« Pourquoi la France n’a pas trouvé d’hommes supérieurs au moment du péril ? », s’interrogeait Louis Pasteur en mars 1871. La même question nous vient aujourd’hui aux lèvres, alors que commence l’effondrement du système financier et monétaire international et que ces circonstances portent les oligarchies à exercer un chantage à la guerre. Est-ce parce qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ? Est-ce parce qu’étant grand marchand d’armes, notre pays ne peut croire qu’elles seront utilisées ? Je vois plutôt que nos dirigeants, parce qu’ils ne croient plus en notre pouvoir et ont perdu la mémoire de ce que nous avons apporté au monde, vendent leur âme sans même en être pleinement conscients. Libéraux-conservateurs de droite, au nom d’une Europe autodestructrice et d’une fausse modernité, et libéraux-libertaires de gauche, au nom d’un individualisme hors sol et d’un écologisme qu’ils croient opportuniste, ont capitulé face à des marchés devenus porteurs de guerre, dès lors qu’ils ne peuvent plus imposer par d’autres moyens le remboursement de leurs dettes de jeu.
La France s’est contentée, depuis plus de quarante ans, d’obéir à une impulsion reçue et à des idéologies en voie d’extinction, laissant ainsi tarir ses sources. Cependant, nos atouts sont forts. D’abord en raison de notre vocation universelle. Ensuite pour servir le bien commun de nous tous, Français, et des générations futures. Nous avons parmi tous les pays l’une des proportions les plus élevées de chercheurs et d’étudiants en sciences physiques de haut niveau. Nous disposons du domaine et du service publics légués par notre histoire. Nous avons une industrie de pointe dans l’aérospatial et le nucléaire de demain. Notre système de santé et d’hôpital publics reste l’un des meilleurs. Notre taux de natalité est le second d’Europe. Et nous continuerions à nous laisser entraîner dans des querelles vulgaires et subalternes sur la gestion d’un monde fini ? Entre soumission à l’OTAN, à Bruxelles et à l’euro et illusion du repli national ? Il est temps de nous ressaisir.
Les BRICS sont nos alliés potentiels, de l’Atlantique à la mer de Chine, et c’est avec eux que nous devons porter un projet, mobilisant nos atouts et entraînant les autres pays européens hors de leur cage financière.
Mais par où commencer, où trouver les bases de ce projet ? D’abord en combattant le monde de la City, de Wall Street et de leurs courroies de transmission dans les paradis fiscaux et en Europe. Cette nouvelle féodalité destructrice promeut l’Europe des régions contre l’État et les communes, car c’est là que se trouve le cœur de la Résistance à ses menées. Notre État tel qu’il fonctionne n’est cependant pas de nature à résister. Car il a pactisé avec les régions et l’Europe de la finance, cette Europe falsifiée que préconisait un Léopold Kohr dans sa Décomposition des nations. La promotion des métropoles régionales, véritables nouvelles baronnies, est dans le droit fil de ce projet.
Que faire ? Rétablir au centre de notre dispositif public une véritable équipe présidentielle, se substituant à notre césarisme complice et courtisan. Une équipe constituée à partir de quoi ? De la base de notre vie démocratique, c’est-à-dire des communes. L’État doit arrêter la baisse des dotations et la gestion des emprunts toxiques. Nous avons besoin d’un aménagement équilibré, juste et concerté du territoire et d’une péréquation qui devienne une réalité. Ce sont les élus et les populations locales concernées qui sont le fondement de notre démocratie républicaine, la base de résistance sur laquelle doit reposer le haut.
Le souffle du grand engagement national doit être ainsi ranimé, non pour revenir au passé mais pour donner au monde la clé d’un futur qui rompe avec toute soumission, forcée ou volontaire, à l’oligarchie financière et à la féodalité bureaucratique. C’est le nouveau nom de la paix.
L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.