Il est désormais clair que « l’homme malade de l’Europe » n’est pas à rechercher dans tel ou tel pays : c’est toute l’Europe qui est malade. Les dernières statistiques publiées en Allemagne en sont la preuve. Dans ce pays abusivement considéré comme le mieux géré, la production industrielle a baissé de 4 % en août et la chute des commandes à l’industrie a atteint 5,7 %. En France, tous les moteurs de l’activité sont en panne. Au second trimestre, l’investissement des ménages a reculé de 2,4 % et celui des entreprises de 0,8 %. Notre capacité de production industrielle a baissé de 4 % depuis fin 2013 et même de 11 % depuis 2008. Les mises en chantier sont au plus bas depuis 15 ans.
L’activité n’est soutenue que par les dépenses publiques et la consommation des ménages. Or la politique européenne et celle de notre gouvernement « socialiste » consiste à s’en prendre aux deux ! L’État prévoit une réduction des dépenses publiques : baisse de 9 milliards des dépenses de santé et de sécurité sociale, de 8 milliards de l’État et de 3,7 milliards des dotations aux collectivités territoriales. Les communes, à elles seules, perdront 2,07 milliards. Les fonctionnaires seront mis à la diète avec la suppression de 11 879 postes, avec 7500 postes en moins rien que pour la Défense nationale.
L’opposition de droite prévoit encore davantage d’austérité. François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy nous ont expliqué ce que veut dire dans leur bouche « une réduction du coût du travail ». Prenons le plus explicite, François Fillon. Comme les autres, il pousse des cris d’orfraie face à la politique familiale effectivement malthusienne du gouvernement, avec pour mesure la plus stupide la division par trois de la prime de naissance à partir du deuxième enfant. Cependant, il propose lui-même un traitement de choc qui serait bien plus nuisible à la vie quotidienne et à la consommation familiale. Il souhaite réduire les dépenses publiques de 110 milliards d’euros en cinq ans, soit 60 milliards de plus que le plan du gouvernement ! Il veut supprimer 600 000 postes dans la fonction publique et « réformer » la politique sociale en reportant l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et en abandonnant le système de compensation de la pénibilité. Il envisage une hausse de 3,5 points des deux taux supérieurs de la TVA pour financer une baisse des charges des entreprises de 50 milliards d’euros. Alain Juppé va à peine moins loin et Nicolas Sarkozy clame la nécessité d’en finir avec l’emploi à vie dans la fonction publique.
Toutes ces politiques visent à prendre aux plus démunis pour donner aux autres, avec pour résultat de détruire l’économie, c’est-à-dire la capacité de consommer et de produire. Personne ne veut aller aux causes, c’est-à-dire affronter le système financier prédateur. Car la vérité n’est pas dans l’état de l’offre et de la demande, mais dans la perversion du crédit en faveur d’une oligarchie. Nous sommes ainsi arrivés à ce qu’on appelle le « moment Minsky », où le volume total de la dette est tel que le rendement des actifs ne permet plus de rembourser les intérêts de la dette contractée afin de spéculer sur ces actifs ! Alors faire payer aux peuples et aux économies la perversion destructrice du système est non seulement totalement injuste mais d’une stupidité absolue.
C’est pourquoi il faut sortir de ce système destructeur à la fois de nos acquis sociaux et de notre production, donc des fondements de notre démocratie républicaine. En abolissant le règne des banques universelles par la mise hors d’état de nuire des prédateurs spéculatifs et en nous associant aux BRICS, qui ont, eux, choisi le développement mutuel. Déjà les dettes des pays occidentaux atteignent un niveau qui a toujours correspondu aux périodes de guerre. Ainsi, parler d’économie comme nous le faisons ici revient à sauver la paix.
L’édito de Jacques Cheminade est publié tous les 15 jours dans le journal Nouvelle Solidarité.