Editorial de Jacques Cheminade, à paraître dans Nouvelle Solidarité N°4/2017 du 14 juillet 2017. (S"abonner ICI)
L’on peut constater que le président de la République a confié à la droite financière l’ensemble de notre politique économique : Bruno Le Maire au ministère de l’Economie et Gérald Darmanin à celui de l’Action et des Comptes publics. La promotion de ces deux ambitieux est, bien entendu, un message adressé aux marchés financiers et à Bruxelles.
Lors de son récent voyage à New York, Bruno Le Maire s’est présenté comme « Hermès » portant une lettre de « Jupiter » aux principaux dirigeants de ce monde de Wall Street que je dénonce depuis plus de trente ans. Il n’a pas mâché ses mots d’allégeance : « La France a changé, elle vous accueille, n’ayez plus d’inquiétude sur le droit du travail français...n’ayez plus d’inquiétude sur l’instabilité fiscale française. » S’adressant auparavant à des journalistes sur le contenu de son message, Hermès leur avait confié : « Je vais leur dire très simplement que l’ennemi ce n’est pas la finance, c’est le chômage... » On peut traduire par « open bar » pour l’argent-roi et rationnement pour tous les autres.
C’est ce rationnement que Gérald Darmanin se charge d’organiser. Il a annoncé sur France info avoir proposé au Premier ministre « des mesures d’économie dans tous les ministères », à la grande surprise de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, qui croyait avoir obtenu au moins la sanctuarisation de son budget.
Open bar : non seulement les « impatriés » – les salariés et certains dirigeants de sociétés venus travailler en France – seront exonérés d’impôt sur le revenu pendant huit ans sur leur « prime d’impatriation » (en moyenne 30 % de leur salaire), mais, bien plus, seront supprimées les taxes sur les salaires qui frappent les entreprises non assujetties à la TVA, c’est-à-dire principalement... les banques et les assurances !
Bruno Le Maire a également évoqué l’ouverture de classes bilingues pour attirer à Paris les familles de financiers anglophones et même, selon le New York Times, la possibilité d’instaurer un régime juridique particulier en faveur des entreprises qui viendraient à Paris, afin de pouvoir continuer à bénéficier de la protection du droit britannique !
C’est dans ce contexte que s’inscrit la réforme du marché du travail : une vision centrée sur l’individu et la propriété du capital, juges et syndicats étant vus comme des « rigidités » à contourner par l’érosion du Code et des procédures collectives. Contrat de chantier visant à éluder le contrôle du juge sur le motif de licenciement et conduisant à la fin du « CDI pour tous », périmètre simplement national justifiant le licenciement économique, référendum d’entreprise à l’initiative du patron, plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement abusif, fusion des instances représentatives réduisant le nombre de salariés protégés, autant de mesures s’inscrivant dans la logique suivant laquelle la compétitivité des entreprises et la lutte contre le chômage exigent l’abandon de pans entiers du droit du travail.
C’est ce qu’exigeait la note de JP. Morgan Chase du 28 mai 2013, que j’avais remis en mains propres à M. Macron et qu’il avait alors jugé choquant.
Le président de la République se trompe s’il croit aujourd’hui jouer au plus fin. Non seulement il mène ainsi une politique injuste, qui détruira l’Etat social, mais il se met sous la dépendance constante de la finance qui sapera le fondement même sur lequel repose son pouvoir, comme elle le fit avec François Hollande. Les pompes, les œuvres et les apparences n’y pourront rien changer.
C’est dans ce contexte que la campagne que nous menons pour une véritable séparation bancaire est la première salve de l’indispensable offensive politique pour libérer la France du féodalisme financier. C’est le verrou à faire sauter pour arrêter l’austérité sociale et la régression économique qui nous étranglent. Parler du reste revient à chantonner sur le pont du Titanic sans vraiment inquiéter personne.