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Volcan

mercredi 21 avril 2010

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Alors que les cendres islandaises couvraient le ciel de l’Europe, la SEC, l’autorité de régulation des marchés américains créée sous Roosevelt, déposait le 16 avril une plainte civile pour fraude à l’encontre de Goldman Sachs. En même temps, le système de l’euro se dissout face à la crise grecque : l’Union, jetant aux orties les mécanismes de soi-disant solidarité et de convergence mis en place pendant les vingt dernières années, révèle sa nature de courroie de transmission des marchés mondiaux en faisant appel au FMI.

Les manœuvres de Goldman Sachs à l’encontre de ses propres clients étaient connues. Le fait nouveau est leur exposition publique par une agence officielle. L’esprit même des montages financiers en cours depuis les années 2000 se trouve mis en cause. En effet, les banques avaient alors accordé des prêts à des gens qui ne seraient jamais en mesure de les rembourser, en espérant que les Etats complices les renfloueraient en cas de crise tout en laissant tomber les emprunteurs. C’est exactement ce qui est arrivé. Goldman Sachs a été en cela un cas extrême mais en aucun cas une exception. Cette banque, dont tous les dirigeants contrôlent les finances publiques américaines, a vendu à ses clients des titres de subprime (prêts immobiliers à risque) emballés sous forme de CDO (collateral debt obligations), avec la complicité des agences de notation internationales garantissant leur « qualité ». En même temps, elle pariait pour sa part à la baisse, contre ses clients, avec la complicité active du gérant de fonds John Paulson. Paulson y gagna plus d’un milliard de dollars lors de la crise, Goldman Sachs se gava de commissions et ses clients trinquèrent. C’est un jeune normalien français, Fabien Tourre, directeur exécutif de Goldman Sachs Londres, qui était à la manœuvre et se trouve également poursuivi. Preuve qu’à la City, la débauche financière n’a pas de frontières.

Goldman Sachs a joué un rôle similaire auprès de la Grèce : après avoir aidé les gouvernements ultra-libéraux à maquiller leurs comptes pour entrer dans l’Union européenne, la banque a parié sur la baisse de la valeur des bons du Trésor grec, s’enrichissant ainsi aux dépens de son client.

Or que fait l’Europe ? S’en prend-elle à Goldman Sachs et ses complices ? Non, elle veut s’en prendre à la souveraineté nationale des Etats européens ! Invité le 16 avril par Pierre Lellouche au Quai d’Orsay, Edouard Balladur a réitéré une proposition qu’il avait faite dans Le Figaro du 17 février dernier : que les budgets nationaux soient soumis à l’Eurogroupe avant tout vote au sein des parlements nationaux ! L’Europe des projets deviendrait ainsi une Europe des budgets, fondée sur un principe d’austérité permanente infligée aux Etats. Le nouveau commissaire européen, Olli Rehn, partage l’idée d’Edouard Balladur. Il doit présenter le 12 mai ses propositions « en vue d’améliorer la gouvernance de la zone euro » et imposer « des disciplines communes ».

L’Europe de Lisbonne montre ainsi, autant que Goldman Sachs, son vrai visage. Les André Glucksmann et les Alexandre Adler se déchaînent autour du cadavre, hurlant à la victoire de la Russie et à la trahison de l’Allemagne, voire à la victoire posthume de la RDA. Il est temps de sortir de cette maison de fous et de redonner un sens à notre politique, avec un Glass Streagall global et un Nouveau Bretton Woods, en revenant au système de crédit productif public et aux grands projets des Trente glorieuses, sous peine de sombrer dans le chaos.

Jacques Cheminade

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