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Sivens, simple retenue collinaire devenue enjeu national

mardi 11 novembre 2014

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Déclaration de Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès

La mort dramatique de Rémi Fraisse, dont la justice enquête sur les conditions, a fait de la retenue collinaire de Sivens un enjeu national.

Un enjeu malheureusement livré aux émotions et aux préjugés, au sein d’une société devenue incapable de débattre démocratiquement de son avenir. Tentons ici de le replacer dans le monde réel, en mesurant ce que certains ont entendu en faire. Car Sivens a été pris en otage par des intérêts et des forces incompatibles avec un Etat de droit. Sous prétexte de préoccupations écologistes, ils ont recours à une forme de « violence régénératrice » qui se propage depuis la bouche d’Alain Soral jusqu’à celle d’extrémistes ayant fait de la Nature leur cause malgré elle.

Aménager un petit lac de retenue sur un site qui n’est même pas classé Natura 2000, vise à retenir en hiver les eaux d’un petit affluent du Tarn, le Tescou. Il s’agit d’assurer que les agriculteurs de la vallée puissent arroser leurs terres lorsque le cours d’eau se tarit en été et de les protéger en cas de crues hivernales, comme en 1930. Cette retenue, en réalité une digue en argile de 12 mètres de haut et non un « barrage », doit permettre la survie et le développement de petites exploitations familiales, principalement maraîchères, victimes de la sécheresse. Après de nombreux débats, dont la réunion de pro- et anti- « barrage » en septembre 2012, où une majorité en faveur de la retenue s’était dégagée, le projet a été validé par une très grande majorité des conseillers généraux du département : 43 sur 46. Dans ce projet, dont la préfète du Tarn a signé en 2013 la déclaration d’utilité publique, 20 hectares de zones humides doivent être constituées sur des parcelles dégradées pour compenser 13 hectares effacés.

Une « vigilance citoyenne » s’est alors déchaînée, mêlant certaines préoccupations légitimes sur des aspects du projet à une revendication de tout arrêter sans tenir compte du vote des élus ni de la volonté de la majorité des habitants. Des écologistes se sont manifestés, rapidement rejoints par des « zadistes », qui ont fait de ce chantier une « zone à défendre », comme si le pays pouvait être fragmenté suivant l’idéologie de minorités. A ceux-là se sont joints des manifestants ultraviolents, qui s’en sont pris aux gendarmes jusqu’à leur lancer de l’acide. C’est au cours d’un de ces affrontements nocturnes que Rémi Fraisse a été tué, probablement par le souffle d’une grenade offensive lancée par un gendarme, alors que son groupe se trouvait sous l’assaut de manifestants n’ayant plus rien à voir avec des écolopacifistes.

C’est de tels engrenages qu’il faut arrêter. En remarquant d’abord que ce sont ceux qui répètent qu’il faut penser local et agir local qui se sont opposés au choix des « locaux ». En soulignant ensuite le fanatisme auquel aboutit une « défense de la nature » par ceux qui la connaissent peu : ce sont des provocateurs armés de masques à gaz et de barres de fer, jetant des cocktails Molotov et de l’acide, à qui on a fait la courte échelle. Enfin, et c’est le plus grave, se propage ainsi une idéologie mettant en cause le travail et la création humaines.

La revue fondée par l’écolo-millionnaire britannique Teddy Goldsmith affirme que Sivens n’aura été que « le sommet de l’iceberg » et le symbole d’une bataille bien plus étendue contre « de très nombreux autres projets d’aménagement en France » qui sont « tout aussi absurdes économiquement et écologiquement ». La revue applaudit des deux mains le dernier rapport de la Cour des comptes réclamant la fermeture d’un grand nombre de gares TGV et l’abandon de lignes nouvelles.

Le 31 octobre, on pouvait entendre sur Ce soir ou jamais Mathieu Burnel, du groupe de Tarnac, se réclamer du rapport du Club de Rome de 1972 sur « les limites à la croissance » et se réjouir que « la jeunesse trouve un sens en affrontant la police et en essayant d’abolir l’économie ». Pour sa part, le 4 novembre, Arte donnait la parole sans contradiction à Dennis Meadows, du fameux rapport Forrester et Meadows, base des travaux du Club de Rome, et à Jean Gadrey, qui citait l’économiste mystique et théoricien des systèmes Kenneth Boulding proclamant : « Celui qui dit qu’une croissance exponentielle infinie est possible dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

C’est ainsi toute une croisade qui se déchaîne, propageant l’illusion pétainiste qu’un retour au passé est la solution face à « l’horreur économique ».

Situons donc ce qui s’est passé à Sivens dans ce contexte : une manipulation de masse malthusienne, jetant le discrédit sur la création humaine sous toutes ses formes et prônant un retour à la Terre qui ne ment pas, sans jamais mentionner ces ennemis de l’humanité que sont la City et de Wall Street, si ce n’est pour assimiler croissance physique à croissance financière et justifier ainsi la dépopulation mondiale, ouvertement ou insidieusement, faute de moyens physiques pour alimenter les générations futures.


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