Bien plus qu’une manifestation contre la hausse des taxes sur les carburants, c’est un cri de colère contre le mépris du travail humain qui a éclaté le 17 novembre, le cri de colère de la France des oubliés.
Choses vues et entendues :
Il y a quelques années, on s’en sortait, maintenant c’est dur... Ras-le-bol d’être des vaches à lait... On nous demande de plus en plus avec de moins en moins de salaire... La taxe sur l’essence et le diesel, c’est la goutte d’eau. Après l’augmentation de l’électricité et du gaz, on n’a plus rien en fin de mois...On ne peut même plus se faire plaisir...On ne veut plus d’une politique où les riches décident pour les riches...Ce gouvernement, c’est Robin des bois à l’envers.
C’est ce que Rosa Luxemburg appelait un « ferment de grève de masse ». Non pas, bien entendu, un mouvement syndical ou politique organisé, une « grève » avec des objectifs au sens habituel, mais un ferment de grève exprimant des frustrations, cherchant des repères et rejetant non seulement le gouvernement actuel mais aussi ses opposants.
En proposant des solutions techniques pour acheter un nouveau véhicule ou en distribuant une aumône pour mieux se chauffer, le gouvernement s’est trompé. Les gens attendent des réponses de fond, bien plus consciemment qu’on ne le croit dans les classes supérieures des métropoles, où il y a pour elles de l’emploi et de l’argent. Les gilets jaunes sont des Françaises et des Français qui ont subi la fermeture des usines, la crise du monde rural, le départ des services publics et des commerces.
Des gens qui ont besoin non seulement de leur voiture ou de leur tracteur pour travailler, de fioul pour se chauffer, mais aussi qu’on respecte leur travail et protège l’avenir de leurs enfants.
C’est en ne répondant pas à cette simple et juste exigence qu’Emmanuel Macron est devenu le symbole d’une politique injuste et arrogante, et glisse sur le toboggan de l’impopularité.
Reste la question fondamentale : et après ? Ce mardi 20 novembre manifestent les infirmières. Ecoutons-les : « On est sur le fil tout le temps, on n’en peut plus...Les fournitures nous sont données au compte-gouttes... On en arrive même à compter les feuilles de papier pour nous essuyer les mains. » La convergence des luttes est donc naturelle et socialement logique, avec tous les travailleurs. Les communes rurales, elles aussi, se révoltent contre le « monde darwinien de la compétition économique moderne ».
Elles voient partir les écoles, les boulangeries, les postes, les perceptions, et ne rester souvent en hiver que les maisons de service public et les supérettes et hypermarchés de plus en plus loin des logements. Les jeunes s’éloignent aussi et le déclin démographique vient. Ce qui se passe est la réaction face à une France qui se mine de l’intérieur. Bien davantage, c’est une réaction contre la décomposition sociale des pays occidentaux.
Alors, après ? Eh bien, le moment est venu de s’unir en se battant pour une société plus juste, redonnant priorité aux êtres humains et aux générations futures, et non aux forces financières qui ravagent la vie et la nature avec le soutien d’une technocratie nationale, européenne et mondiale.
Rester au négatif serait saborder l’élan. Il s’agit de guérir la France en lui donnant l’horizon d’une politique qui aille depuis les communes jusqu’aux enjeux du monde. C’est-à-dire un projet positif partant du droit du peuple de notre pays et des peuples du monde à un avenir. Avec un Etat du peuple se battant pour mettre fin à la tutelle des banques d’affaires et des géants d’internet, rassemblant les grands pays du monde pour un ordre international équipant l’homme et la nature et non servant les profiteurs et les rentiers. C’était mon projet lors de l’élection présidentielle. Il le reste aujourd’hui plus que jamais.
Après avoir rendu hommage aux poilus morts, il est temps de respecter les vivants.