre économie ! Tout cela doit d’ailleurs se situer dans une négociation européenne et internationale sur la dette, car le système actuel de multiplication des dettes et de taux d’intérêts négatifs nous conduit droit dans le mur. Évidemment, une monnaie commune aux pays membres de l’Europe des patries, comme le fut l’Ecu, devra être mise en place vis-à-vis de l’extérieur, avec des parités à déterminer entre partenaires.
Voilà donc l’environnement nécessaire au déploiement d’un patriotisme économique. Restent les mesures à prendre à l’échelle nationale.
On connaît l’importance que revêt pour moi une véritable séparation bancaire, à l’image du Glass-Steagall de Roosevelt ou du système dont nous disposions en 1945, rompant la dépendance des secteurs de dépôt et de crédit envers les spéculations sur les marchés financiers. Avec ces banques, réorganisées autour d’une nouvelle Banque de la France nationalisée – ce que ne permet pas l ’Union européenne – et gouvernée par un Conseil national du crédit regroupant les forces vives de la nation, une véritable politique de crédit public finançant l’essor de nos entreprises pourrait être mise en place. Le patriotisme économique, c’est contrôler la monnaie et le crédit pour l’orienter vers les entreprises qui produisent en France. Il ne s’agit bien évidemment pas de pénaliser les entreprises du CAC40, mais de cesser de leur accorder des avantages indus. La logique de noyaux durs conduit à une attitude molle vis-à-vis de la finance folle. De plus, nos leaders mondiaux ne cherchent pas à préserver les sous-traitants français, payent leurs fournisseurs avec retard en toute illégalité et récupèrent de la marge à leur profit. Je ferai au moins installer une garantie universelle de paiement, gérée par la Caisse des dépôts et consignations, payant les PME à la place du mauvais payeur et se retournant ensuite contre lui. En matière d’achats publics, inspirons-nous au moins de l’Allemagne pour acheter aux PME françaises : je soutiendrai une mutualisation des achats, la création d’une centrale d’achats par région, avec pour objectif 40 à 50% d’achats provenant des TPE, PME et des ETI.
Je mettrai en œuvre une véritable TVA sociale, pour diminuer dans ce contexte nos prix à l’exportation et protéger nos entreprises en taxant les importations. L’effet ne peut être mécanique. La mesure doit d’abord être annoncée, expliquée et négociée avec les représentants syndicaux et patronaux afin que la modification de fiscalité soit rapidement reflétée sur les prix et que chacun joue le jeu de l’intérêt général. Une analyse des bénéfices de la mesure par secteur économique est ensuite nécessaire afin de moduler les taux de TVA. Il s’agit de concentrer le plus possible l’effet de baisse des coûts sur les secteurs soumis à la concurrence internationale et de suivre de près les répercussions sur les prix. Enfin, les produits de consommation nécessaires à la vie quotidienne doivent être taxés plus modérément et les baisses de cotisations sociales ciblées sur les salaires les moins élevés. Ainsi, l’amélioration de notre solde extérieur conduira à une hausse de notre activité économique, un supplément de revenu étant également engendré par la baisse du chômage et la hausse rendue possible des salaires réels.
Je prendrai ensuite toutes les initiatives nécessaires pour que la France devienne un des lieux de la révolution 3.0 et 4.0. Je me battrai pour que les grandes plateformes soient encadrées. Ces acteurs globaux doivent s’engager à respecter l’ensemble des territoires sur lesquels ils opèrent en payant leurs impôts en proportion de leurs activités sur place. Les encadrer veut aussi dire contrôler leur pouvoir de référencement vis-à-vis des PME. Je lancerai un plan d’investissement d’avenir pour faire de Paris la première place européenne des fonds de fonds afin de soutenir le capital-innovation au service de la transformation digitale des entreprises. En particulier, la création de blockchain par la place de Paris permettra de simplifier les échanges financiers en toute sécurité. Les entreprises françaises doivent recevoir tout le soutien nécessaire pour être à la pointe de cette révolution qui vient. J’assurerai aussi que des initiatives comme celle de l’École 42 soient orientées vers l’économie productive française. Pour passer à l’industrie 4.0 il faut aussi avoir des salariés formés pour s’approprier ces nouvelles techniques !
Je ferai en sorte que la formation continue devienne un pivot de la R&D, en m’inspirant du meilleur du modèle suédois. Je revaloriserai le « bac pro », les lycées pro et le métier d’ingénieur. Je réorienterai les filières d’apprentissage pour faire face à la digitalisation des usines. J’exigerai que les organismes de formation soient soumis à un réel contrôle des compétences et des parcours. Je ferai en sorte que les salaires des apprentis soient revalorisés par un allègement correspondant des charges des entreprises. En même temps, le compte personnel d’activité (CPA) doit permettre à la fois la sécurisation du travailleur et son intégration dans le collectif de travail, renforçant son intégration dans les équipes et sa visibilité sur l’avenir, pour une citoyenneté créative dans l’entreprise. Il faut relancer la participation gaullienne à la mesure du 21e siècle.
Enfin, il ne faut pas nécessairement doper les dispositifs fiscaux, mais les recentrer vers les PME et les start-up. Le crédit d’impôt recherche, notamment, doit être redéployé sur des PME/PMI industrielles et ne plus bénéficier aux créateurs d’algorithmes pour spéculer à la vitesse de la lumière. Il est nécessaire aussi d’aider aux dépôts de brevets qui coûtent très cher, en organisant aussi un crédit d’impôt et également de mettre en œuvre un crédit d’impôt production ciblé PME et ETI. Je ferai aussi en sorte que les régions, qui sont mieux à même de détecter les besoins des PME et start-up locales, deviennent décideurs, avec les moyens pour cela. Pour favoriser la proximité et les circuits courts il faut arrêter de diminuer les dotations aux collectivités territoriales car on joue ainsi contre notre camp.
Il est clair que la prime à l’embauche pour les PME est une mesure utile pour les entreprises de moins de 250 salariés. L’aide aux jeunes en situation de grande précarité favorisera certes les contrats d’apprentissage ou l’immersion en entreprise, et donc aidera à produire en France, mais ce n’est qu’une béquille. C’est, on ne le répétera jamais assez, une politique d’ensemble cohérente qu’il faut !
Avancer suppose une stratégie du capital risque. Je prendrai toutes les mesures nécessaires pour que nous rattrapions notre retard dans ce domaine : 170 dollars investis par habitant en Israël, contre 75 dollars aux États-Unis et 18 chez nous !
Reste la mobilisation de notre épargne vers les entreprises qui produisent en France. Les ménages français investissent massivement dans le livret A et l’assurance-vie. Je créerai des avantages réorientant cette épargne vers nos entreprises tricolores. Il nous faut plusieurs dizaines de milliards. Plus généralement, avec le vent d’optimisme qui soufflera autour de mon projet, une préférence pour la production future l’emportera sur l’investissement dans les vieux immeubles haussmanniens. C’est dans ce contexte que la traçabilité au service des consommateurs, ainsi que le déploiement et la promotion du label « Origine France garantie », rendus publics, seront de plus en plus fructueux.
L’objectif est de ne pas perdre les chaînes de production, les usines, le savoir-faire et le design. Mon combat est de garder un outil complet. Que les entrepreneurs qui produisent en France soient réellement soutenus, sans paperasse ni dépendance, et que nous formions des jeunes en vue du monde de demain et surtout d’après-demain, sans corset de normes excessives. La France doit voir et agir avec les yeux de ceux qui pensent à elle, ceux qui cherchent et qui produisent, avec les yeux du futur. Ayons le courage d’être fiers !