Déclaration de Jacques Cheminade
Paris, le 23 octobre 2010—Le tribunal administratif de Melun, saisi par les syndicalistes de la raffinerie de Grandpuits, en Seine-et-Marne, vient d’annuler hier soir l’arrêté de réquisition des grévistes signé par le préfet, estimant qu’il portait « une atteinte grave et manifeste au droit de grève ». Je me réjouis que la règle de droit soit rappelée. Beaucoup moins que les forces de l’ordre aient débloqué la raffinerie avec des méthodes musclées exigées par ceux qui les commandent.
Deux choses me paraissent fondamentales dans la situation actuelle :
1) Il faut donner une perspective politique à long terme, par delà la question des retraites, à la juste exigence d’une contestation qui porte sur notre modèle de société. Cela signifie en clair qu’il faut recréer les conditions dans lesquelles chacun puisse avoir un emploi digne et qualifié, un niveau de vie minima et l’accès à une culture qui permette un essor des facultés créatrices de tous. Au vu de cela, abaisser le pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités, notamment en allongeant la durée des cotisations et en repoussant de fait pour une majorité l’âge du départ à 67 ans avec un taux plein, est une aberration sociale.
2) Cette perspective de justice sociale, qui est définie dans la Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944 concernant les buts et objectifs de l’Organisation internationale du travail et par le Préambule de notre Constitution, ne peut aujourd’hui être assurée qu’en mettant fin au pillage financier. C’est pourquoi une séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt, du type de celle que l’Administration Roosevelt avait mise en place avec la loi Glass Steagall, doit être un premier pas pour empêcher les spéculations destructrices et pratiquement illimitées. Il ne faut plus renflouer ceux qui ont joué mais organiser leur faillite ordonnée. Un système de crédit productif public doit remplacer l’ordre de pillage monétariste actuel, réorientant l’argent vers les grands travaux d’infrastructure, l’industrie et l’agriculture, étayé par les indispensables protections sociales, en France, en Europe et dans le monde.
Ce sont ceux qui ont spéculé qui doivent payer, et non le peuple. L’Union européenne ne peut plus continuer comme elle va, contre l’intérêt des nations et des peuples qui la composent. Le principe de notre Constitution, Titre premier, Article 2, est : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C’est pour faire prévaloir ce principe qu’il faut réquisitionner les banques, organisant une commission d’enquête sur leurs opérations avec des pouvoirs d’instruction, et non réquisitionner les travailleurs dont le travail assure l’avenir de notre pays.
Le « retour à la normale » ne doit pas être le retour à l’injustice mais l’éducation et le développement mutuels, l’emploi pour créer un monde meilleur et non souffrir pour survivre.