Si l’on veut réellement trouver une réponse aux abstentions (73 % pour les 18-35 ans) et aux votes en faveur du Front national le 25 mai 2014, il faut oublier les croisades moralisatrices et examiner le comportement endogame des classes dirigeantes de notre pays. Au sommet, une caste cannibale gère la mondialisation financière dans un entre-soi qui a détruit l’ascenseur social et jette le peuple en pâture au monde de l’argent, en l’accusant de populisme s’il résiste. Les élections européennes doivent donc être comprises, par delà la nature de leurs bénéficiaires, comme un sursaut contre un pouvoir socialiste qui a fait de la finance son amie. Ayant trahi l’esprit et la lettre du discours du Bourget, il en paie la note.
Endogamie ? La petite cérémonie de départ organisée le 3 avril par la chef du service politique de l’AFP, Sylvie Maligorne, en est le témoignage. Notre beau monde politique de droite et de gauche y buvait, papotait, s’embrassait, tweetait, se selfisait et se congratulait en jouissant de se trouver en réseau. Décontracté et débonnaire, le président de la République était accueilli par une Sylvie fondant en larmes de bonheur : elle le tutoie et l’appelle François. Auprès d’eux, Jean-Louis Debré « n’imaginait pas de ne pas venir. On en a passé des heures ensemble, dans la salle des Quatre-Colonnes… » Jean-Luc Mélenchon tapotait la joue de François en riant, Manuel Valls proclamait « nous nous sommes connus tout petits » et les UMP Christian Jacob, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand devisaient et pouffaient avec le communiste Pierre Laurent et le vert Jean-Vincent Placé. Le Monde et Le Nouvel Observateur consacraient une page à cet évènement, notant qu’il n’y avait pas à s’émouvoir d’« une fête qui aurait pu avoir lieu à New York » ou à Londres, avec Tony Blair et le Financial Times ou The Economist dans les rôles de composition.
Pourquoi en parler ici ? A cause de son caractère terriblement révélateur. Marine en était absente, mais il faut bien un faux diable pour que la fête batte son plein, surtout si ses cornes et sa queue, ou celles de M. Philippot, sont par ailleurs couvertes tous azimuts par les médias pour tenter d’appâter le gogo dans un cul de sac. Entre la maison Sylvie – pardon, l’AFP – et la famille Le Pen, on croit ainsi tenir les deux bouts.
Le but est qu’aucun étranger douteux, c’est-à-dire attaquant réellement le monde de la finance et proposant un projet d’avenir rétablissant ce que devrait être la France, ne puisse entrer.
J’ai rencontré moi-même Sylvie Maligorne avant les élections présidentielles, et lui ai exposé mes idées pendant près de deux heures. Elle pouvait donc se faire une opinion sur qui je suis réellement. Or je l’ai retrouvée sur La Chaîne parlementaire (LCP), dans le guet-apens politique organisé contre moi le 21 mars 2012. Bien pire que Frédéric Haziza, à qui je laisse le bénéfice du doute puisque je ne l’avais, lui, jamais vu auparavant, elle a visiblement mené la cabale, avec Françoise Fressoz du Monde et Marie-Eve Malouines de France Info. Jusqu’à dire ouvertement que son intention était de me priver de l’avance de fonds publics qui, vu nos faibles moyens, était fondamentale pour que nous menions une modeste campagne.
L’on sait maintenant, de Cahuzac en Bygmalion, ce que vaut la morale des gens en place. Alors, pourquoi prendre un marteau pilon pour écraser ce « moustique » ou ce « farfelu » dont on m’accolait par ailleurs l’étiquette ? Une seule réponse est possible : hier ils préparaient déjà la trahison du Bourget et pour demain, plutôt la roue de secours Marine qu’un réel ennemi du monde de la City et de Wall Street.
Cette oligarchie des incapables a échoué. Elle coule. Mais il faut que notre peuple continue à se ressaisir pour suivre une voie nouvelle et ne sombre pas avec elle. Le monde a besoin de la France.
L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.